Severe Torture - Torn from the Jaws of Death
Chronique CD album (38:33)
- Style
Brutal Death metal - Label(s)
Season of Mist - Date de sortie
07 juin 2024 - Lieu d'enregistrement Torture Compound Studios
écouter "The Death of Everything"
'de dieu, ça remonte à un sacré bail ! C'était en septembre 2002, à « La Loco », avant que celle-ci ne devienne « La Machine du Moulin Rouge ». Étaient rassemblés sur une même affiche Cannibal Corpse, la tête d'affiche, Dew-Scented, qui venait de sortir l'exceptionnel Inwards, ainsi que Severe Torture, alors fortement influencé par les seigneurs de cette festive soirée. Afin de profiter pleinement de ce déluge de gros son, j'avais pris soin d'acquérir en amont Feasting on Blood, le premier album des Néerlandais. Et je dois bien avouer que, 22 ans après, cette grosse plâtrée de gerboulade à la mode Chris Barnes ne m'a pas laissé un souvenir impérissable, ce qui explique sans doute que je n'ai pas suivi avec assiduité la suite de la carrière du groupe. D'autant que celle-ci sembla s'achever une petite dizaine d'années plus tard, peu après la sortie de Slaughtered, leur 5e album, puis de From Blood to Carnage: 1998-2004, une compilation récapitulative ressemblant à s'y méprendre à un bilan / dernier tour de piste / merci-au-revoir-c'était-la-der !
C'est donc un peu surpris que, il y a peu, au milieu de la pile du courrier en retard, je tombais sur une missive électronique envoyée non pas par Mr De Mesmaeker, mais par Season of Mist, celle-ci vantant les mérites de Torn from the Jaws of Death, sixième album qui aura donc mis 14 ans à succéder au petit précédent... Entre le lièvre et la torture, le groupe s'est donc montré cohérent vis-à-vis de son patronyme, car plutôt que de courir, il a préféré partir, et surtout arriver à point. Renseignement pris, ce nouveau jalon se trouve avoir été précédé, deux ans plus tôt, par Fisting the Sockets, EP salué pour son efficacité, celui-ci étant avant tout chargé de rappeler au monde l'existence des Severe Pépères, et de lui annoncer que ceux-ci se sont dotés d'un nouveau batteur, Damiën Kerpentier, en remplacement de l'iconique Seth van de Loo – qui, il est vrai, papillonnait beaucoup (on l'a vu chez Voodoo Gods, Nader Sadek, Centurian & co).
En 2024, Severe Torture continue de pratiquer un Death Metal qui mérite toujours le qualificatif « brutal ». Mais tout comme Cannibal Corpse – qui s'est extrait du tas de viscères primal pour passer, avec Georges « Corpsegrinder » Fisher, dans l'ère d'une brutalité plus sèche, plus musculeuse, et plus technique – de néandertaliens, les Néerlandais sont devenus Homo « ça ponce » en passant pour l'occasion à l'âge du Brutal Death poli. Bref, à ce genre de compos qui rugissent un poil plus fort que le Death metal classique, mais qui permettent néanmoins à l'auditeur de tout entendre, de tout comprendre, contrairement aux Devourment, Last Day of Humanity et autres Mortician, qui laissent sur le carreau une grande partie du public d'Amon Amarth et In Flames.
Et dans le genre, Torn from the Jaws of Death s'avère être une excellente surprise. Tout d'abord parce que, bien que la majorité des musiciens impliqués doit à présent tutoyer la cinquantaine, l'album est d'une véhémence sans faille, avec toutes les options incluses : growl joliment guttural, riffs impitoyables, et batterie qui pilonne comme l'aviation britannique en virée à Dresde. Et puis parce que cet album est dans la tradition des 90s : constitué de morceaux ayant chacun un petit truc bien à lui, accrocheur bien qu'extrêmement velu, et donc au final attachant, avec ce fort goût de reviens-y qui en découle logiquement. Et pourtant, pris en bloc, ces 10 titres forment un parpaing massif, sans faille ni faiblesse, que l'on se prend dans la trombine comme un pompier new-yorkais les 23e et 24e étages de la tour nord du World Trade Center.
