Thy Art Is Murder + Dying Fetus + Fit For A King + Alpha Wolf + Sanguisugabogg le 25/06/2024, Bataclan, PARIS (75)

Rien qu'aux les moult galères rencontrées pour me rendre au Bataclan ce mardi 25 juin, je me doutais que quelque chose de spécial devait s'y produire. Les métros en retard et surbondés, ça au pire c'est une chose et de toute manière dans l'écosystème parisien on s'y habitue tellement qu'à force, les précautions se prennent naturellement. Se faire intercepter sur le trajet par un témoin de Jéhovah complément illuminé, un crackhead en pleine montée, des flics qui te contrôlent dans la foulée et une random excitée à t'en mettre la main au paquet (liste non exhaustive), là par contre même à l'échelle de notre belle Ville-Lumière ça commence à devenir un signe : à défaut d’assister au concert du siècle, a minima il ne risque pas d'être banal.

Et par conséquent, malgré toute la bonne volonté du monde, difficile d'arriver à l'heure pour Sanguisugabogg dont je n'assisterai finalement qu'au dernier tiers. Mais quel dernier tiers, surtout de la part d'une étoile plus montante que le Burj Khalifa de la scène death (formée en 2019). Entre Graspop et Rock in Bourlon la semaine d'avant, Resurrection et Hellfest le même week-end (liste non exhaustive), la tournée des festivals européens des Amerloques au logo dégoulinant ne leur semble pas plus épuisante que ça. Si lightshow et scénographie s’illustrent par leur relatif immobilisme, ils ne soulignent que mieux les postures d'un Devin Swank poussant la beuglante en contre-plongée de son micro dans un pastiche de Lemmy Kilmister les yeux perdus dans la contemplation d'un nuage en forme de bouteille de Jack Da'. Impatient donc de revoir Sangusobigga en tête d'affiche et pourvu de moyens techniques revus à la hausse ; les bouteilles d'eau lancées dans le public depuis la scène comme autant de bouquets à un mariage se boivent en tout cas de bon augure pour qui les attrape avec le même enthousiasme que les médiators de Carcass.

Plus vieux que Sangobaggisog (formés en 2013), moins rompus aux tournées internationales (première tournée européenne et, par conséquent, toute première date à Paris, quel honneur), Alpha Wolf détonne tout de même par rapport à leurs prédécesseurs par leur statut de metalcoreux au frontman sapé à la West Coast. Que de drapeaux rouges vis-à-vis des vieux clichés de puristes allergiques au genre, et pourtant la première confirmation de ce pressentiment partagé en intro. Putain, quelle bande de tarés, chacun à leur échelle et dans la limite de ce que permettent leurs instruments, jusqu'au batteur lui-même (défi : faites un mème avec sa photo que vous trouverez dans le diaporama). Pas plus de huit minutes de shooting et voilà ma carte mémoire chargée d'une des plus vastes sélections de photos que j’aie jamais eu à trier (là clairement et à mon grand regret vous devrez vous contenter d’une liste non exhaustive). Alpha Wolf déploie au travers de l’ensemble de son quintet une mise en scène aussi anarchique qu’impétueuse ; Lochie Keogh n’arrête peut-être pas de parler à longueur d’intermèdes avec un enthousiasme particulièrement contagieux, il se tairait qu’on ne verrait même pas la différence.

Le set d’Alpha Wolf génère en effet par sa seule énergie et ses nappes atmosphériques enveloppantes une quintessence de concert de core, le pit s’animant de walls of death cataclysmiques, de mosh pits violents sans être dangereux et de ses petites animations saugrenues. Qu’il s’agisse d’inciter le public à se monter sur les épaules les uns des autres, de lui faire former un cœur avec ses mains ou de provoquer un gigantesque saut collectif, Lochie Keogh s’impose en frontman comme on n’en voit que tous les cent groupes, le genre auquel on obéit au doigt et à l’œil. Supporté par un jeu de basse lourd et pénétrant en appui de blasts d’une intensité inégalée comme d’un jeu de lumières sanguinolent, épileptique et super rythmé, Alpha Wolf offre à son public européen une démonstration de show d’une intensité inégalé, valant à lui seul le prix des cinq groupes de la soirée.

