Animals As Leaders - Animals As Leaders

Chronique CD album (51:48)

chronique Animals As Leaders - Animals As Leaders

Je ne sais pas vous, mais le nom Animals As Leaders m’évoque le Demain les chiens de C.D. Simak, ou à la rigueur la Terre sous régime simiescocratique de la Planète des Singes. Alors qu'en fait c’est un tout autre roman - Ishmael - qui a inspiré à Tosin Abasi le patronyme de ce projet. N'empêche, l’idée reste néanmoins valable: sur Animals As Leaders, on n’est plus tout à fait dans l’humain. Plutôt dans le surhumain, ou, pour le dire à la mode 2011, dans l’humain 2.0 – voire 3.0. Mais si vous le voulez bien, revenons tout d’abord à la genèse de cette aventure passionnante...

 

Animals As Leaders, c’est la pointe de l’avant-garde de la tête de proue du tech-geek metal qui buzze. C’est l’histoire d’un petit prodige de la 6 (7- ! 8- !!) cordes, Tosin Abasi, qui fit ses premières armes au sein du groupe de metalcore technique Reflux, puis se fit repérer par Prosthetic Records pour sa virtuosité – le label lui proposant direct' d’enregistrer un album solo tellement ils s'en étaient pris plein les mirettes –, et qui, finalement, quand son groupe du moment splitta, saisit l’occasion qui se présentait à lui pour enregistrer l’album qui nous intéresse aujourd’hui. Et pour en rajouter une couche dans le croustillant, l'élaboration de cet album se fit en collaboration étroite (production, mixage, mastering, programmation, quelques soli…) avec Misha Mansoor de Periphery... N'en jetez plus! Buzz, buzz, buzz: bienvenue sur Core&MorandiniCo les aminches!!    

 

Ce premier album est donc – pour détourer la bête grossièrement – la tribune instrumentale d’un guitar hero djent (vous savez, cette branche stylistique qui a poussé à partir du bourgeon Meshuggah) doté d’une vision singulière, de mains qui percutent les cordes plus vite que leur ombre, et d’une culture gorgée aussi bien de Textures, Devin Townsend et de la bande à Fredrik Thordendal, que de blues, de musiques électroniques et de cyberworlderies. Et cela aboutit à un merveilleux oxymore métallique: l’alliance incongrue, subtile et sublime du syncopé, de l’hypnotique, du saccadé, du polyrythmique caractéristiques des nerd-eries djent avec la flamboyance du shredder volubile, le feeling des guitares acoustiques, la délicatesse d’un rock bluesy, tout ça consolidé et magnifié dans l'écrin d'une œcuménisme virtuose. Ici la technique est effarante, les guitares sont d’une prolixité éreintante, le mouvement est perpétuel. Oui mais... On respire. On comprend. On se laisse emporter, transporter. On décolle et plane au-dessus de la masse grouillante. Car la musique d’Animals As Leaders fait preuve, entre autres, d’une intelligence respiratoire hors du commun: l’auditeur – s’il se prend inévitablement des baffes au vu du nombre de retournements de situation et du raz de marée de notes qui déferle inlassablement sur lui – dispose toujours d’une pause délicate, d’une soudaine ouverture sur un panorama grandiose, d’une interlude subtilement électronique, d’un voyage à dos de plume, bref, d'autant de rebondissements que nécessaire pour pouvoir apprécier à sa juste valeur sa condition nouvelle de boule de flipper quelque peu malmenée dans cet univers fourmillant d'informations.

 

