Virtuality - Rising Singularity
Chronique CD album (31:58)

- Style
Death metal - Label(s)
Autoproduit - Date de sortie
16 mai 2021 - écouter via bandcamp
Le premier instrument virtuel (ou VSTi en bon anglais) est sorti en 1999 et s’appelait Neon. Il n'est pas plus vieux que Papy Cyril mais quand même ça date. A l’époque, il s’agissait d’un simple synthétiseur à l’interface austère et dont la musicalité était plus proche d'un sanibroyeur bouché que d'un album de David Guetta (c’est dire...). Que de chemin parcouru depuis et l’offre proposée est plus que pléthorique. On trouve des VSTi d’orchestres, de trompettes, d’harmonica, de chorales et même de cuillères (car oui, la cuillère est un instrument). Evidemment, les instruments à l’origine des musiques généralement chroniquées dans CoreAndCo ne font pas exception: guitares, basses et batterie se modélisent de mieux en mieux et n’importe quel quidam peut composer un morceau sans avoir à toucher le moindre instrument. En général, le point faible de ces instruments virtuels est la dynamique qui donne de la vie à des sons par défaut non pas synthétiques mais très (trop) robotiques. Pour ce faire, il faut passer du temps à régler les nombreux paramètres qui régissent ces usines à gaz et ce peut être fait pour chaque note. Par exemple, programmer un solo de blues de guitare aurait de quoi donner occuper quelques heures le plus désoeuvré des êtres humains.
Si je vous casse les pieds avec cette longue introduction en mode “tu as vu, je t’apprends des trucs”, c’est que Virtuality dont il est question aujourd’hui est un groupe qui porte merveilleusement bien son nom car leur musique est entièrement programmée avec des VSTi. Et nom d’un kilobyte, on peut dire que ça décompile sévère du firmware . Mené par Omnius, sound-designer et compositeur, et secondé par Xy-Tah au chant saturé et Kyrieh Alienor au chant clair, Virtuality propose un death/djent très proche de Meshuggah de prime abord mais qui ne manque pas d’une certaine touche personnelle.
On retrouve donc des djenty grooves bien méchants portés par un son plus lourd que Frank Dubosc dans “Camping 6 - La Vengeance de la Tong”, du chant screamé et growlé bien low. Mais le groupe ajoute des petites choses qui changent un peu du quotidien le Jean-Kevin Djent que je suis: choeurs féminins plutôt bad-ass dans Paradox, quelques accords dissonants qui taquinent dans les aigus pour bizouiller le Jean-Brian Mathcore que je suis, des gros breakcore pour taquiner le beignet du Jean-Michel Thelowerthebetter et des petits leads de synthétiseurs technoïdes pour faire du gringue au Jean-David Guetta que je suis.
Omnius se fait même un petit kiff avec un solo de saxo sur un gros breakcore (Sentience). Il faudra pousser encore plus le vice pour la suite car ce sont petites surprises font la différence.
Les morceaux ne jouent pas la carte de la surenchère technique. On sent une volonté de produire des grooves complexes mais dans lesquels l’auditeur n’est pas perdu. Du coup, même si le groupe a de loin une forte ressemblance avec le groupe mythique d’Umea, de près, c’est finalement bien plus riche. Côté voix, Xy-Tha a un petit côté Uneven Structure dans la tessiture et dans le style mais en plus énervé, plus puissant et moins linéaire. C’est en place, puissant, ça fait parfaitement le job. Sur "Virus", cela m’a presque même rappelé Portal.
La question serait : est-ce que ça sonne vrai sachant que tout est “virtuellement” exécuté par des machines? J’aurais bien envie de répondre que finalement on s’en tape pas mal le coquillard parce que Rising Singularity sonne tout court. Mais bon, après vous avoir bassinés avec une introduction sur les limitations de ces fameux VSTi, il est temps de juger cet album à l’aulne de ces considérations technico-audio-geekesques.
Côté guitares, c’est parfait. Comme le style s’y prête parfaitement, il est difficile de juger de la qualité des nuances de jeu sur des guitares droppées et saturées à outrance jouant des rythmiques saccadées. Quant bien même, l’ensemble est plus que crédible tant dans le son (qui n’est pas sans rappeler Emmure, Frontierer ou encore The Tony Danza Tap Dance Extravagenza) que dans l’interprétation. Comme un pied de nez à de futurs détracteurs plus malins que tout le monde, Omnius se paie le luxe de programmer des dive-bombs (désaccordage volontaire de la guitare en actionnant à outrance la barre de vibrato) archi-crédibles.
La basse n’est pas en reste et même si son jeu est proche de la guitare, elle est présente là où on l’attend.
La batterie est peut-être l’instrument qui trahira le plus l’ensemble...et encore, ce n’est que sur certains blasts, un fill par-ci, un tapis de double-pédale par là qui manquent un peu de "naturel" dans le son mais pour le style, encore, c’est tout à fait dans la veine de ce qu’on entend quand un vrai batteur en chair et en bière est derrière ses fûts, éventuellement secondé par une myriade de triggers. Enfin, les batteries toutes programmées qu’elles sont, sont très crédibles dans le jeu.
Bref, désolé mais...c'est un grand oui!
Rising SIngularity est une belle réussite, que l’on considère la façon dont il a été façonné ou qu'on laisse de côté ce qui n'est finalement qu'un détail. C’est un album de death/djent groovy, puissant, dense qui; au-delà de tournures très classiques, n’est pas avare de quelques surprises qui font la différence. On espère bien que ce projet informatique va continuer à dérouler sa road map.
On aime bien : du death/djent agrémenté de petites choses très sympas et qui changent, des morceaux puissants comme on aime, le résultat obtenu compte tenu de l'approche créative et sonore
On aime moins : l’impossibilité de voir ce groupe en live?
4 COMMENTAIRES
cglaume le 29/06/2021 à 10:24:28
Deux fois David Guetta dans la chronique... Ça frise le blâme :D
papy_cyril le 30/06/2021 à 09:24:33
en fait Papy Cyril (le pseudo) est né en 1999 ! (le moi est bien évidemment plus vieux et devenait la même année papa Cyril)
Omnius le 04/07/2021 à 06:23:13
"programmer un solo de blues de guitare aurait de quoi donner occuper quelques heures le plus désoeuvré des êtres humains"
Il est vrai que j'ai été pas mal désœuvré cette année.
-Omnius / Virtuality
Omnius le 04/07/2021 à 06:24:29
Merci beaucoup pour cette chronique, je pense que tu as tout compris au projet.
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