Corey Taylor - CMFT

Chronique CD album (47:37)

chronique Corey Taylor - CMFT

Ahhh l’album solo...Ce passage risqué, cet instant de la carrière d’un artiste où ce dernier s'autorise un exutoire personnel, loin des concessions et des contraintes stylistiques imposées par son groupe, affranchi des attentes du public et peut-être même de ses propres attentes. Une véritable aventure dans laquelle l’artiste peut s’accorder toutes les facéties, tous les plaisirs coupables sans se soucier des comptes à rendre et du qu’en dira-t-on. Car là où un groupe à la carrière bien avancée est toujours attendu au tournant à chaque album, le musicien de ce groupe qui se frotte aux écarts solo a moins à craindre de passer sous quelques fourches caudines et n'a en tout cas pas grand chose à perdre finalement. Les mauvais albums solos ont toujours été excusables à défaut d'être excusés.
Cette fois ci, c’est le seul, l’unique, l’homme au cou de boeuf nourri aux hormones: Corey Taylor qui s’y colle et propose CMFT (pour Corey Mother Fucking Taylor). Enregistré pendant le confinement, le natif de Des Moines a trouvé du renfort auprès des pointures que sont Jason Christopher (Prong, Ministry, Stone Sour, Sebastian Bach...) à la basse, Dustin Schoenhofer (Walls Of Jericho) à la batterie, et Zach Throne (guitariste de session de Lemmy Kilmister, Michael Landau ou encore John 5) et Christian Martucci (Stone Sour) à la guitare.

 

A la première écoute des premières minutes de l’album, j’avoue avoir immédiatement pensé “Diantre, on dirait que Corey Taylor a enregistré le dernier Sheryl Crow”. Parce que, oui, CMFT a l'odeur, l'aspect de ces albums un peu passe-partout qui mélangent folk, rock et pop. Mais au fil des 13 titres, il faut se rendre à l’évidence, c’est bien plus que ça. Balades acoustiques ("Silverfish"), hymnes rock fédérateurs ("Everybody Dies On My Birthday"), chansons pop pleine d’espoir ("Kansas", qui pourrait largement remplacer “Wonderwall” dans le répertoire des guitaristes de soirées “feux de camps, marshmallows à la broche et Corona), tournes folk qui sentiraient presque le bayou et les grands espaces ("The Maria’s Fire" avec son solo hard-blues), morceaux plus durs et ancrés dans le rock sous hormones ("Culture Head"), duo piano-voix digne d’un John Legend ("Home"), cross-over rap-rock ("CMFT Must Be Stopped" avec la participation des rappeurs Tech N9ne et Kid Bookie), tube pop ("Black Eyes Blue", sauvé de la gnangnantitude avec sa progression hyper bien gérée depuis un début pop à la limite du mièvre vers un final rock plus velu), thrash-punk 80’s ("European Tour Bus Bathroom Song"), cet album fourmille d’influences, de styles et d'intentions et ne souffre aucune linéarité ni aucune redite au fil de ses 13 titres. La prestation vocale de Corey Taylor est excellente, ses années de coaching et sa maturité font leur preuve depuis longtemps et ne sont pas en reste ici. Elle est soutenue par une instrumentation aux petites oignons sans surprise (riffs qui restent dans la tête, solos tape à l’oeil, hand-clapping et choeurs vocaux qui soutiennent les refrains) mais sans aucune fausses notes et par un de ces mixages parfaits, bien “gonflés" et énergiques (avec Jay Ruston (Anthrax, Stone Sour, Steel Panther) aux manettes, pas étonnant). CMFT s’écoutera et se réécoutera donc avec plaisir.

