Öz Ürügülü - Fashion and Welfare

Chronique CD album (56:53)

chronique Öz Ürügülü - Fashion and Welfare

 

« … Et vous Patrick ?

- 9 lettres : Öz ürügülü.

- Eh oui, bien joué, il n’était pas facile à voir. L’öz ürügülü est, comme chacun le sait, une sorte de petite huître à coquille dentelée que l’on trouve exclusivement sur les côtes orientales de l’île Maurice, et à laquelle on prête de nombreuses vertus curatives. Sa consommation serait particulièrement bénéfique pour soulager les tensions testiculaires ainsi que les cors au pied douloureux… »

 

Et pourquoi pas d’abord ?

Oui mais non. Et autant vous le dire tout de suite : ce groupe n’est pas non plus un side-project de Öxxö Xööx. Ni une formation de Folk Metal turque livrant là son premier concept album sur la vie dramatique d’un derviche tourneur souffrant de problèmes d’oreille interne. Non, Öz ürügülü ce sont six Suisses qui suçaient sans cesse et sans souci six cents saucissons sans sauce (… rhaa, maudits réflexes d’orthophoniste !). Ou plutôt, six Suisses pratiquant une musique intrigante à bien des égards…

 

« Fais voir l’engin… Oh non, catastrophe :

- c’est du pur instrumental – donc c’est chiant

- ça flirte avec le Jazz – donc c’est prétentieux

- c’est plein d’humour pince-sans-rire – donc c’est bobo »

 

Que voilà de bien vilains a priori... que les faits vont heureusement vite contredire à grands coups d’index sur le bouton >Play. Car durant la petite heure que dure Fashion and Welfare on découvre des musiciens à l’intelligence badine, on suit des processions gentiment barrées, on voyage aussi bien vers le sud qu’aux confins de Toonville. Car nos Suisses aiment tout autant lâcher de ces Bzoïng Bzoïng ensoleillés et joyeusement loufoques rappelant Ultra Zook ou ASIWYFA que monter à dos de chameau derrière Secret Chiefs 3 et le Baron de Münchhausen pour de longs périples mouvementés à travers un Orient de légende. Alors oui, de temps en temps une bienséante retenue, quelques solos/impros typés, ainsi que de brillants cuivres s'aventurent sur les terres du Jazz. Mais en mode décontract’, ainsi que savaient le faire les trublions de The Onironauts. Et les cartes postales envoyées par le groupe s'avèrent tellement colorées, la vie y est tellement foisonnantes qu’on en oublierait presque que la balade est – effectivement – quasi-entièrement instrumentale !

 

… Mais donnez-moi la main : on va aller voir tout ça de plus près.

 

C’est sur une profusion de bulles chatoyantes que démarre « Tarkatan Rush », morceau frais, funky et pétillant de malice, qui ne se contente pas de zébulonner brillamment sur fond de printemps toon, mais qui s’essaye également aux sonorités chiptune, à la country red neck (en plein milieu d’un ranch, cf. la basse-cour à 3:27 !) et à des effusions typées Piano Bar. « Android Mustache » démarre quant à lui sur une minute et demie génialement énervante pendant laquelle Carl King tient la jambe à une opératrice téléphonique sans jamais réussir à finir une simple phrase (il faut parler un peu Anglais pour en profiter)… Ce sketch laissant ensuite la place à une superbe séance de Snoopy Jazz à la The Onironauts alternant avec des saccades maladives à la fois syncopées et hypnotiques qui rappellent les œuvres de Mr Thordendal. Autant vous dire que ce mélange hyper contrasté se mange sans faim, les yeux plissés de plaisir. Le début d’« Odd Waltz » rappelle à qui veut l’entendre qu’Öz ürügülü n’est pas qu’un personnage d’Hanna-Barbera un peu extravagant. Il peut aussi faire froid dans son monde – vérité que rappelle également « Missing Pets », requiem triste mais doux, un peu Walt Disney sur les bords, qui je l’avoue n’est pas la fin d’album que j’avais espérée. Mais pour en revenir à la 3e piste de laquelle nous étions partis, celle-ci s’en va bientôt d’un pas titubant mais sexy à travers des paysages forains décadents, des palais des mille et une nuits loufoques, bref : dans un univers taillé sur mesure aussi bien pour Sleepytime Gorilla Museum que pour Secret Chiefs 3. On recroise d’ailleurs la route du groupe de Trey Spruance lors d’un accès Death Metal à la fin de « Rabbit » (Remember Holy Vehm ?), puis avec plus d’évidence encore sur la longue caravane « I Am The Fungus ».

 

Mais parcourons le reste de la tracklist d’un pas plus léger, car vous commencez à fatiguer. « Rabbit » est une ritournelle super groovy au large sourire toon. « RDA » donne dans le Mr. Bungle pur (plein de clap clap, de piano cubain, d’orchestrations fastueuses, de séances de scat et autres zouaveries). Tandis que « Garlic Venus » s'impose comme le « Desert Search for Techno Allah » du groupe, entre Mr. Bungle et SC3 donc, le morceau culminant sur une énorme séance de ricochets Djent qui se mélangent bientôt à des mélopées éthérées et des mélodies égrainées lentement, ceci afin d'emmener progressivement l’auditeur dans une transe hypnotique le conduisant aux portes du Nirvana (pas celui de Seattle : celui orthographié « nirvāṇa », en sanskrit dans le texte).

 

Là, vous voyez que je peux faire court (ou presque) quand je veux !

 

Mélange libre et brillant de multiples influences – Prog, Metal, orientales, Jazz, expérimentales, Nawak – Fashion and Welfare est un album qui ne mérite pas son relatif anonymat. Il était donc du devoir de CoreAndCo de vous rappeler (de vous apprendre ?) son existence pour que – les petits ruisseaux faisant les grandes rivières – les Suisses accèdent un jour à la reconnaissance plus large qu’ils méritent amplement. Alors faites-nous confiance : essayer Öz ürügülü c’est l’ädöptër !!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: Fashion and Welfare est un album-monde merveilleux, féérico-facétieux, instrumental mais bavard, dans lequel trônent des statues à l'effigie de Secret Chiefs 3, The Onironauts et Ultra Zook – sans oublier quelques poupées Meshuggah et Mr. Bungle, de-ci de-là, sur les étagères. On parie combien qu’il vous fera pousser des Ööööh et des Ääääh de surprise ravie ?

photo de Cglaume
le 23/11/2021

2 COMMENTAIRES

lapaju

lapaju le 24/11/2021 à 19:57:19

Merci pour cette découverte. Ça tourne en boucle en alternance avec le dernier album de Diablo Swing Orchestra.

cglaume

cglaume le 25/11/2021 à 05:35:05

Un beau couple !! :)

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