Porta Nigra - Kaiserschnitt

Chronique CD album (46:22)

chronique Porta Nigra - Kaiserschnitt

Si à un moment donné, vous vous demandiez où avait bien pu disparaître Cromy qui ne donnait pas signe de vie, ne cherchez plus : il s'était fait la malle en Allemagne pour une petite séance photo. Et les photographes de Porta Nigra, niveau artistique, ils n'y vont pas par le dos de la cuillère. Exit les paillettes et le maquillage glamour, c'est plutôt à grands coups de cocktails LSD/coke/amphèt' qu'ils préparent leur modèle. A n'en point douter, vu la gueule d'amour de ouf que ça lui fait à Cromy quand on regarde la pochette de Kaiserschnitt, ça a dû lui faire encore plus d'effet que vingt piquouz' de crust concentré à la suite.

 

Ne pas juger un livre sur sa couverture... En même temps, dans ce cas précis, la jaquette nous livre un indice avant-coureur de ce que peut bien donner concrètement la galette logée dans la boîtier. Ok, le duo teuton qui composent Porta Nigra ne s'improvisent pas comme des énièmes prêtres de la nawakerie mais il faut reconnaître qu'à l'écoute de Kaiserschnitt, les oreilles fument sérieusement. Pour dire, à la première écoute, outre la surprise, c'est plutôt le pénible qui nous assaille. Une masse sonore furieusement décalée, si ce n'est carrément improbable. Eux-mêmes parlent de « décadence » et en cela, on ne pourra que leur donner raison. Imaginez un peu, on vous colle dans les oreilles une sorte de masse musicale glaciale, quasi-hermétique de prime abord, empruntant autant à l'ambiance indus' bien martiale à la teuton comme il faut qu'à celle du black le plus froid tels Shining ou Carpathian Forest, voire le côté panzer armé des débuts de Marduk qu'on aurait foutu en lecture lente. Et vas-y que ça te mitraille les oreilles qui en saignent et que ça te braille n'importe comment en allemand. Et qu'en plus, tu te coltines des bandes de discours et autres chants historiques qui devaient bien trôner dans les archives du pays, période Première Guerre Mondiale. Wouahouh, perchés ces deux bougres de Porta Nigra. Pourtant, même si la découverte dégoûte quelque peu, on sent une sorte de magnétisme irrésistible. Non, Kaiserschnitt, ce n'est pas qu'une grosse explosion d'obus dans une tranchée de Poilus désagréable. Il y a autre chose. On le lance une seconde fois. Rien de plus. Sans que ce sentiment curieux ne disparaisse pour autant. De dépit, on laisse nos oreilles cramoisies refroidir en passant à autre chose.

 

Quelques jours plus tard, nos yeux croisent le chemin de ce disque qui trône négligemment sur l'étagère. Excès d'héroïsme, de zèle ou simple abnégation masochiste, ce serait quand même dommage d'avoir investi là-dedans sans en percer une once de mystère et de coquille. Mise en recul salvatrice car c'est en le relançant qu'on commence enfin à comprendre ce curieux sentiment. La froideur laisse place à une timide chaleur d'enchevêtrements de riffs et des refrains qu'on aurait enfin digérer. Et qu'on se laisse happer dans l'univers de Porta Nigra. Ce serait comme avoir retrouver une vieille relique de documentaire présentant un bout d'histoire perdue de la Première Guerre Mondiale dans le grenier des bâtiments d'Arte. Un document vidéo bizarrement monté où l'on verrait sans aucun lien logique des successions éparses et cliquetantes de marches d'officiers cérémonielles, de discours radical d'on ne sait quel tête de parti politique qui aurait pu faire office de véritable dictateur et de moment posés et divertissants de simples soldats profitant de leur permission dans un cabaret burlesque, couvrant des activités plus lucratives de maison close en arrière-boutique.

 

Pas très sain tout ça, un peu dérangeant même. Car d'un côté, Porta Nigra nous apparaît comme un groupe totalitariste, extrémiste – c'est une image des sensations qu'il peut bien procurer, ce n'est nullement une question de propos et de convictions politiques du combo – et qu'il exerce du coup cette même fascination malsaine que beaucoup de passionnés d'histoire vis-à-vis du parcours et de la personnalité des grands dictateurs. Et de cette fascination naît une sorte de dévotion. Alors en attendant que l'ONU les épingle pour crime sonore contre l'humanité, prenons Kaiserschnitt pour ce qu'il est. Une putain de frasque musicale aussi envoûtante que despotique.

photo de Margoth
le 15/06/2015

3 COMMENTAIRES

Xuaterc

Xuaterc le 15/06/2015 à 11:28:19

Excellent album, tout comme le premier!

cglaume

cglaume le 15/06/2015 à 12:32:17

"Cromy qui ne donnait pas signe de vie" ?? Y a-t-il plus omniprésent que lui sur le web qui fait du bruit ? C'est de la pure SF-chronique !! :)

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 15/06/2015 à 18:10:45

C'est du conditionnel mon Lapin : au cas où je disparaisse, je suis en Allemagne... même si je préfère la Suède niveau société balisée et prompte à l'exclusion des minorités. Je tiens aussi à dire que pour les cocktails, je me limite depuis bien longtemps à bière/vin/hydromel/hypocras/rhum/génépi/gnole de Dirty Shirt mais pas dans le même verre... Pour parler du groupe : pourquoi sont-ils incapables, tous plus ou moins dans ce créneau, de produire une basse qui POUAH dans la face ? PORTA NEGRA est bien potache toutefois.

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