Potence - Cinq Années De Nuit
Chronique CD album (32:10)

- Style
Neocrust/screamo - Label(s)
Dingleberry, Emergence, Lilith, Long Rail, Salto Morale, Shove, Urgence Disk, Yoyodyne - Date de sortie
1 mars 2024 - Lieu d'enregistrement Disvlar Studio (~Besançon)
- écouter via bandcamp
Et voilà. Il y a longtemps, j'ai vu Geraniüm en concert. Et Human Compost. Daïtro et I Was A Cosmonaut Hero, je suis quasi-sûr (oui, il y a des soirées où l'on ne sait plus vraiment ce que l'on a vu ou pas). Mais malheureusement, Potence, qui comptent dans leurs rangs des membres de ces diverses formations, toujours pas, malgré la dixième bougie que soufflera le groupe de Besançon/Strasbourg cette année.
Dix ans et cinq de nuit, donc, comme l'annonce ce nouvel album au superbe artwork de Thomas Perrodin, mettant justement en scène ces Cinq Années de Nuit, que l'on devine ne pas être de belles nuit d'été, d'amour et de douceur.
D'un point de vue nocturne, on dépasse ici largement les 30 jours des productions cinématographiques pour aller toucher les cinq années du terrain, de la base, du quotidien, celle dont vient le groupe, profondément ancré dans la culture DIY : album disponible à prix libre sur bandcamp, chanté dans la langue de Ravachol, vinyle sérigraphié, coprod entre plusieurs labels indépendants, concerts dans de nombreux lieux autogérés et des paroles qui ont « l'espoir que demain soit moins pire que ça ».
Quatre ans donc après leur excellent Culte des Bourreaux, qui lui-même faisait suite à leur déjà très bon Amour au Temps de la Peste, Potence reviennent plus allègres que jamais, comme le suggère déjà l'inclinaison très feel-good de leur patronyme (meilleur nom de groupe, par ailleurs).
« Cinq années de plus et c'est la décade qui danse
Cinq années de nuit pour sombrer plus profond dans la déchéance
Sombrer dans la haine et replonger dans l'ignorance
Cinq années de plus pour nous faire danser comme des pantins
Cinq années de nuit où on ne trouve plus le sommeil
Cinq années de bruit et de fureur qui résonnent dans nos oreilles »
Il y a besoin d'une explication de texte ou faut-il que des macronistes viennent chaque jour frapper à votre porte et prêcher la lumière pour comprendre quelles sont ces Cinq années dont parlent Potence ? Un autre indice dans ces paroles sombres comme les temps ? « Ce que l’on voyait en noir, au loin devant, c’est déjà ici, c’est déjà maintenant. Les cauchemars sont devenus la norme. Le désespoir est devenu la norme ».
Côté musique, on s'engouffre également dans un univers très peu marqué par la joie, tel que mesuré par le désormais fameux rigoloscope, qui ne s'agite ici pas beaucoup tout au long de ces huit morceaux. Comme le reste de la discographie du groupe, Cinq Années de Nuit s'inscrit dans le sillage de ce que l'on peut attendre du mash-up des formations desquelles les musiciens sont issus, aboutissant assez logiquement à un ensemble dense, intense et très convaincant de rivages entrecroisés du neocrust, du screamo et d'influences 'post' variées.
Si le morceau d'ouverture « La terre des hommes providentiels » met directement dans le bain de la noirceur, plus rentre-dedans, brut et direct, moins agrémenté d'ornements périphériques que ce que l'on a pu connaître chez le groupe, « Nouvelles normes en vigueur » qui lui fait suite est déjà un excellent exemple de ce qu'on trouvera disséminé sur cet album, où on retrouve ce riffing « à la Potence » marqué par des mélodies saillantes et des riffs en dents de scie, qui ici alternent avec des parties blastées, sur cette fin cathartique par exemple, ou ces ralentissements plus post, qui sur certaines sections du disque peuvent parfois faire penser aux effondrements civilisationnels de chez Time to burn (dont on se souvient encore de l'excellent Is.Land).
Sans s'aventurer plus loin dans la description détaillée des morceaux, Cinq Années de Nuit est un disque que j'attendais et dont j'attendais beaucoup, et qui à mon sens comble ces attentes.
Avec cet album passionnel et déchiré comme son chant, sombre et dense, Potence élaborent une nouvelle tentative d'exutoire en hurlant la misère des temps qui sont les nôtres et du peu de lueurs d'espoir qui s'en dégagent, comme une relecture actualisée de ce « La prospérité, ça n'existe pas mon gars » que chantaient Amanda Woodward il y a une bonne vingtaine d'années déjà, tout en cherchant une raison de ne pas sombrer, ne serait-ce qu'en décrivant ces paysages désolés. Un peu à la manière dont Italo Calvino, dans Les Villes Invisibles, évoquait l'enfer : « L’enfer des vivants n’est pas une chose qui adviendra ; s’il y en a un , et c’est celui qui est déjà présent , l’enfer que nous habitons tous les jours, que nous créons en vivant ensemble. Il existe deux façons de ne pas en souffrir : accepter l’enfer et l’intégrer jusqu’au point de ne plus s’en apercevoir . Le second est à risque, et exige attention et apprentissage continus: chercher et savoir reconnaître quelle est la chose au milieu de l’enfer qui n’est pas l’enfer, la faire durer et lui procurer de l’espace ».
