Wharflurch - Psychedelic Realms ov Hell

Hidden history of the human race de Blood Incantation avait reçu un accueil que l’on qualifiera pudiquement de “réservé” dans les pages de ce webzine de la part de Cglaume qui lui infligera un cinglant et 4/10. Il y a fort à parier que ce Psychedelic Realms Ov Hell de Wharflurch ne trouve pas plus grâce  à ses yeux, tant il présente quelques similitudes avec son prédécesseur. Pour les autres, amateurs de death / doom metal un peu rustique dopé aux sonorités psychédéliques, c’est au contraire la tête dans les étoiles, le cerveau baigné d’ effluves narcotiques que vous allez passer 35 minutes absolument fabuleuses. 

Le concept ? Il est très simple. Du death metal et une histoire des champignons venus de l’espace pour coloniser la terre et causer la perte de l’espèce humaine telle que nous la connaissons - on a là l’indice d’une consommation de psychotropes non négligeable. Le death metal old school gras et granuleux fortement inspiré par Incantation ou Autopsy fait la part belle aux tempos lourds et pesants, aux riffs rampants et aux mélodies sinistres, aux voix caverneuses et à quelques accélérations rugueuses bien senties. On tiendrait déjà un album de doom death extrêmement bien ficelé et suffisamment accrocheur en s’en tenant à cette première description partielle,. Le riff d’introduction de "Stoned Ape Apocalypse" fait directement résonner les neurones du cerveau reptilien tant il est bourrin et efficace, "Abandoning Reality" est une leçon de composition durant ses quatre premières minutes. Tout du long de l’album, les plans lourds succèdent aux accélérations fulgurantes sans faillir un seul instant ou donner l’impression de chercher à faire du remplissage puis, tôt ou tard, inexorablement les morceaux dérapent et partent dans une toute autre dimension, imprévisible et tordue. Le death metal de rustres de Wharflurch se teinte ici de psychédélisme progressif, un peu de Hawkwind, quelques influences krautrock et un peu de space rock sans donner l’impression de constituer un patchwork d'influences illisible. Tout le génie de cet album réside dans sa capacité à dérailler de l’itinéraire prévu, à se perdre brièvement dans des arpèges bourrés d’effets, à oser placer un soli tortueux, à tartiner des nappes de clavier vaporeuses ou rajouter des voix trafiquées au vocoder sans avoir peur à un seul instant de frôler le mauvais goût. Wharflurch réussit à décoller de son marécage sans non plus totalement partir à la dérive dans l’espace. Oeuvre issue de cerveaux sûrement attaqués par l’abus de stupéfiants, ce Psychelic Realms Ov Hell reste un disque encore relativement accessible qui ne joue pas la surenchère en empilant les plans incongrus ou les transitions impromptues, et n’étire pas inutilement les titres au risque de les rendre soporifiques. Au contraire, et c’est d’autant plus remarquable puisqu’il s’agit d’un premier album, l’ensemble s’écoute d’une traite sans donner une seule fois l’impression de forcer sa nature ou de surjouer son originalité en en faisant des tonnes. 

Les amateurs de death metal plus classique ou direct passeront ici sans doute leur chemin, trop narcotique, trop de couleurs fluos sur la pochette, trop de clins d’oeil appuyés aux cousins dégénérés de Blood Incantation, trop de voix trafiquées au vocoder et de synthés suspects, trop d’entorses faites au bon goût. Pour les autres, ceux qui sont comme moi déjà tombés dans le panneau en écoutant Hidden history of the human race, c’est un disque aux allures de référence que vient de produire Wharflurch.

Marc

le 14/02/2022