Algebra - Chiroptera

Chronique CD album (42:46)

chronique Algebra - Chiroptera

Tous les goûts sont dans la nature, dit-on. La pauvre ! Il faudrait peut-être songer à y faire le ménage un de ces jours… En tous cas, puisqu’a priori ma pomme est elle aussi dans ladite nature, je vais me permettre d'en exprimer un, de goût, via une question sarcastique : il a demandé combien pour réaliser cette pochette, Adam Burke ? Car autant, par le passé, celui-ci a réalisé des œuvres visuellement magnifiques, autant cette chauve-souris nous donne envie de prononcer son nom de famille en affichant une moue méchamment dubitative. Mais au moins la chose est-elle raccord avec les hobbies 2022 d’Algebra, la formation délaissant un peu son boulier et son compas pour l’étude du plus gros sac à virus volant connu de l’homme – la bestiole pouvant, si vous êtes du genre poissard, vous refiler Ebola, la rage ou un petit coronavirus des familles. Charmante bestiole... Heureusement, que cette nouvelle marotte soit liée à une réel intérêt pour la zoologie, pour la virologie ou pour Gotham City, cela n’affecte en rien la musique du quatuor suisse. Allez, on change de paragraphe histoire de laisser derrière nous les conneries de début de chronique, et on cause line-up, style pratiqué et tous ces sujets nettement plus factuels.

 

Trois ans après Pulse?, les Lausannois continuent donc de pratiquer un Thrash à la fois technique et rugueux, du genre qui trace ses fractales à la pointe d’un clou rouillé, ou si ça vous parle plus, qui enfile des gants de satin et de dentelles pour vous mettre bien méchamment sur la gueule. Là où les choses ont un peu changé, c’est du côté du casting, un nouveau dompteur de batterie, un nouveau guit’artiste et un mercenaire de la basse (Victor Brandt, qui a bu des bières avec les membres de Witchery, Dimmu Borgir, Entombed, Firespawn, The Haunted – la liste ne s'arrête pas là mais j’ai la flemme) ayant fait leur apparition autour de Ed Nicod – qui ne se fait plus appeler « Chaos Edy », fini les surnoms à la Gronibard ! Pas d'ambiguïté sur qui est le seul maître à bord en tous cas… Par contre, pour être honnête, on n’aurait pas été contre le fait que Dr Algebra délègue le chant à un nouveau venu. Car si le contraste finesse / âpreté fait certes partie intégrante de l’identité de la formation, on préfère quand son visage le moins délicat s’exprime via une mosh part ou un riff bovin plutôt qu’à travers ces cordes vocales coreuses assez monotones. Pour ceux qui auraient besoin d’un fait plus particulièrement marquant afin de réaliser à quel point ne traîne ici nul gagnant potentiel de The Voice, qu’ils fassent le test sur « Kleptomaniac ». Calez-vous à 0:27, et subissez un assaut slayerien basique mené par un boxeur-docker dont les grognements traduisent la haine éprouvée à l'encontre de la commode ayant violemment embouti un malheureux orteil. Maintenant glissez jusqu’à 0:55, et dégustez avec volupté un solo au fuselage aérodynamique dont les chromes brillent au soleil. Rien à voir ? Tu parles Charles : il s’agit exactement du même passage, le seul élément variable étant Eddie qui soit beugle, soit tricote. On se dit dès lors qu’il ferait mieux de se concentrer sur son instrument et de laisser un chanteur au registre moins aride mettre un peu d’huile sur le micro.

 

Mais on passe des lignes et des lignes à baver sur la pochette et les postillons alors qu’on devrait se concentrer sur l'essentiel : Chiroptera est un nouveau putain d’album en provenance des rives du Lac Léman. On y retrouve ces plans subtilement syncopés, complexes mais sans esbrouffe, plaçant l’efficacité avant la complexité – ce qui rappelle avec à propos que Coroner est issu des mêmes contrées. On y entend des riffs ambiants qui empruntent les chemins de traverse, et qui ce faisant allument le lampion Voivod au creux de notre oreille. Et l’on redécouvre combien ces passages exigeants peuvent être avantageusement mêlés à de l’agression nettement plus Hardcore. « Suspect » se prête parfaitement à cette prise de conscience, lui qui enchaîne pure intro slayerienne, tapping ascendant digne du meilleur Death, et mid-tempo pan-dans-le-lard faisant couler la sueur dans les yeux. Mais Algebra c’est aussi « Accomplice » et ses guitares Thrash/Death (ça meule sévère à partir de 0:37 !), tout plein de coquetteries croustillantes (comme le solo langoureux à 3:17 sur « Eternal Sleep » par exemple) et surtout quelques puissants frissons de plaisir (le riff méchamment inspiré faisant décoller « Eternal Sleep », la lead rassembleuse à 0:35 sur « Constricted », la progression grandiose et inexorable qui mène « Burn The Bridge » à sa conclusion...).

 

Alors devant tant de constance et d’excellence – et malgré la sécheresse de ce chant fortement typé Bagarre-core – on souhaite sincèrement que, telle la souris pendue la tête en bas dans la vitrine de Chiroptera, la chance et le succès finissent enfin par sourire à Algebra.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: quand certains se prétendent toujours debout, toujours vivant, Algebra, lui, le prouve. Toujours à la pointe du riff expert, mais également toujours sur la brèche, prêts à taper dans le gras, les Suisses nous livrent un 4e album fidèle à ce que proposait déjà Pulse? en entreprenant à nouveau un grand écart hyper maîtrisé entre les registres de Coroner et Overdose (… dira-t-on, pour simplifier).

 

 

 

photo de Cglaume
le 17/10/2022

1 COMMENTAIRE

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 17/10/2022 à 10:13:24

Heureusement que les Suisses jouent mieux qu'ils ne conduisent.

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