Cult Of Lilith - Mara
Chronique CD album (36:07)
- Style
Tech Death baroque - Label(s)
Metal Blade Records - Date de sortie
04 septembre 2020 - Lieu d'enregistrement Krummafótur Studi
- écouter via bandcamp
« On la trouvait plutôt technique, Lilith
Elle arrivait de Reykjavik, Lilith
Avec un Death alambiqué
Qui promettait aux initiés
De chauffer des nuques à Paris »
(l'original, pour les plus jeunes)
… Ricanez si vous voulez, mais finalement quoi de plus naturel que de laisser au père du « Zizi » l'honneur d'introduire le Cucult?
Alors c'est sûr, on aurait pu commencer cette chronique plus sobrement par un « Cult of Lilith est un jeune groupe islandais qui, après l'EP Arkanum sorti en 2018, livre aujourd'hui un premier album proposant 36 minutes de ce qu'il appelle lui-même le Necromechanical Baroque, autrement dit un Death Metal sophistiqué mâtiné de Prog s'autorisant d'audacieuses sorties de route. ». Mais crénom quand il est question de musique, quand bien même vous auriez celle-ci dans la peau, est-ce que vous avez vraiment envie de lire une prose aussi excitante qu'une ordonnance de dermatologue?
Mara – qui ne signifie pas « assassiné dans sa baignoire », mais « cauchemar » en islandais – possède une personnalité qui le situe à la croisée du Tech Death à la québécoise et d'un Metal d'avant-garde butinant tous azimuts tout en prenant bien soin de ne jamais déroger à une esthétique relativement BCBG. A la norvégienne, pourrait-on dire, quelque-part entre Atrox et Vulture Industries (d'autant que certains passages sentent fort le Black). Ce qui, vous l'aurez peut-être remarqué, rend l’œuvre particulièrement cohérente d'un point de vue géographique, l'Islande se situant grosso-modo sur la droite reliant les deux pays. L'élégance, la densité et la violence d'Augury, l'exigence et un foisonnement vocal pouvant rappeler Darkane, l'exubérance baroque d'Unexpect, et par moments – malheureusement – le côté bourratif d'un Biomechanical: Cult of Lilith est un mélange d'un peu tout ça. Plus des impressions plus fugaces: Gorod par-ci, Scarve par-là, Ebony Lake également pour ce côté dandy excessivement raffiné, voire – lors de certaines interventions décalées en chant clair, et sur certaines vagues saccadées – Fear Factory. Une drôle de mixture donc, tour à tour excitante, déroutante, pertinente, mais sacrifiant parfois l'accessibilité et le plaisir de l'auditeur sur l'autel de la sophistication.
Parmi les coquetteries notables que vous réserve ce premier album, on citera le clavecin et les froufrous introduisant « Cosmic Maelstrom », le solo d'orgue Hammond sur le dernier quart de « Purple Tide », les soupirs gothiques démarrant « Atlas », le craquage Cabaret décadent et la sentence robotique (« Existence is meaningless ») de « Comatose », la roucoulade lyrico-italienne du « Soupir du Fantome » (c'est pas trop choupinou-petit doigt en l'air tout ça?) et la grosse minute purement Flamenco de « Profeta Paloma » – vraiment très sympa, mais aboutissant sans transition aucune sur une grosse bourrasque riffée. Si ces marques d'originalité sont bien souvent justifiées, elles ne permettent que très occasionnellement d'aboutir à la création de morceaux 100% convaincants. C'est quand même heureusement le cas de « Purple Tide », qui se teinte de légères couleurs SF, de l'élégant « Atlas », ou d'un « Soupir du Fantôme » plus digeste, plus focalisé, plus mélodique. A l'opposée certains morceaux sont comparables à de grosses pelotes dont il n'est pas aisé d'attraper le bout pour en dérouler la logique, cette difficulté d'approche empêchant de s'y vautrer joyeusement. Dans cette catégorie on mentionnera l'impressionnant « Enter the Mancubus » au sein duquel on a un peu de mal à retrouver nos petits, ainsi qu'un « Zangano » trop démonstratif, laissant sur une confuse impression de déjà vu, et se laissant donc rapidement oublier.
Bien que se démarquant de ses congénères de la sphère Tech/Prog par un petit supplément d'excentricité avant-gardiste – ce qui nous le rend éminemment sympathique – Cult of Lilith ne réussit pas à vulgariser suffisamment son propos pour rendre ses ambitieuses compositions complètement digestes, et sortir ainsi véritablement du lot. Mais pour être tout à fait honnête, ce n'est pas passé loin. Il y a donc de bonnes chances que la chronique du prochain album commence par une autre chanson du même répertoire, plus enthousiaste cette fois:
« Le Cult of Lilith 2 est bonaaaa-reuh, Merci papa, merci maman! Tous les jours, je le repasse en bou-ou-ou-ou-cleuh, youkaïdi aïdi aïda... »
La chronique, version courte: mélanger les répertoires d'Augury, Darkane et Unexpect à la dentelle du Metal avant-gardiste norvégien conduit immanquablement à proposer un Tech Death progressif de haute volée... mais toutefois difficile à digérer. Les amateurs de sophistication extrême-métallique peuvent néanmoins laisser Cult of Lilith pénétrer leur intimité auriculaire en toute confiance.
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