Tantric Bile - Cursed Conception
Chronique CD album (47:58)

- Style
Free gorenoise / Nawak extrêmental - Label(s)
Autoproduit - Date de sortie
5 avril 2024 - écouter via bandcamp
Au fil de ma recherche perpétuelle des pépites les plus insolites, les plus douteuses, voire les plus inécoutables de ce que peut produire la musique extrêmentale, vous n'imaginez même pas ce qu’il peut m’arriver de trouver comme amalgames de genres incongrus. À titre d'exemple, laissons à Tantric Bile, obscur projet musical dont trouver la moindre photo autre que l'énigmatique vignette de leur page de groupe chipée sur leur Bandcamp relève de la recherche de The cure for Insomnia pour un cinéphile hardcore, le soin de nous lister les tags accolés à l'un de ses derniers petits rejetons : "experimental death metal free death free improvisation free jazz goregrind harsh noise musique concrète california". Oui, je vous vois venir et je suis d'accord avec vous : rien que la Californie c'est trop pour moi aussi.
Du reste, les amateurs du milieu de carrière de Shining ou de Byonoisegenerator ont déjà de quoi être conquis à la simple évocation du jazz dans ce kamoulox musical. En incorporer certains des éléments les plus constitutifs enrichit n'importe quelle production extrêmentale d’un swing assez excentrique pour lui apporter toute sa justification. À plus forte raison au sein de la galaxie de sous-genres issus du grind ou de la noise ; quoi de mieux que prendre le parti d’improviser une musique que le commun du vulgus pecum considère de base comme improvisée, avec tout le cynisme accompagnant la démarche ?
Eh bien Tantric Bile vous répond : « SKREEEEEEEEEEEK ». Cursed Conception, mine de rien, rend parfaitement honneur à son titre en sabordant toute notion de structure et, surtout, à l’appui d’une qualité ultra raw à couper au couteau. L’aspect bruitiste du skeud en ressort bien davantage que son affiliation death, même grind, en particulier lorsque les lignes de percussion peinent à se distinguer du chant ou que les tabulations de basse et de guitare se noient dans le foutoir instrumental ambiant (« Sanguineous Otorrhea »). Piano, flûte, clarinette, kinnor et saxophone – bon j’ai menti il n’y a pas de saxophone, mais autant dire qu'ils en entretiennent bien l'illusion jusqu'au bout –, que l’on dirait plus triturés au p'tit-bonheur-la-va-comme-j’te-pousse-mémé-dans-les-orties que réellement joués ou simplement maîtrisés parlent d'eux-mêmes : en termes d’agression sonore continuelle on est servi sur les trois quarts d’heure que dure l’album.
Le plus petit aspect de Cursed Conception se devine, en fait, pensé comme un malaise auditif de tous les instants, une descente aux enfers aux frontières de la folie pure, dure et mûre. Inécoutable certes, la musique de Tantric Bile n’en dégage pas moins cette impression de callibrage au poil de cul, le genre à paver l'Enfer de pétales de roses. Non contents de te coller de pires acouphènes que te refilerait une démo tape de Gorgoroth, « Ritual Abuse Syndrome » et « Rapacious Orgiastic Harvesting » grincent telle une mortaiseuse grippée jusqu’au plus profond de la rouille parasitant ses petits mécanismes, « Devouring More Than Mere Embryos » te plonge en pleine messe noire médiévale ponctuée de fœtus offerts en offrande à quelque obscure divinité chthonienne au milieu d’un pentacle au tracé bâclé, tandis que l’ambiance sonore restituée par la réverbération des percussions malsaines et foudroyantes de « Pentagrammic Feticide » ou « Birthed…Blessed…Eaten » achève de te déglinguer les esgourdes plus grossièrement qu’un marteau-piqueur reconverti en coton-tige.
Les breaks émaillant l'album, quant à eux, ne peuvent qu’à peine prétendre à l’hallucination auditive, pavoisés de leurs samples vocaux morbides (bébés en larmes, courts laïus prônant torture et autres exactions, dégueulis frelatés) et de leurs ambiances faussement reposantes (mention au swing jazzy plein de pétulance de « Forced Seminal Secretion And Subsequent Ingestion ») que Tantric Bile brise avec une brutalité n’égalant que son rythme frapadingue. Jamais l’auditeur de Cursed Conception ne respire, assailli par la variété, la virulence, la vitesse et parfois même, osons le dire, le vaudevillesque de ses expérimentations (« Don't Let The Goblin Rape Your Baby » en point d’orgue de l’ensemble ; avec des titres de morceaux pareil même plus besoin de faire des blagues là, le groupe me vole mon travail !). Les rares parties de batterie audibles dégoulinent en échos suppurants (« Infantem Nihil Cerebri ») et Paul Acuña déforme ses grunts en inflexions liquides à t’en faire couler le cerveau par les oreilles (« The Newborn ») telle une huître glissant de sa coquille dans ton gosier, ce qui ne prépare que mieux à encaisser le barouf structurant le skeud qui s'ensuit, voire même à en jouir avec le bon mindset (toute proportion gardée).
