Ragana - Desolation's Flower

Chronique CD album (41:28)

chronique Ragana  - Desolation's Flower

« Chacune des chansons que nous écrivons adopte une perspective féministe et anarchiste, et nous avons le sentiment qu’il est important d’assumer notre engagement politique car c’est là le sens de nos chansons. Je ne suis pas opposée à la musique apolitique mais elle ne m’intéresse pas. » Nicole

 

« Notre musique est directement issues de nos expériences personnelles. Je ne pense pas qu’il vous est nécessaire de connaître nos engagements pour écouter notre musique, mais ceux-ci font partie intégrante de notre processus de composition (…). » Maria

 

Le 14 avril 2017, le magazine Vice publie un article sur un duo musical de Oakland à l’occasion de la sortie de son troisième LP, intitulé You Take Nothing ; désignant leur style musical par le qualificatif « witch doom », Nicole et Maria se livrent en interview sur les inspirations et les thématiques qui traversent leurs compositions. Le relatif succès de You Take Nothing sera suivi l’année suivante par un split avec Thou, permettant ainsi à Ragana de s’extraire de sa scène locale et de signer chez Flenser Records – connu pour abriter Chat Pile et Have A Nice Life.

 

Originaire de la scène DIY de Olympia, Ragana puise dans l’héritage contestataire de Bikini Kill tout en s’inscrivant dans le sillon musical creusé par Wolves in the Throne Room, à savoir des compositions black metal traversées d’influences diverses et variées allant de Warning à Battle of Mice, en passant par Alcest. Depuis son premier EP (All is Lost), les deux sorcières de Washington délivrent des hymnes anarcho-féministes sous forme de sortilèges musicaux, qui empruntent autant au doom et au black metal qu’au post-punk et au shoegaze. Alors que You Take Nothing et Let Our Names Be Forgotten s’élevaient en symphonies mystiques dans lesquelles les inspirations de Ragana dansaient en symbiose les unes avec les autres, un parfum d'étrangeté émane du nouveau grimoire en préparation, et qui - pour la première fois -, allait se propager dans la vieille Europe. 

 

Près d’une demi-décennie après son dernier rituel, Desolation’s Flower dévoile une chorégraphie païenne qui aspire à perfectionner cet art noir, tout en éprouvant le désir de s’enfoncer à travers de sinueux sentiers, où de fins rails de lumière parviennent à transpercer le feuillage mort des arbres. Parmi les sept sortilèges qui composent ce recueil, « Winter’s Light Pt. 2 » et le texte éponyme illustrent le breuvage singulier que Ragana concocte depuis 2012 et maîtrise dorénavant à la perfection : des incantations proférées par une voix déchirée par la nuit, des accélérations black metal interrompues par des effondrements doom ténébreux, et ses aérations à la guitare clean qui couvrent le bosquet d’un épais voile d’étrangeté. Dotée d’une reliure chaleureuse qui révèle les subtilités gravées sur la couverture, l’œuvre se démarque des anciens parchemins, dont les marques trahissaient leur nature artisanale.

 

Néanmoins, si les écrits de cette cérémonie nous plongent au cœur d’une forêt noyée par l’obscurité – et où règne un folklore en mutation depuis maintenant une décennie –, certaines pages recèlent les traces d’une magie plus douce, qui s’illumine par le ballet des feux follets aux abords des chemins escarpés. Baignées par la vieille lune, « D.T.A. » et « Pain » accompagnent les voyageuses égarées par la peine et convient les curieux aux enchantements profanes. Le voyage arrive à son terme avec « In the Light of the Burning World », qui concilie les deux aspérités de Ragana et clôture magnifiquement ce coven.

 

Lorsque les premiers rayons du soleil éclaircirent la terre consacrée, nulle trace des pratiques occultes qui s’y déroulèrent quelques heures plus tôt ne persistait. Néanmoins, les âmes sensibles à Mère nature pouvaient apercevoir en son centre une fleur de désolation, unique témoin muet de ces mystères.

photo de Arrache coeur
le 23/01/2024

24 COMMENTAIRES

Moland

Moland le 23/01/2024 à 12:35:29

Bon, bon, bon... A force de voir passer leur nom, faut que je me penche sur leur cas. Mais du coup, elles sont de Oakland ou de Washington ?