Sans lauriers ni prouesses autres que la sincérité et l'engagement à corps perdu dans leur musique et leur attachement à leurs idéaux, mis à rude épreuve comme ceux de tant d'autres d'entre nous ces derniers temps, Potence, avec ce nouvel album, ne donnent ni boussole, ni lanterne à suivre pour s'échapper de ces cinq nouvelles années de nuit ; ce qu'on y trouvera, pour celles et ceux qui sentent porter cette même déchirure, c'est ce petit mot laissé sur la porte du frigo, cette photo dans le porte-feuille, ce verre pris avec des potes, ce petit cadeau qui rappelle que, malgré les mauvais jour et parfois le désespoir, nous ne sommes pas seul·e·s, et d'autres partagent les mêmes sentiments.
Et oui, comme on le disait dans le court texte qui présentait notre quintet en tant que groupe du mois sur CoreandCo, dans Potence il y a 'pote'. Alors quand en plus, on peut se perdre dans la musique, pourquoi s'en priver.
A écouter les jours où, en plus d'aimer nos ami·e·s, on voudrait voir les patrons au lampadaire. Aujourd'hui par exemple.
16 COMMENTAIRES
Crom-Cruach le 14/03/2024 à 13:20:48
"D'un point de vue nocturne, on dépasse ici largement les 30 jours des productions cinématographiques" et BD-esque (Très bonne référence).
Moland le 14/03/2024 à 15:51:10
Je plussois la réf. La BD est cool et le film tout autant. Y a 1 suite moins bien mais y a Mia Kirshner dedans et un film avec Mia Kirshner ne peut être raté. C'est 1 loi physique qui ne souffre aucune contestation possible
Crom-Cruach le 14/03/2024 à 19:24:41
Comme avec Jennifer Connely donc ?
Moland le 15/03/2024 à 14:33:09
Et Naomi Watts, Ana de Armas et Eva Green (même si cette dernière joue dans de bonnes bouses, quand même)
Crom-Cruach le 15/03/2024 à 18:42:22
Naomi et Eva, on est ok.
Moland le 15/03/2024 à 19:12:09
Ceci dit, Jennifer Connelly dans "Requiem for a dream" m'a donné envie de me droguer.
el gep le 15/03/2024 à 22:36:48
T'as pas bien compris le film, Momo, mais on te pardonne.
Sinon Potence, ça dit quoi... ?
Moland le 15/03/2024 à 22:38:37
Tu crois ? Fallait comprendre quoi ?
Me souviens l'avoir vu au Festival de Cannes. Séance de minuit. A 2h du mat' toute la salle est sortie en silence, nous étions tous des zombies. Sonnés.
el gep le 16/03/2024 à 10:47:38
Viii, l'ai vu jeunot, m'a fait pareil.
Pis après l'ai revu plus tard et j'ai trouvé ça complètement abusé tire-larmes-putassier.
Paraît que le bouquin est bien mieux, l'ai pas encore lu, nom d'un gibier de potence!
Moland le 16/03/2024 à 11:33:28
Hubert Selby Junior, pas facile à lire. Blindé d'argot des rues. J'ai essayé "Last exit to Brooklyn", j'ai lâché. Il apparaît dans le film, d'ailleurs.
Aronofsky était 1 poil provoc à cette époque et prenait tout le monde de haut. Ça se ressent dans son cinéma. On y voit trop l'intention. Mais je trouve que ce film, en particulier, vieillit bien. Et puis, y a Jennifer... :)
Crom-Cruach le 16/03/2024 à 12:09:49
Potence ? C'est du screamo.
cglaume le 16/03/2024 à 12:44:29
Du "Screamo Pop" Cromy, tu as une réputation à tenir ! 😁
Pingouins le 16/03/2024 à 16:57:29
"le terme Neocrust est bien comme il faut. Car le combo tape dans le Ekkaia oui"
Crom-Cruach, 27 février 2020, sur Potence - Le Culte des Bourreaux.
😃
Blague à part je ne savais pas qu'il y avait une bd de 30 joirs de nuit.
Moland le 16/03/2024 à 17:02:44
Le film est précisément adapté de la BD
Crom-Cruach le 16/03/2024 à 18:05:28
Ben après écoute de celui-ci, j'y ai plus entendu de screamo que de Néo.
Pour la BD, elle n'a pas les problèmes temporelles du film.
Crom-Cruach le 16/03/2024 à 18:08:52
J'ai bcp de mal avec le chant en fait, voilà pourquoi, il me bouffe les aspects Néo.
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