La fiesta furiosa démarre tambour battant dès « The Death of Everything », missile aux faux airs de futur classique, brutasserie musculeuse qui arbore cette efficacité in-your-face et cette sèche combativité caractéristiques du Death polonais. On y remarque toutefois une lead mélancolique qui, à l'approche de la conclusion, distille ses trémolos sur fond de riffs majestueusement funestes, avant de laisser l'auditeur pensif sur des langueurs atmosphériques... Puis d'embrayer sur « Marked by Blood and Darkness », grosse mornifle jumelle calibrée sur le modèle de son prédécesseur, et tout aussi redoutable, d'autant qu'elle laisse mieux respirer la basse. Mais si ces deux premiers titres semblent issus d'un même moule, la suite va faire preuve de plus de variété. « Hogtied in Rope », par exemple, capitalise sur un riffing plus tortueux. Le morceau-titre, quant à lui, se pare d'un costume plus apocalyptique, et emprunte à la marge quelques tics à Deicide et Morbid Angel pour proposer ce genre de morceau qui bombe le torse face à un panorama ne laissant voir qu'un vaste champs de bataille rougeoyant.
On est certes un peu moins durablement impressionné par « Christ Immersion », qui semble plus un collage de trois blocs distincts qu'une pièce unique. Même petite réticence à l'égard de « Those Who Wished Me Dead », plus bordélique et monotone que la moyenne. Mais hormis ces pistes relativement moins captivantes, l'ensemble de la tracklist offre claques cinglantes et captivantes visions d'apocalypse. Car quand il ne se contente pas de nous dérouiller méchamment (cf. « The Pinnacle of Suffering »), l'intelligence de Severe Torture réside dans sa capacité à instiller de la majesté et des mélodies noires dans ses accès de fureur. C'est ce qui fait la différence sur l'excellent « Those Who Wished Me Dead », ainsi que sur « Tear All the Flesh off the Earth », final aussi funeste que furieux, qui laisse cette fois autant de place aux légions infernales – qui continuent de tartiner, la bave aux lèvres – qu'à une procession funéraire conclusive – qui nous entraîne derrière elle vers un sombre générique de fin...
On verra ce qu'en pensent ceux qui connaissent la discographie du groupe comme leur poche, mais je ne serais pas étonné que Torn from the Jaws of Death fasse partie des tous meilleurs albums des Néerlandais. Et si ce n'est pas le cas, c'est qu'il sera urgent pour moi d'aller réparer mes lacunes. Car vu comme ce 6e chapitre bute, s'ils ont encore plus impressionnant en stock, je signe des deux mains !
La chronique, version courte : 14 longues années après Slaughtered, Severe Torture a choisi de revenir en mode « Alors : c'est qui le chef ici, hein, c'est qui ? », avec sous le bras un 6e album à la fois sèchement brutal, terriblement imposant, mais également majestueux et accrocheur. Ce genre d'album qui fait preuve de la qualité des 90s, de la véhémence musculeuse du Cannibal Corpse récent, et de l'expérience du vieux routier qui n'a rien perdu de la fougue du jeune loup. C'est donc avec une très grande classe que Torn from the Jaws of Death nous administre une très grande claque.
5 COMMENTAIRES
Crom-Cruach le 19/08/2024 à 16:09:58
Méchant (et pas tant brutal que ça) mais je peine à retenir un morceau plus qu'un autre. Donc le côté "accrocheur" n'y est pas. Un 7/10 me parait plus approprié, perso.
Chab le 20/08/2024 à 14:27:45
Écouté hier soir, sans connaître non plus les anciens albums, et ce fut un moment assez agréable. Ça reste ultra efficace, quelques morceaux qui m'ont pas mal marqué ! Merci pour la chronique !
cglaume le 20/08/2024 à 14:32:20
Content que cela t’ait agréablement chatouillé les oreilles 🙂
Crom-Cruach le 20/08/2024 à 18:43:00
Oh ça va le fanclub de Lapinou là hein !!
Chab le 20/08/2024 à 20:18:39
Je ne peux qu'être fan d'une chronique aussi pertinente 😄
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