Nano Sigo - Happy Loopy Swing

C’était il y a 7-8 ans de cela. L’heureux hasard d’un clic judicieux – sans doute effectué dans la direction indiquée par une connaissance bien intentionnée – me conduisait dans l'univers merveilleux de The Onironauts, formation cuivrée aussi fébrile que festive, trop tôt disparue. Parmi les Oni’, gérant le trio saxo/piano/micro : Nano Sigo – ami(e)s des rimes pauvres en O, c’est cadeau. Celui-ci, relativement actif à l’époque, avait également œuvré en solo, et d’ailleurs sorti un EP tout aussi jouissif, Urban Campfire Jam, regorgeant de swing, de Jazz manouche, de malice et de modernité joyeuse. J’étais en toute logique tombé follement amoureux… Mais me trouva vite dépourvu quand les années suivantes furent venues. Car pas le moindre petit bout de single ou de vermisseau à donner à manger à mes noreilles. Ses compos continuèrent certes d’égayer les petits dèj’ en famille, mais l’espoir de voir de plus fraîches histoires atterrir dans mes enceintes finit par s’évanouir…

Arrive avril 2024, et… Toc Toc, qui va là ? Tel le Martin que l’on n’attendait plus Guerre, il est là, comme s’il ne nous avait jamais quittés, notre Nano, avec dans son ballot un album nouveau. Happy Loopy Swing, c’est la fraîcheur, l’insouciance, les rayons de soleil d’Urban Campfire Jam, allongés cette fois sur environ 25 minutes. Et le grand sourire lumineux d’alors de retrouver lui aussi sa place en plein milieu de notre bouille.

Scat truculent, bougeotte trépidante, cordes amicales, sifflements joyeux, cuivres pimpants, « Joyful Gypsy Dance » est comme le petit frère de « Scat Ravage », chargé de la même mission consistant à nous faire pénétrer dans les lieux, de nous en faire faire le tour rapidement, afin que l’on s’y sente comme à la maison.

Mais Nano aime également tourner les pages de ces albums photos qui réchauffent le cœur à grands coups d’instantanés surannés de ces jours heureux qui furent mais ne seront plus. Ainsi « Scent Of The Swing Spirit » ressemble-t-il moins à Nirvana qu’à la B.O. réactualisée d’un film de Jacques Demy, où tout n’est qu’optimisme flegmatique et pique-nique sous les arbres.

Et s’il fallait distinguer un troisième registre dans lequel Nano pioche pour éloigner les nuages noirs de nos vies trop terre-à-terre, ce serait celui où s’ébat « Quirky Munchies » tout d’abord, puis « Culture Scat » après lui, autrement dit un Swing pas explicitement Electro- – le morceau est certes tendu rythmiquement parlant, mais la chose reste néanmoins organique à 95% – mais conçu juste dans le bon esprit, avec juste ce qu'il faut d'espaces à combler pour constituer un candidat idéal à un remix turbo-maxi-boost  par Caravan Palace. On claque des doigts, on sourit comme un renard de dancefloor, on fait péter la chaîne en or : ce soir, avec Nano, c’est soirée Boris ! (… euh, c’était pas ça la formule ?)

Et les 7 titres suivants se révèlent être autant de déclinaisons sur ces trois grands axes non parallèles. Parfois la lumière reste tamisée, le vin léger, et le hamac douillet (cf. « You Are », le brunch parisien « Bohemian Freedom », et l’abandon léthargique « Lazzy Swing »).

Parfois l’on est invité sur des terrains un peu différents mais néanmoins très compatibles, plus près des caravanes, des clap-claps endiablés et des guitares de Rodrigo Y Gabriela (cf. « A Vibrant Story », « Swift Meadow Skip »).

Parfois on hésite entre cavaler ou rester à flâner dans les hautes herbes (cf. « The Solutions To Your Problems »).

Mais quelle que soit la piste, jamais on ne se sent seul, ni triste, ni déplacé, ni agacé. Car le monde de Nano n’est que petit-dèj tardifs, apéritifs précoces, balades (ou siestes) digestives, douches coquines et soirées ambiancées. Soit la formule magique des vacances réussies, voilà, c'est ça.

Ainsi, qu’il s’agite dans un mode énergiquement sépia plein de grésillements de vinyle et de guitare manouche, qu’il sifflote de par les chemins dans la brume tranquille d’une joie de vivre printanière, ou qu’il gigote aux limites de l’effervescence Electro Swing, Nano Sigo donne toujours autant l’impression d’être ce pote que l’on attendait pour le barbec’, et qui – à défaut d’arriver à l’heure – se pointe non seulement avec le sourire, mais avec une bouteille de rosé bien frais. Alors donnez moi une seule bonne raison de ne pas l’installer à vos côtés sous le parasol… Perso la glacière et les enceintes sont sorties, les braises sont rouges… il n’y a plus qu’à [ré-]appuyer sur la touche >Play !

La chronique, version courte : honnêtement, on ne pensait pas avoir le plaisir d'écouter un jour la suite de l’excellent EP Urban Campfire Jam. Pourtant ça y est, Happy Loopy Swing est une réalité. Et c’est cette fois sous la forme d’un album (court, mais album quand même) que Nano Sigo revient nous mettre des fourmis dans les guiboles et des snaps dans les fingers afin qu’on l’accompagne le long de dix pistes pleines de Swing (pas Electro-, mais presque, parfois), de Jazz Manouche, de tressautements joyeux, de sérénité estivale, de rosé bien frais et de ciels peu encombrés par les cumulus. Vous cherchiez le compagnon discographique idéal de vos moments heureux ? Vous l’avez trouvé.

Cglaume

le 03/08/2024