Y a-t-il des précédents, des équivalents, des comparaisons à vous jeter en pâture afin de préciser plus avant la nature du nectar qui coule ici? En dehors des références précédemment citées, on pourrait évoquer le Joe Satriani de Engines of Creation, ou un Pierre-Mary Reverdy (Illuvatar, Lex Talionis) qui aurait retrouvé une part d’humanité et qui se serait enfin mitonné un son de guitare organique. Mais finalement ces rapprochements nous laissent loin du compte, tant – tout en réussissant à demeurer dans le cadre de l’étiquette « guitar hero djent », et à préserver une certaine homogénéité de ton – Tosin Abasi arrive à explorer un large spectre d’émotions et de textures. Et à écrire de satané put**** de titres grandioses, nom de nom !! Certains sauraient sans doute décrire avec moults précisions techniques ce qui se passe le long des presque 52 minutes que dure l’album, mais à mon sens, seule l’approche émotionnelle peut rendre justice à ces titres. Tiens, pour vous parler de « Soraya » par exemple, il faudrait évoquer un épisode « djazz » (djent jazzy) au velouté aquatique, au sein duquel se produit, dès 0:38, une floraison guitaristique merveilleuse. « On Impulse »? Un réveil progressif et heureux, initié par la caresse des rayons électro-acoustiques d’un soleil bienveillant, tout en légèreté, insouciance et sérénité. Et contrairement à ce que pourrait laisser présumer son titre, « Behaving Badly » est une petite merveille d’horlogerie organique foisonnante, une alliance életrique / électro-acoustique à la fraîcheur et à la toute puissante fausse-simplicité Townsendienne, une retranscription musicale exacte du scintillement complexe et fascinant des rayons du soleil capturés dans un réseau végétal baigné de rosée. Il faudrait continuer encore, dire que « CAFO » est un geyser bouillonnant doté d’une dynamique passionnante qui le fait passer par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, ou que « Song of Solomon » est LA conclusion rêvée, l’au-revoir groovy et chaleureux d’un ami qui ne souhaite qu’une chose: vous revoir vite. Mais que le verbe finit par sembler aride face à la puissance évocatrice d'une telle musique, et que la liste de ces moments exaltants est longue...!

 

Alors c'est sûr, les mots « guitare-hero » et « djent » sont susceptibles de rebuter, voire d'éloigner définitivement le lecteur hyper sélectif. Mais quel dommage mamma mia! Quel terrible rendez-vous manqué ce serait! Car Animals As Leaders est une porte ouverte sur un autre monde métallique où l’on se sent très rapidement à l’aise. C’est un album qui parle à l’âme, et qui nous extrait momentanément de notre condition de plancton humain. C’est, en un mot, tout ce qu’on attend d’un album de chevet. Et le plus beau, c'est que c’est à portée de main: il vous suffit de virer le dernier Linkin Park de votre panier Amazon, et de le remplacer par le présent album… Allez, vous y êtes presque!    

 

La chronique, version courte: excellent djent instrumental, plus organique que la moyenne et super inspiré.   

photo de Cglaume
le 01/07/2011

6 COMMENTAIRES

Teub bien molle et bien dure

Teub bien molle et bien dure le 01/07/2011 à 16:11:30

Je suis pas trop d'accord avec ton terme d'oxymore metallique, tellement le tout me semble très (trop ?) homogène et harmonieux. tu comprends dès la 1e seconde à quoi tu as affaire, et chaque riff s'inscrit dans la suite logique du précédent. pas dans le sens "ah ! je m'y attendais", mais plutôt, "oui, c'est exactement ce que moi j'aurais mis là".

ou alors, je t'ai mal compris !

Sam

Sam le 01/07/2011 à 16:25:31

D'habitude je supporte pas les démos branlage de manche, mais j'ai vraiment apprécié cet album. ça fait quelques semaines que je l'ai plus écouté, mais sur le moment je me le mettais assez souvent. Faut dire qu'il bénéficie d'une prod assez incroyable, et ça aide beaucoup.

cglaume

cglaume le 01/07/2011 à 16:36:24

@Teubinette: en fait c'est dans la définition du projet sur le papier qu'on a affaire à un oxymore. Un mariage de froide djenteries et de (aïe le grand écart) feeling rock, ça titille bizarrement l'imagination, non ? Par contre on est d'accord, une fois la touche Play enfoncée, le résultat est d'une cohérence rare !

Parav

Parav le 04/07/2011 à 10:05:01

Entièrement d'accord avec la chro! Alors que comme Sam, les guitar hero me donnent d'habitude des envies de meurtre. Pour une fois la technique est vraiment au service de la musique, pas l'inverse (sans vouloir troller). Et il s'est pas entouré de manches non plus, quel enc*lé ce batteur.
9.5/10

frolll

frolll le 04/07/2011 à 19:47:49

c'est un peu comme du djent, mais en moins bon >

Kurton

Kurton le 04/07/2011 à 21:38:59

Trop "technique/guitar hero" pour moi

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