 

J’ai toujours extrêmement apprécié Corey Taylor, autant pour son histoire personnelle que son parcours artistique sans que je sois non plus un fan-boy qui frétille du slip à la simple évocation de celui qui, il faut objectivement le reconnaître, est l’un des meilleurs chanteurs de la scène metal avec ce grain de voix aussi unique, reconnaissable et polyvalent. En outre, l’homme a semble-t-il la tête solidement vissé sur les épaules (le cou aidant) et ne manque ni de répartis, ni de jugeote et encore moins d’honnêteté vis-à-vis du public.
Musicalement, on s’en tamponne le coquillard sauf que c’est exactement ce qui ressort de cet album. Corey Mother Fucking Taylor, en voilà un titre bien trouvé. “Me voilà putain!” car Corey Taylor s’expose sans concessions et s’impose pleinement. Il s’est fait plaisir et de cette honnêteté artistique est né un excellent album versatile et qui ne manque clairement pas d’intérêt. D’ailleurs, qui mieux que l’intéressé pour en parler: “cet album est un hybride de tous ces genres différents qui me plaisent vraiment. C'est une version moderne des vibrations que les gens ont déjà entendues, je les ai prises et jetées à travers un filtre de folie". Il y en a donc pour tous les goûts mais attention, on n’est pas chez Flunch, il y a de tout, à volonté mais c'est diablement bien cuisiné. La qualité d’écriture des morceaux est digne de celle des meilleurs song-writers rock qui existent avec cette patte typique américaine, cette magnifique gestion de la dynamique des morceaux. Pas de places pour l’ennui ou la faiblesse, tout est indéniablement bon.
S’il n’y avait qu’une chose à reprocher, ce serait l’absence total de prise de risques et d’inventivité. Les 13 titres sont certes parfaitement écrits et interprétés mais ils sont sans véritables surprises et n’apporteront ni nouveautés ni fraicheur. CMFT n’est pas un album introspectif, livré à la seule folie de son interprète mais plutôt un hommage simple et efficae à ses influences, à ses premiers émois musicaux qui s'inscrit dans la parenthèse  d'un instant.

 

CMFT fleure  sacrément bon les USA, pas ceux de Trump, du puritanisme coincé et de la NRA mais ceux des grands espaces, de la liberté d’esprit, de la pensée sans concessions, de l’essence même du rock et de sa moëlle nourricière, dans tout ce qu’il a donné de meilleur et dans tout ce qu’il a à donner de meilleur, 13 titres rock-pop-folk “made of USA” pur-jus, sans faiblesses et menés avec énergie par un chanteur au meilleur de sa forme.

 

On aime bien : la voix de Corey Taylor, un véritable stock de tubes, la variété de style, la qualité d’écriture

On aime moins: des accents pop qui chiffoneront les metalleux endurcis, une écriture très classique

photo de 8oris
le 30/09/2020

4 COMMENTAIRES

Tookie

Tookie le 30/09/2020 à 09:59:50

Rha, je me suis emmerdé sévèrement !
Et pourtant j'étais curieux ! J'aime bien ce qu'il fait (son chant est vraiment cool sur l'album) / a fait, et je n'ai absolument aucun souci avec la pop-rock. Mais là, rien à faire. Aucune accroche, rien de passionnant, c'est prévisible, ennuyeux, parfois même sirupeux.

8oris

8oris le 30/09/2020 à 10:33:53

Je suis d'accord sur le prévisible, je te concède le "sirupeux" mais je te trouve dur sur "l'ennuyeux". Bon, après, je peux être très (trop) bon public pour ce genre de came. 

Tookie

Tookie le 30/09/2020 à 12:22:43

Peut-être est-ce parce que je connais tout ce qu'il a fait que je trouve ça ennuyeux (et parce que je suis chiant...), mais dès la première écoute, je l'ai vu venir à chaque titre...même s'il faut lui reconnaître une variété dans les styles abordés. Sauf que tout ça, il l'avait déjà égratigné avec Stone Sour et qu'il avait souvent fait part de ses goûts musicaux (relativement larges) dans de nombreuses colonnes.
Alors je me suis ennuyé parce que même si c'est un album vivant, c'est comme un Marvel : y'a tout ce qu'il faut pour passer un bon moment, c'est très bien foutu, mais c'est un peu trop gros pour me passionner (bien que je comprenne parfaitement qu'on adhère).

nipalvek

nipalvek le 02/10/2020 à 09:21:00

Ca ressemble à une compil de rock US. C'est agréable au final.Corey Taylor à quand même l'art d'être assez surprenant niveau vocal. Que ca soit avec slipknot,stone sour ou sa reprise de bob l'éponge.j'accroche toujours bien.

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