8oris

8oris le 23/01/2024 à 12:46:45

A noter qu'il est en 3ème position de la liste des meilleurs albums de 2023 proposée par Rolling Stone.
Sympathique mais sans plus pour moi, un peu pauvre dans la compo que ce soit les guitares ou la batterie, y a que l'émotion qui prime et du coup, techniquement, c'est un peu la déprime. Bon, ok, c'est du BM, mais quand même...
Pas certain que cet album réussisse à passer les années et j'avoue ne pas avoir trop compris que la (légère) hype autour du côté "queer" et "antifa" du projet, en tout cas, ce ne sont pas les paroles qui en rendent le mieux compte. Je m'attendais à des textes qui ont des choses à dire mais de côté là, ce n'est pas très loquace non plus.

8oris

8oris le 23/01/2024 à 12:51:30

@Moland: effectivement, c'est pas clair. Sur bandcamp, il est indiqué "Oakland" mais bon, vivre aux USA et préciser que tu es à Oakland, c'est comme dire que tu vis en France et que tu précises habiter à Saint-Martin.
Sur le site web, leur adresse est à Olympia dans l'état de Washington...

Arrache coeur

Arrache coeur le 23/01/2024 à 13:24:56

Grosso modo, il me semble que le duo a déménagé de Washington vers Oakland (d'où le "originaire de Olympia"). J'avoue que j'aurais peut-être dû mieux clarifier ça.

@8oris : La 'hype" autour du côté "queer" et "antifa", c'est surtout qu'il s'agissait d'une des premières formations à adopter cette démarche dans une musique qui se réfère au black metal. Si en 2023, cela ne détonne pas au regard de l'actualité musicale du black metal, ce n'était évidement pas du tout le cas en 2012, - et même en 2017 lors de la sortie de You Take Nothing (que je préfère d'ailleurs à ce dernier). Quand aux textes, ça renvoie énormément aux covens et aux sortilèges ; on se situe en pleine réflexion féministe héritée des travaux du féminisme matérialiste italien (Caliban et la Sorcière de Silvia Federici pour l'un des plus exhaustifs) et surtout de la chercheuse Starhawk. 

Voili voilou, pour celles et ceux qui veulent se plonger là-dedans. 

Moland

Moland le 23/01/2024 à 16:39:06

Neurosis, l'un des 5 meilleurs groupes de toute l'histoire des villes américaines, viennent de Oakland. Alors aucune honte à revendiquer cette ville comme adresse OKAYE 

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 23/01/2024 à 18:16:33

Musique politique.... Voyons voir. Bon alors à priori le seul truc plus ou moins politique que j'ai trouvé dans les paroles, c'est "Death to America and everything you've done I can't feel anything I am numb" répété 5 fois de suite dans le morceau DTA avec des samples en mode "émeute" sooooo flippants. Si c'est le visage actuelle de la musique engagée américaine, l'Amérique trumpiste va rentrer dans un nouvel Âge d'Or.

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 23/01/2024 à 18:30:19

Bon Arrache-Coeur, après 17 chroniques, tu es mur pour la vanne selon moi. Tu vendrais des jumelles à un aveugle par ton verbe mais là, mon cornet acoustique modèle 1757 a clairement dit : quoi ?

Arrache coeur

Arrache coeur le 23/01/2024 à 18:50:38

Hahaha. Si l'on juge la valeur politique d'une musique à son efficacité face à un gouvernement réactionnaire, on peut remercier les Dead Kennedys et autres pour avoir débarrassés les USA de Reagan et Bush.

On est dans du post-black / doom avec des éléments de shoegaze, l'idée n'est pas d'attaquer de brutalement mais davantage offrir des compositions qui fonctionnent comme des "refuges" ou "exutoire" en gros. Tout dépend de ta sensibilité à la chose, comme à chaque fois en musique. Le groupe a davantage apaisé sa formule par rapport à ses précédentes livrées (n'hésite pas à écouter le Split avec Thou ou Hou Take Nothing). 

