Without Waves - Comedian

Chronique CD album (55:24)

chronique Without Waves - Comedian

Mais quel est donc le message derrière cette pochette, crévindiou !?? Que tout n’est pas toujours rose chez les Flamands (… tu vas voir que ça va encore être la faute des Wallons !) ? Qu’en 2022 trop de femmes meurent encore sous les coups de leur mari ? Qu’un excès de nourritures spirituelles peut nuire à la santé ? Ou que les combats fratricides russo-ukrainiens vont traumatiser toute une génération biberonnée dans des caves où les cafards côtoient le sifflement des obus ? Honnêtement, même en grattant, je ne sais sur quel cheval sémantique miser…

 

On en restera donc à une interprétation plus primaire : Comedian peut s’avérer tout autant rose / roudoudou / 30-millions-d’amis que violent / dérangeant / dans-ta-face… Ouais, cette grille de lecture me semble plus probable. Parce que vous ne le savez peut-être pas, mais les quatre loustics cachés derrière le patronyme Without Waves ont décidé dès le départ que la seule règle qu’ils s’imposeraient serait de ne pas en avoir, de règles. « On aime autant le Metal que le Rock Atmosphérique, le Jazz Fusion que les musiques électroniques, et ne comptez pas sur nous pour faire le tri au moment de composer » pourrait être le slogan – un peu long c’est vrai – figurant en tête de la lettre de motivation par eux envoyée à la face du monde (… n’insistez pas : je n’ai aucune idée de l’adresse à faire figurer sur une telle missive).

 

Alors non, les dix morceaux figurant sur ce 3e album ne sonnent pas comme les rejetons difformes de Chick Corea et Napalm Death, ou de Pink Floyd et Front 242. « Pas de règle », cela signifie entre autres ne pas s’emmerder à essayer de faire quelque-chose de parfaitement métissé, avec de régulières touches de cuivres, des blasts récurrents, et des boucles ambiantes saupoudrées de façon homogène. Du tout. Les Américains (… je ne vous l’avais pas dit ?) ont en effet concentré sur leurs six premiers morceaux du matos qui n’aurait pas dénoté sur le Miss Machine de Dillinger (ou sur les albums les plus inspirés de IWABO), tandis que les trois dernières pistes sont quasi-exclusivement destinées à être consommées lors d’un brunch mélancolique, face à des arbres pleurant leurs feuilles, un recueil écorné de rimes baudelairiennes entre les mains (… ceux qui savent parlent de Porcupine Tree, mais perso je maîtrise peu la bête). Pas chiens, les zigotos acceptent tout de même d’huiler la transition entre ces deux mondes peu conciliables via la rotule « Sleight In Shadows », tube merveilleusement hybride conjuguant chant irrésistiblement moelleux et trépidations métalliques devant autant au Soft Mathcore, qu’au Thrash technique et au Metal extrême vociférant.

 

« Bon alors : c’est n’imp’ et ça ne dépassera pas la première écoute curieuse, ou c’est de la bombe décalée et pleine de personnalité, ton truc ? »

 

Le jury penchera plutôt pour la deuxième option. Bien que n’ayant rien à voir sur le plan purement stylistique, le monde de Without Waves est comparable à ceux de De Staat, Moon Tooth ou encore Thumpasaurus : bien à part, « exotique », fortement typé, et carrément attachant. Avec, là aussi, quelques tubes qui laissent une vraie trace sur les murs pourtant déjà bien remplis de notre expérience musicale. Parmi eux « Good Grief », shaker vivifiant dont la vidéo permet clairement de constater à quel point ces olibrius ne se prennent pas au sérieux. « Day 15 », oreiller en plumes d’oie administré en 5 minutes de doux frissons matinaux. Ainsi que le « Sleight In Shadows » dont on vous causait quelques lignes plus haut. Moins formaté « hit single », on gardera aussi en mémoire « Algorithm » et ses houleuses confidences, « Do What Scares You » dont les pics acérés ont sur nous un effet aussi bénéfique qu’une bonne séance d’acupuncture et dont la brèche épiphanique qui s’ouvre à 2:41 permet d’entrevoir furtivement une silhouette divine… Mais aussi « Worlds Apart » qui s’apparente à ce genre de morceau intimiste lumineux qu'un Devin Townsend pourrait tout à fait avoir composé un jour de blues.

