Panzerballett - Planet Z

Chronique CD album (51:12)

chronique Panzerballett - Planet Z

Les titres composés sur des mesures en 11/8, les entremêlements de pistes instrumentales conçus par d’indécrottables dadaïstes, les contre-pieds savants et autres pirouettes techniques pour étudiant en dernière année au Berklee College of Music, oui, mais non. L’exercice peut avoir un intérêt académique. Certains artistes vont même réussir à rendre telle ou telle œuvre respectant ce genre de schéma d’écriture relativement attrayantes. Mais en général les albums qui prennent le parti-pris de l’élitisme technique poussé à son paroxysme s’avèrent souvent d’une chiantitude que même la bravitude la plus brave ne peut permettre d’affronter sans bâillements ni autres signes d’agacements des sens.

 

Or, sur le billard aujourd’hui, Mesdames et Messieurs : Panzerballet. Ce groupe allemand répond tout à fait au profil du gang de nerds qui font avec leurs instruments ce que d’autres font avec des scalpels. L’auteur de ces lignes devrait donc abhorrer la musique produite par ces énergumènes. Sauf que les bougres arborent souvent le petit sourire en coin de ceux qui ne se prennent pas trop au sérieux. A un point tel que l’on avait qualifié leur Hart Genossen de Nawak Jazz Metal. Par contre, sur X-Mas Death Jazz, la belle dynamique déconnifiante semblait avoir pris du plomb dans l’aile, l’album commençant à montrer des signes d’embourgeoisement. Planet Z serait-il le dernier album du groupe à bénéficier d’une coreAndChro, cette dernière prenant acte du départ de la formation allemande vers d’autres cieux plus snobs, plus bon-chic-bon-genre, ce genre de lieux où il n’est pas de bon ton d’arborer un patch Sodom ou un gros nez rouge ?

 

Oui et non. Mais avant de vous dire ce qu’on a sur le cœur, voyons voir de quoi il retourne cette fois. Après l’opus des sapins qui clignotent, Panzerballet a tenu à sortir son album des batteurs qui tapotent. Car si sur l’album de 2017 Sebastian Lanser était seul à donner la cadence aux rennes de Santa, ils sont cette fois six bûcherons à participer à la fête, dont certains particulièrement connus, comme Hannes Grossmann (Alkaloid, Obscura), Morgan Ågren (Devin Townsend, Dweezil Zappa), Jean Passe et Dédé Meilleurs. Tout ce petit monde est aujourd’hui appelé à contribuer non seulement aux compos du maître des lieux (Jan Zehrfeld), mais également à des titres proposés par des collègues et autres connaissances aux partitions aventureuses. Sans oublier l’éternelle reprise (« Walkürenritt »), cet exercice incontournable étant aujourd’hui l’occasion d’une réappropriation de « La Chevauchée de Walkyries » du célèbre coureur automobile Richard VolksWagner (… non ?).

 

« Oui et non » disions-nous en tête du bloc de blabla précédent.

 

Tutafé. Car Docteur Jan et Mister Zehrfeld ont une fois de plus œuvré en parallèle pour, d’un côté offrir à l’auditeur de belles compos finement brodées, de celles qui arrachent des soupirs de satisfaction, et de l’autre jouer à celui qui retombe le moins souvent possible sur les temps forts, qui prend les chemins les plus détournés, qui part dans des impros improbables le petit doigt fièrement dressé en l’air.

 

C’est Jan SchiZohrfeld le nom du gars, c’est ça ?

 

Non parce que regardez bien : ce « Who The Jack Is Migger » où saxo et guitare se font de savoureux guili-guilis en équilibre sur une rythmique au large déhanché Djent (que la chose est grande, là, à partir de 1:30 !), et où le soleil s’avère plein de clémence pour les amoureux (je n’arrive pas à remettre le doigt dessus, mais je crois bien que c’est à clin d’œil à Carlos Santana à 2:39)… Mama mia : c’est savoureux ou bien ? Par contre quand vous poussez jusqu’à « No One Is Flying the Plane », c’est piano pédant, blabla teuton, cuivres stridents, hermétisme et Jazz coupant. C’est un orchestre de Broadway sous meth qui décide de déchiqueter tout début d’accroche Pop jusqu’à ce qu’il n’en reste plus que de la pulpe ensanglantée. Heureusement « Urchin vs. Octopus » plaque d’épaisses saccades Meshugörheadiennes – parce qu’il y a de la cendre et de la décontraction dans le débit de ce hachoir – qui contrastent avec des leads aériennes délicatement brossées en surimpression. Même qu’on croirait entendre le Coroner groovy de Grin apparaître vers 1:18. Mais quand arrive « Alle meine ändchen », c’est retour dans le shaker avant-gardiste où un saxo bègue et des beats hasardeux se cognent les uns contre les autres. Il faut attendre la dernière minute du titre pour qu’enfin la chose se lance dans une belle intervention frondeuse et racée, qui redonne le sourire aux moins geeks d’entre nous.

 

P’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non… C’est fatiguant ces hauts et ces bas !

 

Si l’on reste honnête et qu’on prend garde de ne pas tomber dans la caricature, on admettra quand même que Planet Z n’est pas un album 50% Yin / 50% Yang : les moments savoureux sont bien plus nombreux que les piqures vicieuses en plein nœuds nevralgiques. Le groupe s’affirme néanmoins plus que jamais comme à la pointe de l’expérimentation instrumentale, celui-ci ne s’amusant jamais autant que quand il brode dans le cadre d’exercices de style fortement contraints (cf. « SOS », qui décline le fameux appel en morse à la sauce Tech Jazz Metal moderne – de manière élégante, mais un peu longuette). Ce nouvel album ravira donc plus sûrement les Champollion experts en partitions illisibles que les fans de The Exploited. Alors choisis ton camp camarade – tout en prenant garde de ne pas louper un spectacle aussi impressionnant du fait d'une trve-itude mal placée !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: plus Expert Tech Jazz’n’Djent Metal que jamais, sur Planet Z Panzerballet perd encore un peu plus de cette insouciance joyeuse qu’on lui connaissait à ses débuts. Mais si certains morceaux peuvent s’avérer parfois un peu barbants, car trop pédants, la majorité de ceux-ci restent heureusement aussi impressionnants que réjouissants.

photo de Cglaume
le 12/11/2021

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