Néanmoins, j'apprécie beaucoup ton effort d'avoir tenté l'écoute malgré ce que j'en dis haha. 

Pingouins

Pingouins le 23/01/2024 à 18:59:42

Ah, bien content de les voir chroniquées ici !
Je les avais vues dans un concert sauvage en... 2017 je crois ? Avant 2018 en tout cas c'est sûr (et elles disaient être de Oakland).
Ca devait correspondre plus ou moins à la date de sortie de You Take Nothing.
J'avoue avoir été moins emballé par celui-ci, mais je ne l'ai écouté que deux trois fois et assez distraitement. En tout cas ça me fait plaisir de voir qu'elles ont un peu percé, même si comme je le disais je préférais leurs précédents travaux.

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 24/01/2024 à 09:36:47

Mouais, de la musique politique sans prendre trop de risque quoi. Ou un simple discours publicitaire. Michel Sardou est plus impliqué.

Arrache coeur

Arrache coeur le 24/01/2024 à 10:41:29

Il fut un temps (pas si résolu) où  tenir un discours antifasciste et féministe dans le black metal entraînait instantanément une déferlante de nostalgiques du IIIe Reich (et pas que) qui te menaçaient de viol ou de mort. Donc bon, le "sans trop de risque" alors que la misogynie traverse brutalement une grande partie de la musique populaire, c'est fort. Quant à évoquer Sardou sur une chro d'un groupe queer... Allez, va pour la provoc'.

@Pinguins : Du même avis que toi pour les productions précédentes et pour le plaisir de les voir percer.

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 24/01/2024 à 16:51:59

Pas grand chose de BM, ici, pour moi. Je parle un peu, d'ailleurs, de toute cette dérive au niveau des termes sur ma chro de TERROR, en mode vieux con. Et de plus, là je ne vois absolument aucun discours antifa ou queer à part de la poésie dépressive, qui doit être inhérente au genre pratiqué par ces demoiselles. Comme si se dire anti truc ou pro machin suffisait en soi-même.

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 24/01/2024 à 17:08:16

J'ai de plus en plus souvent l'impression d'être Murtaugh discutant avec Riggs mais en vachement moins noir.

cglaume

cglaume le 24/01/2024 à 17:22:34

Don't worry Arrachy : C'est un bizutage. Tout chroniqueur "nouveau" doit à un moment où un autre se faire aboyer dessus par Cromy parce qu'il appelle Hardcore un truc pas assez tatoué, Crust un truc pas assez crêtu, ou De Gauche un truc pas assez anar 😁😁😁

cglaume

cglaume le 24/01/2024 à 17:23:15

Ou Viking un truc pas assez ... Viking 🤣

Moland

Moland le 24/01/2024 à 17:32:31

Moi j'ai chroniqué du Bonnie Tyler OKAYE 

Arrache coeur

Arrache coeur le 24/01/2024 à 17:49:05

C'est normal que tu n'y trouves pas grand chose de black metal ici, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle je parlerai davantage de post-black quitte à donner des éléments de classification musicale. Ce serait comme pester sur le fait de ne pas retrouver grand chose des Vibrators dans Joy Division. Personnellement, la sacralisation d'un "style" ou d'un "genre" à travers des éléments musicaux, c'est sympa mais on pourrait néanmoins remettre en perspective que ces dénominations proviennent à la base de journalistes, de labels ou des artistes eux-mêmes dans une perspective de commercialisation. Alors, on peut entièrement jouer sur ce terrain, mais ça ne résiste pas longtemps à l'analyse musicale (d'autant plus qu'on se situe davantage dans le domaine de la cognition que de la musique pour le coup).

Concernant le discours queer, j'ai déjà cité la subversion de l'imagerie de la sorcière et de tout le discours politique que son usage implique. On est là sur des thématiques nourrie par les travaux d'études de genre depuis 40 ans ainsi que par des pratiques concrètes (les covens et tout l'emploi investi par les assos queer / féministes). Allez quitte, à renvoyer vers d'autres textes : https://journals.openedition.org/critiquedart/8122

D'ailleurs, je suis quand même assez étonné de lire "se dire anti truc ou pro machin suffisait en soi-même" alors qu'on discute d'un duo de musiciennes queer dont quasiment l'entièreté de la carrière s'est fait via les pratiques DIY. Crass n'était pas politique uniquement par sa musique mais aussi par son activité extra-musicale.