 

... Et puisque vous avez été sages, le groupe vous quitte sur un « Seven » qui n’aurait pas choqué sur l’une des sorties récentes de Leprous.

 

Alors oui, c’est peu dire qu’on a été séduit. Le déséquilibre inhérent à cette tracklist dichotomique, ainsi qu’un léger trop plein de morosité planante sur « Sleep Deep » (morceau qui tranche avec la nature spasmodique de la face Yin de l’album) nous empêchent de pousser le curseur de la notation trop loin dans le rouge. Pourtant Comedian mérite clairement toute votre attention – pour peu que les genres et artistes mentionnés plus haut vous parlent. Alors on clique, on écoute et on passe ses sourcils en mode heureuse surprise !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte : Comedian est le 3e album d’un groupe bien allumé, qui aime autant le Rock atmosphérique que le Mathcore. D’où deux premiers tiers excellemment spasmodiques, entre IWABO et le Miss Machine de Dillinger, et un dernier tiers plus intimiste, plus délicat, plus touchant, lorgnant entre autres vers un Devin Townsend inspiré mais assagi. Forcément, ce genre de menu peut interloquer… Mais des morceaux aussi personnels qu’accrocheurs devraient vous convaincre sans mal.

photo de Cglaume
le 02/05/2022

7 COMMENTAIRES

Seisachtheion

Seisachtheion le 02/05/2022 à 07:47:48

Bonne came, bien inventive, parfois allumée. Gros gros travail de compo

Eric D-Toorop

Eric D-Toorop le 02/05/2022 à 11:14:32

En bonne place pour l'artwork de l'année ;)

Nicoscope

Nicoscope le 05/05/2022 à 08:58:18

Je crois que le message principal de la pochette est qu'il ne faut pas se fier aux apparences, et c'est aussi en cela qu'elle est excellente (choquante au premier abord, double sens, et la tripotée de questions que cela entraîne...). En fait, rien de violent ici, c'est même l'inverse : les parents sont en train de nourrir leur progéniture. 
Petit moment "Alain Bougrain-Dubourg" :
"Les parents flamants produisent du lait de culture, de couleur rouge, dans leur tube digestif et le régurgitent pour nourrir leurs petits. Les flamants font partie des rares oiseaux qui peuvent nourrir leurs petits directement à partir d'une sécrétion produite dans leur jabot, qui est une poche musculaire élargie près de leur gorge".

J'avoue avoir chercher le sens de cette photo la première fois où je l'ai vue car elle m'avait perturbé (après les dauphins violeurs, je n'étais pas prêt pour les flamands roses cannibales).

cglaume

cglaume le 05/05/2022 à 09:46:52

Merci pour la minute zoo-culturelle !! <3

el gep

el gep le 05/05/2022 à 10:40:43

Ah oui merci bien, je voulais justement faire des recherches (tout en sachant pertinemment que je prendrais jamais le temps de le faire) donc cimer Nico!

noideaforid

noideaforid le 07/05/2022 à 09:35:23

Encore merci pour cette découverte ! J'aime beaucoup les émotions qui passent du début à la fin de cette galette. Le côté "malaise" jusqu'à do what scares you- le petit son électronique répétitif qui restent en tête un peu gênant mais pas chiant -. Et être complètement zen sur seven. En gros,bon kiff! Il y a un côté Car Bomb par endroits 

cglaume

cglaume le 07/05/2022 à 10:17:37

Oui il y a un côté salon de massage où au début on te mitraille les chairs, mais où ça finit tranquillou, par des effleurements à la plume :)

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