Aeviterne - The Ailing Facade
Chronique CD album (50:55)

- Style
Death Metal expérimental - Label(s)
Profound Lore Records - Date de sortie
18 mars 2022 - Lieu d'enregistrement New-York
- écouter via bandcamp
Le Death Metal ‘ricain m’a dernièrement fait passer de bons, de très bons moments d’écoute même, et pas forcément d’ailleurs dans sa forme la plus grassouillette ou - à l'opposé - la plus mélo. Même si le dernier Immolation m’a bien désensablé les portugaises, c’est lorsque que le Death Metal s’est acoquiné avec le Black et/ou s’est engagé dans un chemin plus expérimental, presque avant-gardiste, que la scène états-unienne m’a le plus marqué. Et les têtes-de-gondole s'appellent Hath et Suffering Hour (je vous recommande leur tout dernier méfait, un split avec Malthusian).
Cette impression a été nourrie un peu plus davantage à l’approche – tout sauf facile, vous verrez – de la première plaque d’Aeviterne. Sans doute ne connaissez-vous pas (encore) ce quartet new-yorkais formé en 2015, mais peut-être avez-vous déjà entendu parler de Flourishing, groupe splitté en 2014 et dont deux musicos – le guitariste chanteur Garett Bussanick et le bassiste Eric Rizk – se sont retrouvés dans ce nouveau projet. Il est en fait très tentant de faire de The Ailing Facade sorti en mars dernier chez Profound Lore Records un successeur, mieux encore un prolongement de The Sum of All Fossils premier et seul album de Flourishing, de très bonne facture d'ailleurs ("In Vivid Monichrome"). L’EP 2 titres Sireless, sorti en 2018, pourrait faire office avec son excellent "Inborn" de marchepied entre ces deux long-formats…
En fait, The Ailing Facade est meilleur et mieux produit que The Sum of All Fossils, peut-être du fait des nombreux renforts dont il bénéficie. Dans le line-up, d’abord, avec l’apport de deux anciens de Gath Šmānê : Ian Jacyszyn (Miasmatic Necrosis) à la batterie (et au mixage également) et Samuel Smith (Luminous Vault) à la gratte. Dans l’encadrement technique et artistique, ensuite, avec Colin Marston, le gratteux de Krallice, dont le studio de mastering The Thousand Caves dans le Queens a vu défiler récemment quelques perles nationales (Imperial Triumphant, Artificial Brain, Suffering Hour justement), sans oublier quelques glorieuses et anciennes collaborations (Gorguts).
Soigneusement composé, puissamment exécuté, plus cérébral et avant-gardiste que le dernier Hath, le Death Metal d’Aeviterne esquisse un univers musical tout aussi inconfortable qu’hostile. Il s’avère multicouche, au point de ne s’effeuiller qu’après moult écoutes. À l’image de "The Reeking Suns" et de sa merveilleuse décélération à la toute fin de la 2e minute ou encore de l’impressionnant titre final, les chemins empruntés sont indéniablement nombreux et complexes et font se chevaucher de multiples facettes :
- technique à la Gorguts ou, plus récemment, à la Pyrrhon,
- expérimentale à l'Artificial Brain dont on attend très bientôt le nouvel opus éponyme (toujours chez Profound Lore),
- dissonante à l’Ulcerate (les adjectifs de « agresseurs et esthètes, brutasses et aèdes » que j’avais collés sur le râble des Néo-Z. vont aussi comme au gant à ces New-Yorkais),
- et même Post-Hardcore à la Castevet. La seconde moitié de "Stilled The Hollows' Sway" ou le début du morceau éponyme me font même penser aux Français de … Déluge !
Cette musique ne peut être associée qu’à un matériel conceptuel des plus réjouissants où « le malaise », « la peur » et « l’anxiété » sont à la fête. Scrutez donc l’artwork flippant de Mark McCoy (dont on retrouve le taf également chez Full of Hell ou Pig Destroyer). Ou lisez plutôt… « Avec The Ailing Facade, Aeviterne regarde par-delà la destruction de la chair ou la punition de l'esprit, pour se tourner davantage vers soi et se concentrer sur l'abîme de sa propre conscience : la malédiction de la sensibilité, la futilité de la productivité, l'effondrement de la réalité, la propension concomitante de l'humanité à se propager et à se détruire, enfermée dans une compétition perverse permanente. »
Ce maelstrom de textures, poutré durant 50 minutes par un drumming de fou et balisé par une voix caverneuse suintant son désespoir et éructant sa douleur, donne un résultat final plus qu’excellent…
… 2020 a eu son Ulcerate ;
… 2021 a eu son Epiphanic Truth ;
… 2022 a et aura son Aeviterne !
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