Nader Sadek - In the Flesh

Chronique CD album (29:56)

chronique Nader Sadek - In the Flesh

 

« Groupe de death metal basé aux Etats-Unis, j'ai sorti mon dernier album aux beaux jours sur le label Season of Mist. Côté micro, c'est l'impressionnant Steve Tucker qui se charge d'imiter Jeanne Moreau et son cancer du larynx. Je suis, je suis ... »

 

Sacré Julien! Alors comme ça on tend des pièges grossiers à ses invités? Non, non: In The Flesh n'est pas le petit dernier sorti des studios Morbid Angel – bien que nombreux soient ceux qui le regrettent – mais un all-star band (en bref: Blasphemer et Attila de Mayhem, Flo Mounier de Cryptopsy, Tony Norman de Monstrosity, le Steevy évoqué ci-dessus, j'en passe et des moins connus...) formé autour de Nader Sadek qui, en plus d'être le nom du projet et l'anagramme de Kraneddase (si ça se trouve ça veut dire quelque-chose en plus...), est un natif des bords du Nil qui a manifestement ses entrées dans le gotha du death américain comme dans celui du black norvégien. Notre gugusse en ayant sans doute assez de voir les copains sortir des galettes qui sentent bon les fonds de douves méphitiques et se taper toutes les groupies sans partager, que fait-il? Il s'enferme dans sa chambre avec sa flûte à bec et un paquet de Pépitos, couche sur papier le squelette de quelques morceaux lugubres et bien puissants, passe quelques coups de fil aux potes pour voir si des fois ça les brancherait quelques groupies de plus en échange d'un peu de leur temps et de leur talent, et hop, roule ma poule: In The Flesh se retrouve en boîte – le seul ne participant pas physiquement à cette messe discographique étant Nader lui-même, celui-ci préfèrant laisser bosser les pros et se charger uniquement de l'artwork.

 

Bon alors, si on résume: un all-star band ficelé plus ou moins artificiellement, un trip artistico-nombriliste, un compositeur même pas foutu de participer à l'enregistrement de son album... Ça sent le cramé tout ça!

 

Eh bien non, pas élémentaire du tout mon cher Watson: In The Flesh est un petit bijou de death sombre, tourmenté, violent et maîtrisé. Certes les vociférations profondes de Steve Tucker, la nature épileptique de beaucoup des soli et cette aptitude à prendre des chemins de traverse particulièrement sinueux rappellent à de nombreuses reprises les habitudes de l'Ange Morbide... Mais Nader – sans dec' – a sa patte bien à lui: son death est abrasif et fougueux, ses déchaînements riffés évoquent aussi bien l'ouragan soufflant de la paille de fer que l'essaim d'hélicoptères de guerre parés pour l'assaut, et la toile de fond de l'action reste invariablement un paysage de champ de bataille apocalyptique. On fait pire comme programme non? Par contre ici point de chevauchées à peine maîtrisées où le rythme s'emballe et les musiciens partent en live pour célébrer dans un chaos revendiqué la première dent de lait du grand Cornu. Non. On sent bien que les bourasques de grattes et de rythmes barbelés qui soufflent sur In The Flesh sont millimétrées au quart de poil, et que les transitions, les pirouettes et les cacahouètes qui déferlent sur l'auditeur sont le fait de maîtres Jedi en la matière... A vrai dire, pour coucher tout ça en quelques mots, on pourrait évoquer un mélange d'Immolation et de Morbid Angel interprété par la crème de la crème de la scène polonaise, le grain poussiéreux en plus.

 

Dès « Petrophilia », on se prend une méchante claque, tous les éléments étant réunis pour nous roussir le poil – puissance écrasante, noirceur étouffante, éjaculations lead brûlantes, gargouillis caverneux, batterie dans le rouge… Mais également transitions fines, avancées vicieuses plus posées, et un Flo qui décidément sait faire preuve de subtilité. Conquérant, évocateur et accrocheur, ce premier « vrai » titre est un énorme carton. Et le groupe maintient la pression sur la suite en variant régulièrement le dosage entre pirouettes retorses et impressionnants lâchers de panzers. Sur « Soulles », nos gaillards nous offrent une petite merveille de sprint de fond (terminologie non homologuée par la Fédération Française d'Athlétisme) aussi mélodique que véloce (paf à 0:25!), dynamique qu'ils reprendront d'ailleurs pour notre plus grand plaisir sur « Sulffer » vers 0:29 (même timing donc). Argh, que c'est bon! Dans ces moments-là, la bande à Naader (le faute est intentionnelle... Ach so!) se révèle être le parfait héraut de l'apocalypse, son message étant à la fois sombre et flamboyant, vicieux et conquérant, furieux et hyper maîtrisé. Et point final grandiose parmi les points finaux grandioses, Nader Sadek nous offre des adieux de très grande classe en la présence d'un instrumental superbe, « Nigredo in Necromance », où de noires mélodies et de subtiles raffinements de composition nous conduisent avec panache vers les sombres horizons de la fin du disque.

 

Oui mais il y a un mais. Voire deux. Primo, In The Flesh dure moins d'une demi-heure, à laquelle il faut encore retrancher un peu plus de 3 minutes correspondant à 3 interludes à mon humble avis complètement inutiles. Au final, oui c'est ça, vous calculez bien: il ne nous reste guère que 25 "grosses" minutes pour 6 morceaux... Bel EP donc! (non?). Deuxio: « Mechanic Idolatry » se démarque par une approche plus tortueuse, plus dissonante... Plus chiante pour être honnête, notamment quand on le compare aux autres titres. Un peu comme une version bof-bof de « Where The Slime Lives » / « World of Emptiness » de qui-vous-savez. Heureusement en fin de titre les leads s'en donnent à cœur joie sur une rythmique conquérante, sans quoi on aurait été tentés de zapper le morceau...

 

On cause on cause, mais je vois arriver le bas de la page. Nader Sadek est – cela a déjà été dit mais puisque c'est vrai, répétons-le – une belle alternative pour ceux (dont je ne fais pas partie) que le dernier Morbid Angel a déçu, bien qu'il ne faudrait pas non plus se tromper et réduire In The Flesh à une resucée du répertoire de la bande à Trey. En tout cas il est agréable de constater qu'il est possible de réunir une brochette de musiciens de renom et d'horizons différents et de lui faire pondre une petite pépite de noirceur et de cohérence, dans la grande tradition de ce que le death metal prétendait être à ses débuts. Maintenant espérons que cet album, s'il est le premier du groupe, ne sera pas le nadernier (sadekonne dur en fin de chro les gars...).   

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: un effort death metal collégial étonnemment cohérent et efficace, qui consolera les déçus du dernier Morbid Angel et rajoutera une brique de choix dans l'édifice "death de tradition".

photo de Cglaume
le 22/09/2011

3 COMMENTAIRES

Tookie

Tookie le 25/09/2011 à 22:18:46

Solide, bien sombre, grosse ambiance quand même mais j'ai un peu de mal à comprendre l'emballement général autour de ce disque.
20 excellentes sur 30 pour un album c'est quand même juste ! Non ?

cglaume

cglaume le 26/09/2011 à 00:17:24

20 excellentes minutes sur 30, c'est ce que tu voulais dire je suppose ? C'est sûr que c'est un peu lèg' ... M'enfin il y a tellement d'albums sur lesquels la ratio est bien moins bon. Et puis une minute excellente en rattrape 2 ou 3 mauvaises... :)) Non et puis une note c'est surtout une affaire de ressenti global...

frolll

frolll le 09/03/2012 à 22:23:06

ça tourne ici, et c'est un 7 mesdames et messieurs...

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