Animals As Leaders - Weightless

Chronique CD album (46:30)

chronique Animals As Leaders - Weightless

Je crois bien que c’est une première. Oui, en effet, après vérification, jamais auparavant 2 albums purement instrumentaux n’avaient figuré côte à côte dans mon Top 5 de fin d’année. De ce point de vue 2011 aura été une année exceptionnelle, avec d’un côté One Step Beyond et sa chaude coulée de groove volcanique, et à l’autre extrémité du spectre thermique Weightless et ses froides djenteries virtuoses.

 

Animals As Leaders, le certificat de naissance de la bande à Tosin Abasi, avait déjà été un sacré coup de semonce où l’on découvrait que le scalpel clinique de la scène nerd metal pouvait inciser nos tympans avec finesse et feeling. Et sur ce 2nd épisode, Animals As Leaders semble vouloir aller encore un peu plus loin dans la démonstration. En effet Weightless s’avère encore plus chirurgical, plus « cyber », plus gorgé de fourmillements électro que son aîné. Côté infanterie rythmique, les rebonds sont encore plus improbables, le tranchant encore plus glacé, les pointillés encore plus discontinus. Bref, le bûcheron cyborg qui donne le La à l’artillerie lourde ici à l’œuvre débite du petit bois avec la cadence infernale d’un cuistot japonais préparant des sushis, et ses saccades haute fréquence se font vibrations pures, entrant pour le coup en résonnance avec les influx nerveux parcourant spasmodiquement notre pauvre moelle épinière. C’est bien simple, quand l’album ne semble pas être un aperçu de la B.O. de « Matrix 4: The Djentrix », c’est que le groupe s’ébat dans des eaux pas très éloignées de celles bordant les rivages technoïdes de The Algorithm (cf. le début d'« Odessa », ou l’excellent « Do Not Go Gently »). Et ce son de gratte mes enfants! Abrasif, étranglé et plein d’aspérités comme une barbe à papa au fil de fer barbelé. Tout ça sonne même parfois comme les rebonds glacés de ces lourds ressorts métalliques qui dévalaient nos escaliers avec la grâce monstrueuse de chenilles-accordéons (J’ai bien peur que cette référence tombe autant à plat que « les vrais roudoudous qui nous coupaient les lèvres et nous niquaient les dents » de Renaud).

 

Et pourtant… Weightless est aussi organique qu’il est geek, aussi mélodique et sensible que son approche semble glacée et mécanique au premier abord. C’est que Tosin joue des contrastes avec génie, et qui l’eût cru: ainsi emmitouflées dans des volutes électro évanescents et soutenues par une charpente mécanico-rythmique cyclopéenne, les effusions lead « guitar hero style » arrivent à développer des mélodies inédites – parfois vaporeuses, souvent majestueuses – malgré un décor d'apocalypse cybernétique où l’homme a été éradiqué de la surface de la petite baballe bleue. D’autant que si le terme le plus approprié pour qualifier la dynamique de cet album reste « hyperactivité », il nous est tout de même offert de fréquentes pauses intimistes (vers 2:45 sur « Earth Departure », sur « David »…), y compris un pur morceau de « blues djent » sur l’étonnamment mélancolique « New Eden ». On a par ailleurs également droit à une sorte d’impressionnisme musical délicat et léger sur un « Cylindrical Sea » hors du temps.

 

OK mais bon: est-ce que l’auditeur poilu et bièru se mange bien les gros coups de pied au derche qu'il était venu chercher ici, ou bien lui faudra-t-il contenter sa fringale avec les petits fours d’un vernissage d’expo avant-gardiste aussi chiante que coincée du fion?

 

Eh bien croyez-moi: vous avez intérêt à enfiler un slip en peau de gilet par balles avant de vous carrer Weightless entre les feuilles, parce que vous allez vous faire sévèrement latter le train arrière par la déflagration de bombes telles que « Somnarium » (et son enchaînement fatal, à 1:38, d'une fine pluie fraîchement mélodique et d'une déferlante scalpellisée rapidement pimentée de zigouigouis breakcore), « Do Not Go Gently » (et sa rythmique de tronçonneuse quantique) ou encore « To Lead You To An Overwhelming Question » (et son déhanché merveilleux). Que du missile de premier ordre, foi de cglaume!

 

Après Animals As Leaders, on avait toutes les raisons de craindre que le père Tosin peinerait à remettre du charbon dans la chaudière, l’exercice de l’instrumental restant hautement périlleux et nos tympans ayant eu le temps de s’accoutumer à ce metal initialement éblouissant, mais menaçant de s’essouffler – comme toute recette neuve à la personnalité bien trempée. Eh bien les persifleurs en seront pour leur frais: Weightless est monumental et égal – voire supérieur – au premier album du groupe. Un incontournable du genre vous dis-je (et par la même occasion d’un genre nouveau)!

 

 

 

 

 

La chronique, version courte:  du djent instrumental aussi futuriste et acéré que délicat et inspiré. Animals As Leaders renouvelle – voire surpasse – l’exploit du premier album.

photo de Cglaume
le 22/12/2011

2 COMMENTAIRES

Parav

Parav le 24/12/2011 à 10:22:46

J'avais adoré le premier mais personnellement, les deux morceaux de Weightless balancés comme teasers n'avaient pas renouvelé la magie du premier album. Bon apparemment il est possible que je m'aie trompé donc j'iras y refaire un tour.

cglaume

cglaume le 24/12/2011 à 11:51:56

Je te le conseille vivement, oui

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