Soul Enema - Of Clans and Clones and Clowns
Chronique CD album (01:13:01)

- Style
Prog Metal Nawakosmopolite - Label(s)
Autoproduction - Date de sortie
23 juin 2017 - Lieu d'enregistrement Tamuz Studios
- écouter via bandcamp
S’il vous arrive de farfouiller plus qu’occasionnellement en ce recoin du web, peut-être êtes-vous déjà tombé sur l’une de ces chroniques démarrant par « Je ne sais pas ce qu’ils trafiquent, mais la pochette surbute : j’achète ! ». Eh bien les probabilités que le 2e album de Soul Enema ait une chance d'intégrer cette catégorie fortement typée étaient aussi faibles qu’un bébé paresseux prématuré ("paresseux"... l’animal, pas le Gaston de Franquin). Certes, tous les goûts sont dans la nature, mais je ne pense pas que, si cette pochette était proposée au format poster, celle-ci se retrouverait punaisée sur les murs de beaucoup de chambre d’ados, y compris de ceux qui crèchent chez moi.
Heureusement, la formation israélienne dont il est ici question (… on a dit "Pas de politique !") traite les oreilles de l’auditeur avec bien plus d’égards que ses yeux. Et puis il faut reconnaître que la bizarrerie de ces manchots têtes-à-claques et de cette soucoupe crashée sur la banquise traduit assez bien le côté branque de la musique proposée. Car ils le disent eux-mêmes : leur Prog Metal prétend couvrir l’éventail allant de Abba à Zappa, de King Crimson à King Diamond, ceci afin de nous emmener aussi loin vers l’Est que vers l’Ouest, et – pendant qu’on y est – au-delà. Et en effet, sur ces soixante-douze minutes de musique (Prog, vous a-t-on dit) on croise Akphaezya (souvent), Meshuggah (un peu, pour les déséquilibres maîtrisés), Unexpect et Orphaned Land, mais aussi Dirt Poor Robins. Du beau monde, donc, dont certains abritent un petit vélo dans leur tête. Et Soul Enema a en commun avec eux non seulement le talent, mais également la cyclocéphalie.
Mais il nous a été fourni une riche fiche technique avec l'album, et celle-ci contient de nombreux détails qu’on ne peut décemment taire. Parce que – en plus de vous cultiver – ceux-ci permettent de mieux comprendre à quoi Of Clans and Clones and Clowns va vous exposer. Sachez d’abord que le micro est la grande majorité du temps accaparé par Nora Gruman, chanteuse carrément compétente, occasionnellement chtarbée, et au final assez fascinante – celle-ci participe d'ailleurs grandement à la ressemblance avec Akphaezya. Notez que son talent est largement reconnu au sein de la scène, j’en veux pour preuve son apparition sur des albums de Winterhorde, Therion, Orphaned Land, Gloryhammer ou encore Amorphis. Sachez encore que si le groupe se déplace beaucoup d’une longitude à l'autre au cours de ces 14 morceaux, c’est entre autres par l’intermédiaire d’instruments aussi exotiques que variés : sitar, shamisen, « bouzoukitara », flute – plus un clavier qui varie souvent de tonalités. On compte également pas mal de monde du côté des invités, puisque l’on voit ici passer Arjen Lucassen (Ayreon), Yossi Sassi (Orphaned Land), ainsi que des musiciens d’Orgia Pravednikov (... que moi non plus je ne connaissais pas). Et pour réduire les chances que tout cela finisse en bouillie sonore indigeste, les groupe a confié mix et mastering à Jens Bogren, qui en a déjà vu d’autres au sein de ses fameux Fascination Street Studios.
... Un max d’infos, oui, je sais, mais on m’aurait reproché de ne pas les avoir livrées.
Beaucoup de données, beaucoup de pistes combinées en de savants mille-feuilles, beaucoup d’ambition… Cela pourrait signifier beaucoup de bruit pour rien. Ou tout simplement aboutir à un gros bordel. Eh bien non. Ce mélange d’élégance et d’espièglerie, d’accroches et d’audace, de narration séduisante et de détours insolites, au final, ça paie ! On se régale, vraiment. De ce « Cannibalissimo Ltd. » joliment cintré. De ce « Spymania » subtilement akphaezien. De ce « Breaking the Waves » légèrement celtique. Mais également de l'interlude meshugorientalo-gallinacé « The Age of Cosmic Baboon » (cf. le petit côté « Bububu Bad Beuys » sur la fin). Ainsi que de l’ethno-pétage de boulard « Dear Bollock (Was a Sensitive Man) », entre Bak et Unexpect. Ou encore de la caresse « Octopus Song », qui n’aurait pas dépareillé sur un album de Dirt Poor Robins.
Youpi sans conditions, donc ?
Presque. Si l’on oublie les quelques interventions trop peu organiques du clavier (sur « Cannibalissimo Ltd. » notamment). Ainsi que ces moments où les solos se prolongent inutilement, diluant ainsi les morceaux sur des durées pas forcément raisonnables (cf. « Omon Ra » et « Aral Sea I - Feeding Hand »). Sans oublier ces quelques épisodes pédants/chics/grandiloquents – que j’ai tendance à associer à tout un pan de la scène Prog – qui plombent tout ou partie de certaines compos (un « Last Days of Rome » par ailleurs très sympa, « Eternal Child » et ses épanchements pianistiques, et surtout la grosse tranche de pathos intitulée « Aral Sea II - Dustbin of History »).
... Pour autant, pas de quoi fouetter un fan de Nawak/Prog !
On est donc heureux d’accueillir – avec certes un peu de retard – Soul Enema à la petite table des groupes israéliens savamment barrés, autour de laquelle sont déjà assis les funkers foufous de Dazy's Fasulia, les doux tarés de Kruzenshtern I Parohod, ainsi qu’OMB – dont nos nouveaux amis sont sans doute les plus proches du fait de ce goût partagé pour les expérimentations progressives. Alors si vous aussi vous aimez vous régaler de ce genre de soufganiyas métalliques, n’hésitez pas : on pourrait croire qu'un album aussi généreusement garni va nous amener rapidement à l’indigestion, pourtant nul besoin d’un estomac ou d’oreilles en béton pour en profiter !
La chronique, version courte : évoluant quelque-part entre les registres d’Akphaezya, OMB, Orphaned Land, Unexpect et Dirt Poor Robins, Of Clans and Clones and Clowns propose une généreuse heure de Metal progressif aussi cosmopolite que subtilement Nawak. Un album à aborder comme un moine, donc : en ne le jugeant pas trop vite sur son discutable habit artworkesque.
2 COMMENTAIRES
8oris le 17/06/2024 à 09:59:02
La pochette est trop bien! Je file écouter ça de suite!
Aldorus Berthier le 22/06/2024 à 18:57:27
Les gamins qui crèchent chez toi jsais pas, mais chez moi une pochette pareille ça se placarderait soigneusement encadrée au-dessus de la cheminée et de sa gravure en lettres d'or "Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger"
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