Une bonne chose vis-à-vis de la performance de Fit For A King, en tout cas. Si l’ambiance ressentie au gré du set d’Alpha Wolf a menacé plus d’une fois l’intégrité physique de mon appareil photo, je l’ai senti largement plus en sécurité sur le set suivant. La musique des metalcoreux texans chrétiens (y a rien qui va dans cette phrase) susnommés se montre volontiers plus lourde et saccadé, notamment jouée par un bassiste aux acrobaties instrumentales d’une énergie à faire regretter les concerts de The Chariot ; le set n'en prend finalement pas moins des airs infiniment plus banals et impersonnels. Même le pogo se calme un peu trop souvent en-dehors des parties blastées. De l’ambiance au lightshow sombre et écarlate (liste non exhaustive), on oubliera vite fait cet entre-deux explosions.

J'adore en effet Dying Fetus (entre autres) en cela que peu importe le lieu, l'année, la tracklist, leur pilosité, ton nombre de grammes dans le sang, celui de sièges occupés par le camp présidentiel à l'Assemblée Nationale (liste non exhaustive) ; leur scénographie a beau s'avérer systématiquement la même, dans absolument 100 % des cas, elle fonctionne à chaque fois. Deux gratteux complètement immobile mais déchaînés derrière leurs pieds de mic plus un batteur qui n'en jette pas moins. Un lightshow à coller une épilepsie à un moine taoïste. Des appels au circle pit relativement timides mais plus autoritaires que les remontrances de ta maîtresse de CP. Les perpétuels photobombs du roadie. Une scéno de prime abord aussi rébarbative, je ne m'explique toujours pas comment quasi personne ne semble encore s'en être lassé. Après on ne va pas non plus s'en plaindre ; vous ça vous laisse les habituelles courbatures souvenir du lendemain et moi ça me fait gagner du temps pour mes shootings. Et plus de temps dans un pogo à mettre encore plus en péril que sur Alpha Wolf la santé de mon outil de travail. Ces forces combinées poussent en plus si bien la gueulante depuis une fosse chauffée à blanc que les derniers remerciements aussi chaleureux de John et Sean remontent sans doute à loin. Souvenez-vous de ce concert comme un bel électrochoc à 10 000 volts assené au fœtus mourant.

Un sentiment plutôt frustrant dans la mesure où malgré tous les efforts du monde, difficile de détecter, de ressentir la même hargne du côté de Thy Art Is Murder. Une belle énergie s'en dégage, à base d'un lightshow (et de ses fumigènes enveloppants) aux petits oignons nimbant chaque zikos et son jeu propre de son aura de férocité particulièrement léchée. Tyler Miller le premier, le plus photogénique des frontmen de la soirée à défaut du plus agité – en même temps c'est quoi cette idée à la con de porter un t-shirt à manches longues dans une salle lourde des effluves d'une centaine de pogoteurs alcoolisés alors que l'été vient de commencer… –, dont là encore la galerie de poses que j’ai à vous proposer ne peut que relever de la liste non exhaustive. Du rythme aux couleurs, le set de TAIM s'érige bel et bien en invitation au lâcher prise intégral.

Dans sa construction largement plus atmosphérique, il arrive malgré tout trop tard vis-à-vis du déchaînement expiatoire offert par celui de Dying Fetus. À la suite d'une telle expérience, pour calibrés au poil de cul d'imberbe que puissent se montrer effets synthétiques et breaks furieux, l'effet sauvagement onirique ressenti en première instance ne confine plus qu'au poussivement lancinant à mesure que se déroule la tracklist. Je ne vous cache pas combien il peut s'avérer frustrant de se sentir réconcilié avec un groupe avant que ne blesse de nouveau le bât d'origine : une ou deux tracks de TAIM (seulement les bonnes, qui plus est) ça tabasse, tout un concert ça lasse. Surtout quand il est si LOOOOONG !

À force de listes non exhaustives et de sauvetages in extremis de mon appareil photo sur une soirée aux ambiances en dents de scie, on peut effectivement dire que ce concert à cinq groupes ne pouvait pas être la plus banale des expériences. Si peu banales que la fluidité de la sono m'en a dispensé du moindre commentaire sur l'ensemble de ce report. Se faire happer par une ambiance, comme quoi, ça tient parfois à si peu de choses.

Aldorus Berthier

le 27/07/2024