Wounds - Ruin

Chronique CD album (38:06)

chronique Wounds - Ruin

Bien souvent, les artistes utilisent patronyme et titres d'albums comme une vitrine, un avant-goût de leurs intentions, de leur univers. Typiquement, avec Prostitute Disfigurement ou Carpathian Forest, on sait où l'on va, et quelle sera la déco' une fois arrivé à destination. Toutefois, avec les Chicagoans invités aujourd'hui en nos colonnes, l'approche est différente, plus immersive, plus tournée vers nous que vers eux. En effet, c'est ce qu'il reste de l'auditeur ayant enduré les trente-huit minutes de son premier opus que Wounds semble vouloir décrire quand il évoque « Ruine » et « Blessures ». Car, nom de nom, l'écoute de ce bruyant acte de naissance n'est pas de tout repos ! L'oreille s'y pose comme sur un matelas d'échardes dans sa housse d'orties, sans beaucoup d'occasions de s'y reposer sereinement.

 

Et pour le coup, on ne pourra pas dire que l'on n'était pas prévenu ! Car, ainsi que son nom l'indique, la première piste « Of Ruin » est plus qu'une mise en jambe : c'est une mise en garde doublée d'une mise à l'épreuve, un avertissement préalable qui démange et triture. Et qui démarre comme le plus vicieux des Morbid Angel, sur des samples de batterie joués à rebrousse-poil, très brièvement, ainsi que le vénérable ancêtre l'avait fait sur le légendaire « Immortal Rites ». Le message est clair : on va avoir affaire à du retors, du sulfureux. Et la confirmation de tomber par le biais d'un lent et laborieux ébrouement parcouru de secousses spasmodiques. La démarche est sombre, louvoyante, épineuse, avant de gagner petit à petit en substance pour s'arrondir en adoptant un groove rustaud à l'épaisseur vaguement coreuse.

 

OK : ce Death Metal, qu'on nous a vendu technique, ne va clairement pas donner dans le Gorod scintillant. Ni dans la rafale cybernétique à la Archspire. Ni dans la boucherie virtuose à la Defeated Sanity. À la place, on est manifestement parti pour du vicelard, de l'accidenté, de l'hostile, humanisé – dans le meilleur des cas – par un brin de mosherie retorse... Bref : si quiconque n'est pas sûr de pouvoir supporter l'aventure, qu'il parl/te maintenant où se taise à jamais !

 

Et « The Archfiend's Apothecary » de continuer dans la droite ligne de cette intro. Les riffs y sont emberlificotés de telle sorte qu'ils produisent nœuds et ruptures. La batterie – pas du genre à blaster stupidement jusqu'à ce que mort s'ensuive – court de-ci de-là, changeant brutalement de pied d'appui, musclant son propos à l'aide d'un usage généreux de la double. Le chant, rugueux et inamical, confirme nos soupçons quant à un probable héritage provenant d'un lointain parent Hardcore, le growl étant plus celui d'un cogneur que d'un zombie, son compagnon plus aigu tenant quant à lui plus de la petite teigne chiqueuse de mollet que du démon beumeuh surgi des enfers à dos de chauve-souris. Et le magma tricoté par ces artisans de s'avérer houleux, inconfortable, l'auditeur ayant plus l'impression de subir ces vicieux assauts que de les mener de front en compagnie des Américains. Reconnaissons toutefois que, lorsque l'épiderme auriculaire se fait trop longtemps malmener, magnanime, Wounds accepte d'arrondir un peu les angles et de lâcher l'un de ces plans qui permettent de se décrisper les cervicales en hochant bovinement du chef.

 

C'est avec l'arrivée de « Zoophagist », alors que ses bottes sont déjà solidement plantées en pleine « face B », que la formation semble prendre conscience qu'elle n'a pas offert beaucoup de répit à son invité auditeur. C'est sans doute la raison pour laquelle cette 7e piste manifeste une volonté apparente de se faire pardonner, que ce soit à travers son démarrage au groove clairement gojirien, ou via ce superbe ping-pong démarré à 1:58, qui régale enfin l'amateur d'accroches intelligentes. Dès lors le niveau d'hostilité semble s'abaisser un peu – ou alors c'est que notre seuil de tolérance s'est quelque-peu rehaussé. On croit même discerner un air de ressemblance avec Gorod sur le tout le début de « Ready Your Mind for the Grind » ! M'enfin quand on fait le bilan, on arrive vite au constat qu'on ressort de Ruin les genoux et les coudes croûtés, les nerfs rudement éprouvés, et un peu fatigué d'avoir eu à faire notre marché au long de ces neuf pistes certes richement achalandées, mais par les mains d'un commerçant retors n'ayant visiblement pas la même définition que nous du mot « harmonieux ».

 

C'est pourquoi on manque d'enthousiasme au moment d’apposer dans la marge la note en rouge. L'élève ne manque pas de talent, mais on aurait aimé qu'il canalise mieux son énergie, qu'il s'agite moins frénétiquement, qu'il tourne 7 fois sa langue dans sa bouche avant de riffer. Néanmoins ceux qui accueilleraient avec bienveillance une version plus tortueuse, moins « bille en tête » du Cabinet de Spawn of Possession devraient voir ici leurs appétits contentés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: vous aimez le Death technique épineux, vicelard mais houleux, qui préfère lacérer les chairs que déchausser les molaires ? Alors vous devriez apprécier Ruin, premier album de Wounds qui tartine dans le même enclos que Cabinet (cf. Spawn of Possession), mais adopte une attitude un brin plus retorse.

photo de Cglaume
le 29/05/2024

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