Cursed Conception s’érige de sa première seconde à sa conclusion en gros majeur dressé bien haut dans le ciel à l’attention de toutes les formes de bon goût, qu’il soit musical, visuel ou terminologique. Glauque au dernier degré, démoniaque, assourdissante dans tous les sens du terme, la musique de Tantric Bile n’est clairement pas à mettre entre toutes les oreilles. Acérée, chirurgicale, péremptoire, s’en laisser imprégner n’en promet pas moins une pérambulation à la hauteur de l’épreuve que représente l'écoute que tu ne peux que choisir de t'infliger. Le secret ? Y en a même pas, suffit juste d'être patient ; après 5 minutes de gorenoise même de la techno hardcore ça devient supportable après tout, alors 40 minutes supplémentaires pourquoi pas eh.
Ou alors suffit juste d’être un peu maso sur les bords. Ou un Cénobite.
Moi après chaque écoute de Cursed Conception
13 COMMENTAIRES
cglaume le 31/10/2024 à 11:12:09
C'est vil de mettre "Nawak" dans l'étiquette, puis ensuite de tirer la chasse d'eau.
Je me suis fait tout destoper l'oreille du coup !!
Aldorus Berthier le 31/10/2024 à 11:46:25
Roh t'as pas aimé l'hommage ? 😥
Y a u truc que j'ai dû mal comprendre dans ta conception de la chose on dirait...
Crom-Cruach le 31/10/2024 à 11:49:21
La pochette est somptueuse, le contenu est vain dans des proportions assez abyssales.
Aldorus Berthier le 31/10/2024 à 12:11:08
@Cromy : t'aimes pas le gorenoise ou celui-là en particulier ? (Tant qu'à faire autant savoir si c'est juste moi qu'ai des goûts de merde, ça aidera quand je me mettrai à chroniquer du gorenoise wall 😷)
cglaume le 31/10/2024 à 13:05:48
J'ai aimé l'hommage, si si : mais le gommage de tympan à la ponceuse thermonucléaire qui a suivi le clic sur le player m'a vite renvoyé à mon terrier haha. Pour moi il n'y a pas vraiment d'hostilité dans le Nawak Metal. Dès que ça tire sur les poils et que ça retourne les ongles, c'est de l'avant-garde truc, ou du maso-core haha
Black Comedon le 31/10/2024 à 13:17:05
J'étais prêt à pousser l’expérience, le 3eme morceau ayant endommagé à jamais mon ouverture d'esprit à grand coup de dissonances stridentes, j'ai lâchement abandonné
Aldorus Berthier le 31/10/2024 à 14:35:43
Pouah j'm'enfonce de plus en plus dans mon statut de paria dans la team CoreAndCo décidément x(
(Je note, Lapinou, pour les prochaines fois, déso pour le forage de tympans qui s'est ensuivi 😬)
cglaume le 31/10/2024 à 15:18:58
Nul paria sur CoreAndCo : juste des personnalités bien trempées, et un peu à part 😉
noideaforid le 31/10/2024 à 23:11:06
Je me suis fais eu en voyant nawak! Je t'en veux à mort pour la crispation pendant l'écoute 😜
Thedukilla le 31/10/2024 à 23:18:46
Les cénobites tranquilles, comme disait l’autre.
L’intégralité de mon voisinage passait la débroussailleuse cet après-midi. Mon chat a pas vu la différence.
Pourtant il a rien contre la harsh noise.
Pingouins le 01/11/2024 à 10:27:26
Il y a vraiment un côté psychédélique à ce genre de trucs.
Notamment en concert, où à la fin tu ne sais plus comment tu t'appelles en général.
J'aime bien mais je ne l'écouterai JAMAIS au casque ahah.
Tookie le 01/11/2024 à 11:15:59
Je trouve ceci absolument affreux. Mais la pochette est cool ! Et puis si les mecs qui font ça y trouvent leur compte, c'est cool aussi. Et certains qui les écoutent également. (Mais je ne comprends pas).
Aldorus Berthier le 01/11/2024 à 11:58:46
@noideaforid : oh bah tant que la paralysie ne t'a pas empêché de couper la zik' à temps je ne crains rien devant un tribunal ! 😬
@Thedukilla : T'es sûr y en avais pas un dans le tas qui passait la tondeuse ou la tronçonneuse ?
@Ping' : Maintenant que tu le dis "Aldorus" ça vient peut-être de là... 👀
@Took : Oh bah après tout je ne comprends pas non plus qu'on puisse aimer le dernier Ultra Vomit. On est tous l'extraterrestre de quelqu'un que veux-tu ;)
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