Syncatto - Patterns

Chronique CD album (15:31)

chronique Syncatto - Patterns

L'expérience est rare, et toujours aussi fantastique. Quand, après avoir lancé un morceau dont on n'attendait pas forcément grand chose, on se fait littéralement happer, submerger de brûlantes vagues de plaisir, rehausser les sourcils jusqu'à mi-front et plaquer un sourire béat sur la trombine. C'est pour ce genre de moments qu'on zappe de Deezer en Youtube, de webzines en forums, à la recherche de la nouvelle perle inédite. Mais avouons le : avec le temps ces gros kiffs impromptus deviennent de moins en moins fréquents. Alors quand la chose arrive par mégarde, au détour d'une notification Bandcamp, on n'a qu'une envie : partager le tuyau avec vous.

 

Le risque c'est que le genre pratiqué par Syncatto empêche les plus frileux d'oser cette douce parenthèse de bonheur musical. En effet, « Djent progressif instrumental », ça évoque plus l'austérité feutrée d'une bibilothèque universitaire que le lâcher prise d'une soirée « Daïquiri & Bikini ». Pourtant, souvenez vous : dans le genre Animals As Leaders et Scale The Summit nous ont prouvé qu'un cœur peut battre derrière cette froide télégraphie, et qu'un vaste ciel étoilé peut scintiller au-dessus de certains riffs 2.0. Et en l'occurrence, avec ce projet solo de Charlie Robbins – guitariste virtuose qui gratouille loin là-bas, en Californie, et qui compose également pour le groupe Artificial Language – c'est bien de cela dont il s'agit : une musique chaude, sensible, émotionnellement expressive, amicale, qui coule de source et donne envie d'aller respirer un grand bol d'air frais, de ne faire qu'un avec les sommets enneigés, les ruisseaux scintillants et les horizons côtiers. De ce point de vue, Patterns a d'ailleurs un petit air de famille avec les univers déployés par Devin Townsend sur Synchestra, Terria ou Ki, le chant en moins.

 

Mais l'éjachroniqueur précoce que je suis évoque un coup de foudre musical sans même décrire l'origine de ces émois exquis... Cette satanée charrue a encore franchi la ligne d'arrivée avant les bœufs dirait-on ! L'ensorcellement démarre dès les premières secondes de « See You on the Other Side », lors d'un magnifique pizzicato rehaussé de ce genre d'écho qui vous replonge dans le Tribe de Sadist. On sent la vibration des cordes et ressent une vive excitation à l'annonce d'un décollage mélodique imminent. Bientôt des stries Djent viennent apporter de solides fondations rythmiques à un trépidant entrelacs de notes et de leads semblant former comme un rideau vivant de lianes, de papillons et de grappes de fruits tout droit sorti des paysages d'Avatar. Seulement armé de ses instruments – une basse rebondie, une lead délicieuse, une guitare rythmique pétillante et un clavier voletant entre colliers orientaux et coulées cristallines – Mr Robbins fait jaillir de formidables cornes d'abondance musicales devant nos oreilles écarquillées. La technique, à l'égale du feeling, est affolante.

 

Et la suite est à l'avenant. Le doctorant travaillant sur son mémoire « Impressionnisme & musicologie » se ferait une plaisir de décortiquer minute après minute les tableaux colorés et incroyablement fouillés brossés pendant ce gros quart d'heure. Mais puisque ce genre d'exposé ne manquerait pas de vous gaver et que je suis aussi compétent en la matière que sur la liste des intrigues ayant émaillé le règne de la Dynastie Zhou, je me contenterai de vous chatouiller la curiosité avec quelques saveurs prélevées ci et là au cours des trois morceaux suivants. Ceci afin que vous sachiez que « Patterns » déroule ses saccades paresseuses sur une volée de marches menant au sein d'un imposant sanctuaire shinto (ou bien est-ce un temple Shaolin ?), qu'« Infinite » est une caresse printanière derrière la douceur et la pureté de laquelle on sent poindre une brûlante montée de sève, et que « King » finit l'aventure sur une généreuse touche de fraîcheur et d'énergie virtuose qui réserve, un peu après la barre des 2 minutes, une parenthèse cubaine débouchant sur de fulgurants et experts pointillés Djent.

 

Vous l'aurez compris, Syncatto m'a mis la fièèèèè-vre. Pas « pendant, des heures » : l'EP ne dure qu'un quart d'heure, et puis on n'est pas sur un album de NTM ! Sauf qu'il ne s'agit pas ici des bobards de potes qui se la racontent mais d'un véritable coup de chaud provoqué par de vrais éclats de génie musicaux. Mais je vous laisse en juger par vous-mêmes, puisque c'est de toutes façons vous qui aurez le dernier mot...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: ils ne sont pas nombreux – et, pour être honnête, ils nous captivent rarement – les groupes qui pratiquent le Djent progressif instrumental. Par contre, quand ils sont bons, 'de dieu qu'ils sont bons ! À la courte liste des Animals As Leaders, Scale The Summit et Polyphia il faut désormais ajouter Syncatto, dont l'EP Patterns est un étourdissant manifeste d'intelligence technique et de feeling dont les morceaux coulent de manière tellement naturelle et sublime qu’à leur écoute on a l'impression de mordre dans une mangue (… ou les intimes secrets d'une sublime naïade).

photo de Cglaume
le 02/01/2023

5 COMMENTAIRES

Pingouins

Pingouins le 02/01/2023 à 11:11:27

Ah, la dernière fois que j'ai vu NTM s'insérer dans nos lignes, c'était sur la chronique de Bishop. Du coup va falloir que j'aille écouter ça !
Oui je sais c'est pas le principal argument de la chronique mais ça marche quand même :p

Tookie

Tookie le 02/01/2023 à 11:30:08

C'est vachement élégant tout en étant remuant, ça donne presque envie de dandiner son popotin (presque hein, faut pas déconner). Le fait que l'EP soit court lui donne plus de charme (parce que j'écoute leur album, très sympa, A place to breathe...ben c'est toujours super mais c'est pas pareil).

joknroll

joknroll le 10/01/2023 à 16:44:02

Merci pour la découverte! ça me fait penser également au travail du guitariste stephen taranto.

cglaume

cglaume le 10/01/2023 à 16:51:50

Merci pour l’info : je ne connais pas ce Tarant-pas in lui-o… On dirait qu’il faut que j’essaie! Tu me conseilles quelle sortie ?

joknroll

joknroll le 13/01/2023 à 13:02:58

concernant Taranto, la seul sortie que je connaisse : https://stephentaranto.bandcamp.com/album/permanence  bon après c'est moins chaloupé latino que syncatto :D mais y'a un air de ressemblance je trouve

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