Animals As Leaders - The Joy of Motion

Chronique CD album (54:23)

chronique Animals As Leaders - The Joy of Motion

Animals As Leaders, en plus d’être un trio mené de médiator de maître par Tosin Abasi, est un paradoxe vivant. Un peu comme son homologue et compatriote Scale The Summit. Je m’explique. Alors que le djent a démarré au sein de la bruyante descendance de papa Meshuggah – et qu'à moins d'être vacciné contre les poinçonnages et autres contorsions rythmiques particulièrement tordues, il était donc à l'origine vecteur de lésions audio-cérébrales sévères – , la musique des américains, pourtant affiliée au genre, crée dans nos esprits des images de clairières au petit matin, de flots cléments caressant des berges ensoleillées… Bref, on est loin des attaques massives d'entités mécaniques cyclopéennes qui rythment l'écoute du Koloss des vénérables suédois précédemment évoqués.

 

Sur son 3e et nouvel album – The Joy of Motion donc –, Animals As Leaders va plus loin encore dans ce processus de "réorganification", en abandonnant la quasi-totalité de cette froideur synthétique qui avait nettement démarqué Wheightless de son prédécesseur. La trame délicatement électronique qui sert encore de filet à nos 3 acrobates-en-chef et à leurs virevoltants instruments est certes toujours bien présente, mais plus légère, plus ouatée que jamais, et à aucun moment celle-ci n'entrave la marche « printanière » entreprise sur l’œuvre nouvelle. Les assauts violents caractéristiques du genre, menés à grands coups de marteau-piqueur quantique, sont heureusement toujours bien présents, mais en quantité moins importante, le groupe préférant laisser la guitare de Tosin respirer librement, dans des registres s’aventurant de plus en plus du côté du rock, d’un Satriani joyeux, de la péninsule ibérique (« Para Mexer »), voire du blues (tiens, vers 3:23 sur « Kascade », ou encore vers 1:11 sur « Air Chrysalis »).

 

Bon allez, puisqu’on en parle, attaquons tout de suite le point qui fâche: The Joy of Motion est le plus tiède des 3 albums des petits prodiges de Washington. Parce que, comme on l’évoquait à l’instant, les écarts « champêtres », loin des terres arides d’un djent incisif et offensif, conduisent le groupe à commettre un « Air Chrysalis » dont la torpeur légère, à la longue, provoque des bâillements, un « Another Year » qui frôle parfois la musique d’ascenseur, un « The Future That Awaited Me » bien timide, un « Para Mexer » tellement peu djent qu’il pourrait servir d’interlude musicale entre 2 émissions de France Culture, ou encore un « Nephele » un peu trop léger pour conclure convenablement un tel album. On pourrait qualifier ce malheureux travers de « syndrome Cynic » – ou comment retirer petit à petit tout nerf de sa musique... En plus il faut bien reconnaître qu’on trouve sur ce nouvel album peu de tubes de la trempe de « Do Not Go Gently », « Somnarium », « Behaving Badly », « Song of Solomon » ou encore « CAFO ».

 

Fort heureusement, sur The Joy of Motion, nos 3 amis font certes un peu moins bien, mais pas non plus mal – 'faut pas déconner quand même. Ainsi « Kascade », le morceau d’ouverture, nous rassure d’entrée de jeu: on y retrouve tout ce qui nous a conduits à aimer follement le groupe. Et même si par la suite « Lippincott » est un peu moins sexy, il nous réserve tout de même – un peu après la barre de la minute – l’une de ces juteuses avancées de monstre clopin-clopant au déhanché caoutchouteux. Et histoire de ne pas laisser retomber la pâte, Javier nous balance dans la foulée l’une de ces interventions « fil de funk barbelé » dont sa basse a le secret. Miam! Mais ce n’est pas fini, car sur « Physical Education », le groupe met enfin un terme à sa sieste pour nous offrir un morceau débordant de joie de vivre, que même qu’on croirait presque entendre And So I Watch You From Afar. Et histoire de nous assurer que ce sursaut n’était pas dû au hasard, l’aventure exaltante continue sur « Tooth And Claw », lors duquel le groupe se décide à garnir à nouveau ses saccades d’une bonne paire de couilles (un peu après la barre de la minute). Si « Crescent » réserve également quelques bons moments, il faut ensuite attendre « The Woven Web » pour retrouver le Animals As Leaders que l’on aime, accrocheur et inventif, puis « Mind-Spun » qui est l’un des tous premiers morceaux à venir s'incruster dans notre crâne du fait d'un riff aussi lancinant qu'efficace en forme de complainte cétacé élastique.

 

Après 2 albums proprement exceptionnels, la bande à Tosin Abasi avait une sacrée pression sur les épaules. D’où peut-être ce choix de prendre la tengeante et de s’en aller batifoler un peu parmi les herbes hautes d’une nature accueillante plutôt que de surenchérir dans le domaine du djent découpé au sabre laser. On regrettera quand même que cette option ait été accompagnée d’un affadissement léger mais manifeste du propos. N’empêche, le niveau d’excellence où évoluent les 3 maestros à l’œuvre les met à l’abri de tomber dans la médiocrité, et ce petit coup de mou très relatif n’entame en rien leur droit à continuer de trôner tout en haut du palmarès des djent-lemen les plus attrayants.

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: moins offensif, moins excitant, moins abrasif que sur ses 2 albums précédents, Animals As Leaders déçoit un petit poil avec The Joy of Motion. Sauf que le niveau toujours aussi affolant de ces 3 zigotos, ainsi qu’une grosse poignée de titres vraiment bons les confortent malgré tout dans leur position de (co-)leaders du mouvement djent.

 

photo de Cglaume
le 21/05/2014

1 COMMENTAIRE

Tookie

Tookie le 22/05/2014 à 11:23:39

Sans rentrer dans les détails, faute de temps : je suis déçu.

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