Ripped To Shreds - Sanshi (三屍)
Chronique CD album (40:33)

- Style
Swedeath, old school & more - Label(s)
Relapse Records - Date de sortie
27 septembre 2024 - Lieu d'enregistrement The Weeb Dungeon
- écouter via bandcamp
Certes, avec le retour d'un Trump qui sait à peine faire la différence entre Mogadiscio et Bonifacio, la remarque qui suit perd en pertinence. Cependant, sachez qu’il serait de mauvais goût de profiter de la sortie du 4e album de Ripped to Shreds pour tenter un jeu de mot Carambar renvoyant son titre à ces délicieux sushis que vous livrent les pauvres galériens de Deliveroo. Car, outre la culture américaine (ce groupe nominal est-il devenu un oxymore à lui tout seul ?), c’est dans son pendant chinois qu’Andrew Lee et ses collègues baignent, alors que votre poisson cru sur son matelas de riz, lui, il est japonais. Et il y a peu de chance qu’un disciple de Confucius aime être pris pour un adepte du shintoïsme, et inversement. Tout comme un électeur texan n’aimera pas être confondu avec un bon aryen (mouais... ma comparaison fonctionne moyen, pour le coup). Ou comme vous-mêmes n’aimez pas être confondu avec un fan de Sabaton.
OK, ce début de chronique est relativement boiteux. Mais il a l’avantage de rappeler où l’on en est dans la discographie du groupe, et de souligner la dimension multiculturelle présidant à sa vision du monde. Notez que ce rappel des origines chinoises de Ripped to Shreds, s’il permet d’expliquer le pourquoi de cette pochette très typée, des idéogrammes qui fleurissent ci et là au sein de la tracklist, et des sujets traités au cours de ses quarante minutes, il ne donne que peu d’indices quant à la nature de ce à quoi vos oreilles vont être exposées. Car c’est plutôt la Suède du début des 90s que celles-ci vont avoir l’impression de visiter, quand Dismember et Entombed se tiraient la bourre pour présider la HM-2 Corporation. Cela est plus particulièrement criant sur « Into the Court of Yanluowang » et « Force Fed », deux morceaux bouillonnant et crachouillant comme une tribu de jeunes barbares scandinaves ayant du mal à canaliser leurs éruptions hormonales. Entre solos de tronçonneuse, coups de sang impulsifs, mélodies basaltiques, breaks punky et cavalcades sanguines, l’écoute de ces deux pistes introductives donne l’impression de découvrir un classique oublié issu des studios Sunlight.
Mais tout comme cela était déjà le cas sur ses sorties précédentes, Ripped to Shreds ne se contente pas de cracher de la lave qui vient de là qui vient de Stockholm. Il aime aussi les accès d’épilepsie blastée façon Grind (… et même sans aller jusque-là, il affectionne tout ce qui punkise furieusement). Il tient en haute estime la rugosité et la viscosité érigées en religion par Chris Reifert. Il ne crache pas sur quelques décélérations judicieuses, sur de beaux solos bien généreux, voire sur quelques mélodies rehaussées de touches Heavy. Un gros melting-pot de l’extrême old school, donc, furieusement enthousiaste, et éminemment patchworkesque, où coexistent vomissures à la Martin van Drunen et protestations plus foncièrement shriekées : voilà ce qui vous attend sur Sanshi.
C’est ce qui explique que, d’un auditeur à l’autre, mais aussi d’un morceau à l’autre, les réactions risquent de varier d’un « C’est sympa ton truc, mais c’est pas un peu le bordel ? » circonspect à un « Quel nom de dieu de Best Of Bleuargl jouissif ! » affichant une grande banane réjouie. De ce côté-ci de l’écran, votre interlocuteur se retrouve un peu au milieu du gué. Ou plutôt aux deux tiers, plus proche du côté Youpi-badass que du côté Soupe-à-la-grimace. D’ailleurs je n’ai quasiment que du bien à dire des quatre premiers morceaux. En revanche, la nature de plus en plus explicitement « de bric et de broc » de la suite des évènements entraîne effectivement des réactions plus contrastées.
Avec de vraies tranches de kiff. Sur « Horrendous Corpse Resurrection » par exemple, qui enchaîne début débonnaire, débordements Grind, puis twins Heavy démonstratives en un improbable cocktail attestant que les gugusses sont là pour se faire plaisir sans se prendre la tête. Ou encore sur « Cultivating Towards Ascension », qui balaie avec bonheur une large partie du spectre extrême.
Sauf que, soyons franc : il est parfois difficile de réprimer quelques haussements de sourcils dubitatifs. Après les deux premières minutes de « Cultivating Towards Ascension » par exemple, quand la fièvre initiale se mue en toux grasse. Le long d’un « Corpse Betrothal » regorgeant de clichés paresseux et mollassons. Ou lors de la conclusion, brute de décoffrage et vomitive, qui fout un maximum le boxon avant de laisser la main à une séquence Heavy mélodique tombant un peu comme un cheveu sur la soupe – ne me demandez pas pourquoi de temps en temps le cocktail fonctionne, et de temps en temps il sombre dans le disgracieux, je ne le comprends pas moi-même…
Sanshi est donc un album « en même temps ».
À la fois impulsif, enthousiasmant, généreux et bouillonnant, sans limite, ni frontière, ni préjugé.
Mais également sans direction fixe ni souci de cohérence – l’appréciation de ce dernier aspect dépendant beaucoup de l’instant et de votre configuration neuro-auriculaire.
Il s’agit donc d’une belle tranche de gros décibels furieux, mais pas non plus d’un indiscutable coup de génie metal-extrêmétissé.
La chronique, version courte : plus que jamais, sur Sanshi Ripped to Shreds continue à démontrer son amour sans borne pour le Metal extrême old school, ceci en tartinant sa tranche de Swedeath « de bonhomme » d’une épaisse couche de décibels où se mêlent proto-blasto-vomito, mélo-heavy-solos, punko-grindo-déglingo, ainsi que tout ce qui peut lui sembler judicieux et jouissif sur le moment. On y trouve donc largement de quoi kiffer – notamment si l’on est du genre à aimer l’absence de frontières, et le non-respect d’us et coutumes trop restrictifs. On peut néanmoins aussi trouver ici de quoi ronchonner, en regrettant notamment l’absence de direction claire et l’aspect parfois bordélique de la chose.
4 COMMENTAIRES
Crom-Cruach le 28/03/2025 à 10:12:08
Il est bien. Les passages mélos cassebombes sont bien compensés.
AdicTo le 28/03/2025 à 11:35:52
J’aime beaucoup cet album. Bon petit coup de pied au cul. Les soli de ce groupe m’ont toujours mis la banane. Bonne complémentarité entre le nouveau chanteur et Lee. Je l’avais pas trouvé si « foutraque » mais j’y ferai attention à la prochaine écoute :-)
cglaume le 28/03/2025 à 19:34:25
Disons que c’est frais, mais pas super focalisé 🙂
Aldorus Berthier le 30/03/2025 à 20:49:32
Bah moi qu'aime le foutraque, c'est peut-être pas le même que le tiens mais jsuis teasé
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