Mr. Bungle - Grotesque & Sexy

ALERTE : cette chronique était évidemment un bon gros poisson d'avril, désolé pour tous les fans de Mr Bungle !

Un mal pour un bien : l’expression n’a jamais été aussi appropriée. Même si beaucoup contesteront le bienfondé de l'association ici faite entre The Raging Wrath Of The Easter Bunny Demo et un « mal ». Sauf que les membres de la Trve Nawakophilia Academy ne peuvent faire autrement. Car passer du summum de la Fusion la plus débridée à ce Crossover Thrash canal tristorique, c’est comme confectionner une sangria avec un vieux Petrus : OK, le résultat dépasse tout ce qui avait pu être fait jusque-là dans cette catégorie… Mais putain, quel gâchis de matière première !!

« Un mal pour un bien » disais-je, car le comeback unilatéral de Mr. Bungle n’a pas laissé que des fans sur le carreau : il a également fait des victimes chez les anciens membres. On comprend en effet que le Lapin de Pâques soit resté bloqué en travers de la gorge de Clinton Mckinnon et Danny Heifetz. Car s’il est vrai que ceux-ci coulaient jusqu’ici des jours heureux en la lointaine contrée d’Oz (les uns trublionnant dans Umläut, les autres s’agitant dans Cannibal Spiders et Godswounds), on imagine sans mal que le fait d’avoir été assignés de force sur le banc de touche pendant qu’on transformait leur ex-Home Sweet Home en bar PMU de luxe leur ait méchamment foutu les boules.

D’où, chez ces deux oubliés du reboot bunglien, comme des envies de revanche et de coups d’éclat (… dans la gueule du Général Patton).

Or, qui c’est-y qui avait conservé les maquettes du 4^e album mort-né prévu après California ? C’est Danny ! Et qui c’est-y qui a gonflé tout ça aux hormones en réenregistrant certaines des pistes dans son studio et en s’aidant d’une IA pour beautifuler ce que les autres membres du groupe auraient tout bonnement refusé de bosser à nouveau ? C’est Cliclint’ !

Le résultat ? Grotesque & Sexy, un geyser musical foutraque, aussi fastueux qu'expertement ciselé, qui prolonge la course bunglienne dans cette direction vers laquelle les boussoles Nawak du monde entier pointent depuis la fin des 90s. Autrement dit, celle d’un horizon tropical dans le lit duquel un soleil rougeoyant se couche, loin au large des plages d’un Toonville décadent. C’est sur un « Welcum Back to Smart Ass City » presque évident que les Patton-addicts retrouvent leur idole, sa voix de crooner coquin rajeunie de 20 ans brillant autant sur de faux spots publicitaires que sur ce refrain « Pimp My Bass » dopé à la wah-wah. OK, c’est plus crade que ce qu’un fan de Funk Metal ingurgite habituellement, mais bien que l’écran solaire s'avère bougrement poisseux, comment rester de marbre face à cette chaleur torride et à ce « Weeeeel-CUM to Smaaaaaaaaart CI-TY ! » tout bonnement irrésistible ?

Pour des vacances 5 étoiles, il est en général préconisé d'alterner bains de soleil et brise légère. D’où « Sweet Colorectal Cancer », balade pleine de Chab-dou-wap’ complices, de chœurs typés Barbershop et de piano Rock… qui ne pouvait donc logiquement que finir sur 10 secondes d’un Grind violemment primitif ! On suppose qu'il s'agit là de la réaction d'un Mike Patton qui, avec le recul, a dû trouver California un peu trop sage à son goût… Cela expliquerait également « Lactose Intolerant Messiah » et son Gospel bruitiste, limite Harsh Noise, sur lequel s’invite l’incontournable saxo du poto John Zorn. Mais soyons forts, et résistons à la tentation d'une description indigeste de l’intégralité de ce magnifique bouquet… Duquel, notez bien, émergent néanmoins quelques épines. Tel le « Lactose Intolerant Messiah » déjà évoqué. Auquel il faut encore ajouter « Porn for Paramedics », dont les hoquets Ska ne se marient pas toujours pour le meilleur avec ce gros synthé exagérément flashy, et dont les « Hîîîîîn Hîîî-îîîn » nasillards – censés évoquer un sirène d’ambulance, vraiment ? – finissent par irriter la chair auriculaire. Heureusement, il ne s’agit là que d’exceptions...

Parce que par ailleurs, rhaaaaaa, « Pope on a Rope », quelle merveille ! Qui aurait pu imaginer qu’une Fusion Country/Hardcore puisse sonner aussi merveilleusement liturgique ? Et rhaaaaa bis : « Masturbating in Zero-G » !!! Difficile de concevoir conclusion plus grandiosement adaptée, le titre tombant en fin de tracklist telle la brique inespérée qui retarde de neuf grosses rangées le Game Over tetrissien, ce deux ex machina mêlant Mambo, Electro kitsch et aiguillons Thrash pour nous conduire vers l’infini et au-delà !

Merci Clinton ! Merci Danny ! Et puis, allez tiens : merci à vous aussi, Mike, Trey et Trevor. Parce que vous aviez beau vouloir nous priver de cette formidable corne d’abondance – c'te bande de vauriens – c’est bien vous qui êtes pour une écrasante partie à l’origine de ces frissons grandioses qui nous secouent enfin l’intégralité de la carcasse, des oreilles jusqu’aux extrémités les plus turgescentes.

Grotesque donc, sexy… Et complètement incontournable, bordel !

La chronique, version courte : alors c'est vrai, la planète brûle, l’extrême-droite revient plus vomissante que jamais, les microplastiques et autres nano-joyeusetés font de plus en plus de macro-dégâts… Mais putain : grâce à Clinton Mckinnon et Danny Heifetz, on peut enfin écouter Grotesque & Sexy, le véritable 4^e album de Mr. Bungle qui aurait dû succéder à California si seulement… Mais ne ressassons plus ces humeurs maussades qui appartiennent désormais au passé. Car même si le monde devait s’enfoncer encore un peu plus dans l’hallucinante dystopie qu’est devenue notre époque, ce diable d’album rendrait tout de même l’année 2025 plus désirable que n’importe laquelle de celles qui l’ont précédée. « Mr. Bungle revient, Mr. Bungle revient…. Mr. Bungle revient parmi les tiens !! »

Cglaume

le 01/04/2025