'En vrai, je ne sais pas ce qu'il te faut haha. 

Arrache coeur

Arrache coeur le 24/01/2024 à 17:50:19

@cglaume : Je peux être affreusement têtu, on ne va pas s'en sortir haha. 😅 

cglaume

cglaume le 24/01/2024 à 19:06:44

Attention: qui s'y frotte s'y pique 😁😁

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 25/01/2024 à 12:22:52

Ce n'est pas question d'être têtu (queer, tout ça, ...) mais juste d'échanger des points de vue. Utiliser des termes communs pour désigner une forme de réalité est la base du langage. Une forme de cognition donc, absolument. L'homme connait car il nomme les choses. A partir du moment où il a nommé, il a évolué. Un enfant qui n'apprend pas à nommer ou catégoriser par le langage n'évolue pas en société. Il ne communique pas et à fortiori il n'écrit pas sur un webzine et ne fait aucune analyse de son environnement. Il réagit par simple instinct. Si catégoriser les types de musique a un aspect uniquement commercial, (ou réducteur si je comprends bien ce que tu veux dire) appelons tous les groupes : des groupes de musique. Et finalement qu'est-ce que la musique ? L'art de combiner certains sons. Donc tout peut être musique au final puisque tout est subjectif. Donc le terme n'a plus aucun sens. Concernant l'imagerie de la sorcière, je fréquente suffisamment de néopaïens et autres illuminés du bocal pour ne pas aller sur ce terrain.

Arrache coeur

Arrache coeur le 25/01/2024 à 13:05:41

En soi, je te rejoins sur la communication et le langage. Cependant, ce n'est pas tant le phénomène de catégorisation de la musique en "style" et en "genre" qui est réducteur (il le sera toujours de par son fonctionnement), mais plutôt le processus mis en œuvre pour les nourrir et les figer. Les musiques populaires enregistrées sont sujettes  à des catégorisations hétérogènes qui ne renvoient pas forcément à des réalités acceptées unilatéralement ; chaque auditeur ou auditrice s'appuie sur des nuances qui lui sont propres pour catégoriser. Alors, si dans un sens c'est le bordel, c'est aussi cool pour tous les débats que ça procure haha.

Quant à l'aspect commercial de l'usage de "style" et de "genre", c'est davantage lié au fait qu'avant l'apparition de la musique populaire à la moitié du 20ème siècle, on n'ait jamais eu autant de déclarations spontanées visant à définir une musique pratiquée ; une pratique davantage encrée dans une réflexion de marché, et qui a peu à voir avec le résultat d'une réflexion musicale, sociale ou historique.  

Finalement, oui la musique c'est l'art de combiner certains sons donc tout peut être musique. Néanmoins, je suis conscient de la dimension sémiotique et que - par conséquent-, j'emploie en pleine âme et conscience les concepts de "style" et de "genre" musicaux dans la rédaction de chronique car je sais l'image que j'invoque en usant de ces termes. C'est d'ailleurs par la non homogénéité du sens que ceux-ci recouvrent qu'on n'aboutit pas à un consensus, et que l'on trouvent certains des éléments évoqués implicitement ou non. Tout ça, c'est du blues façon.

Bon personnellement, je pourrais en parler pendant des heures donc voilou. Je trouve ce sujet tout bonnement passionnant. 

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 25/01/2024 à 13:36:19

Évidemment rien à voir avec un bizutage. Juste avec des visions différentes de la réalité.

Arrache coeur

Arrache coeur le 25/01/2024 à 13:50:02

Pas de souci, je ne l'ai pas pris comme tel, et j'adore ces sujets de discussion donc c'est toujours avec plaisir.

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 25/01/2024 à 14:02:04

Tout ça, c'est du blues façon ? On est tous des proto-musaraignes naines du trias donc. Perso, pas moi, malgré les apparences..

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