Obuedian Raph - Pahilcé Koot
Chronique CD album (54:51)

- Style
Nawak Smart Chiptune Prog Metal - Label(s)
Autoproduction - Date de sortie
24 mars 2020 - Lieu d'enregistrement Dans le salon des parents de Raph
- écouter via bandcamp
« Bonjour. Je suis fan de Pryapisme, Igorrr, Mr Bungle, Pin-Up Went Down, CHON, Gentle Giant... »
Il n'y a pas à dire: Obuedian Raph est un surdoué du speed dating Nawak. Ce genre de proposition envoyée à un lapin jaune a autant de chance d'être ignorée que la poule en chocolat de Pâques par un zoophile boulimique. Honnêtement je ne vois pas trop comment le loustic aurait pu cibler mieux son interlocuteur, sinon en ayant The Groovin' Psycho Bananaz pour pseudo... Non parce que « Obuedian Raph », ça ressemble un peu trop à un tirage de lettres au Scrabble. Et c'est quasi ça d'ailleurs, vu qu'il s'agit de l’anagramme de Raph Beaudouin, le blase du monsieur qui onemanbande ici. D'ailleurs, maintenant que j'y pense: le titre de ce premier album doit être du même acabit. Pahilcé Koot, attends voir... « Capitole KO »? « Ha, Copilote »? « Chat poil OK »? Non, je ne vois pas...
Quoiqu'en effet, il doit y avoir du chat là-dedans, vu la pochette. Et ce goût prononcé pour Prypapisme – dont chacun des artworks est orné de l'une de ces bestioles dont la trogne duveteuse génère un nombre monstrueux de clics sur le net. D'autant que le parallèle avec les chibres d'acier ne s'arrête pas là vu que le Raphounet aime son Metal tarabiscoté, instrumental, et expertement mélangé à de nombreux éléments qui n'ont rien à voir avec la choucroute, notamment tout un tas de bidibip plus ou moins chiptunesques. Ah, j'oubliais: autre point commun, il adore les titres de chansons complètement barrés – ce qui le rapproche également d'Igorrr cela dit en passant. Jugez-en par vous-même en consultant la tracklist sur le côté. « Il Effraie, Mon Poisson », « Quiche Portative A 2 Vitesses » ou encore « Terminado La Rigolada »... C'est pas signé peut-être? Alors forcément, difficile de ne pas avoir de la sympathie pour un tel zigoto, avouez.
Donc, certes: Pahilcé Koot peut faire penser à Pryapisme. Mais un Pryap' moins Metal extrême, plus aéré, plus Prog'n'Lounge, plus apaisé, et qui fricoterait régulièrement avec les Snorkies rigolards d'Ultra Zook. Et qui – encore, oui – se contenterait de 2, 3, allez 4 minutes pour faire le tour de ses idées. Un format qui facilite grandement la digestion. Quand on y regarde de plus près, même si chacun des 20 titres ici offerts sent bon le mille-feuilles instrumental, les ingrédients ne sont finalement pas si multiples. L'essentiel de ce que nous raconte Raph, il le fait à l'aide d'une guitare électro-acoustique, de sonorités 8 bits et autres glitcheries électroïdes, d'une clarinette, d'une basse, d'une batterie (ou alors si c'est une BAR elle est programmée avec le génie d'un 6:33) et d'un clavier qui peut sonner comme un orgue, comme un piano, ou envelopper occasionnellement la trame musicale d'une dimension plus orchestrale. Régulièrement – en général sur la 2e partie des morceaux – la guitare se muscle pour montrer des crocs plus foncièrement Metôôôl. Et quand l'humeur est au petit vin blanc qu'on boit sous les tonnelles, il arrive également que Raphaël sorte l'accordéon (cf. « D'un Coup De Guinguette Magique »), ce qui le rapproche encore du père Igorrr. Enfin, d'un CHON l'auditeur retrouvera la fraîcheur printanière et les jardins amicaux (« Excellent Ce Titre ! »). Comme quoi le gugusse n'a pas menti sur ses accointances musicales.
Pahilcé Koot consiste donc en une heure d'intelligente gourmandise et d'élégante malice. On s'y passionne pour une multitude de détails raffinés et croustillants. On frétille joyeusement sur « Chacovre VS Cochon Dingue ». On cueille des fruits mûrs lors de la promenade « Travail, Famille, Batterie ». On swingue et joue les Danny Brillant blagueurs en écoutant « D'un Coup De Guinguette Magique ». On savoure la puissante alliance clarinette / guitare électrique qui fait soudainement lever la pâte de « Wolfgang Amadeus Bizarre », à 1:12. Clarinette qui apporte tout autant à « La Grande Barrière De Chorale » quand, à 0:55, celle-ci met en branle une superbe caravane Nawak brinquebalante.
Pour autant certains éléments tempèrent quelque peu notre enthousiasme. Les extrémités de l'album pour commencer. Car « Paysage Imaginaire Musical & Sonore » agace les oreilles comme un vol de moustique nocturne, tandis que « Terminado La Rigolada » consacre ses 2 dernières minutes à un chahut chiptune relativement stérile. A cette liste de réclamations s'ajoutent « Quiche Portative A 2 Vitesses », flottement post-bad trip au sein duquel on perd nos repères de manière relativement désagréable, « Fou Artistique », interlude minimaliste désarticulé, et « Balade Banale D'une Banane Banale », trop inconsistant, trop plume-dans-la-mousseline, trop pet-de-rose-dans-le-bain-moussant. Pas de quoi fouetter violemment ce gentil minou, mais ça le prive de quelques grattouilles derrière les oreilles.
En même temps, quand on pratique ce genre d'équilibrisme artistique sur près d'une heure, il est difficile de tout le temps brosser l'auditeur dans le sens du poil. D'autant que l'implantation pileuse de Roger n'est pas celle de Kimberley, ni celle d’Anissa. Pourtant, quand on juge l’œuvre dans sa globalité, on ne peut que rester admiratif, et donc, au final, convaincu. Pahilcé Koot n'offrira certes pas à votre douche l'occasion de vous entendre fredonner de nouveaux airs, mais paiera quand même sa tournée d'endorphine à chacune des extrémités de vos terminaisons neuro-auriculaires. Alors allez donc écouter l'album sur Bandcamp: ce serait bien la mort s'il ne vous arrache pas quelques ronronnements de plaisir!
La chronique, version courte: il existe un bar cosy à Nawakville, sur les confortables coussins duquel on boit d'étranges mais délicieux cocktails. L'ambiance y est feutrée, les débats passionnés mais pleins de retenue, les serveuses-toons charmantes. Un tel lieu se doit de baigner ses clients dans un nuage musical suave mais épicé, frétillant mais élégant. C'est donc sans surprise que l'on découvre que Pahilcé Koot y tourne en boucle.
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