A.m.e.n. - The Book of Lies - Liber I
Chronique CD album (37:50)

- Style
Occult Avant-Garde [Jazz] Metal - Label(s)
I, Voidhanger Records - Date de sortie
16 juin 2023 - écouter via bandcamp
C’est habillé d’une cape, d’une canne à pommeau, d’un monocle, mais également coiffé d’une capuche et affublé d’un lourd pendentif cabalistique que je me présente à vous aujourd’hui. Un peu comme le Xuatercus Vangardus Vulgum que vous croisez régulièrement en ces CoreAndCryptes… Sauf que la touche dandy décadent est ici agrémentée d’une lueur de folie beetlejuicienne au fond des yeux, et de restes de maquillage de clown triste…
Diantre, il faudrait que je demande à une IA de me générer l’image résultante : ça doit avoir un petit côté Tim Burton Steampunk lewiscarrollien pas dégueu…
Pourquoi un tel accoutrement ? Eh bien parce que le A.M.E.N. dont on va causer aujourd’hui n’a pas grand-chose à voir avec le groupe de Casey Chaos. Il s’agit plutôt de ce genre de projet expérimental one-man-bandesque dont raffole mon collègue, plein de références ésotériques, de gémissements flippants et de billets d’entrée au Tate Modern. Cherry sur le cake au brandy : le premier album dont il est ici question est sorti chez I, Voidhanger Records, label dont ledit collègue est très certainement actionnaire, si si, je mènerai mon enquête. Sauf que, quand ce cher Xuxu s’y est frotté l’oreille, il est revenu avec une méchante ecchymose et cette remarque, lapidaire : « C’est trop Zorn pour moi ». Or John Zorn comme Franck Zappa – dont je maîtrise assez mal les discographies, soyons franc – sont un peu les grands-pères spirituels du Nawak Metal. Et puis ce titre, « The Book of Lies »… Je me suis fait avoir à un niveau subconscient. Mon cerveau reptilien a superposé celui-ci avec Book of Horizons, Book of Souls, Book Ledoretlestroisours, bref, toute la galaxie Secret Chiefs 3, ce qui m'a fatalement fait se toucher les fils. D’où agitation des noreilles, frétillements de l’appendice caudale, et un « Je m’en occupe, Chef » inévitable…
A.M.E.N., donc, c’est avant tout Vittorio Sabelli, ermite italien vivant dans une grotte au sein de laquelle il ne fait qu’écouter du Metal extrême, du Jazz, les cris des chatons qu’il mange tout crus, ainsi que les propos d’Aleister Cromwey dont il lit les livres à voix haute, afin d’éloigner de son lieu de méditation esprits bienveillants et pensées trop chastes. Bon, j’enjolive un peu le tableau, mais c’est pour la bonne cause. En véritable fan du pape anglais de l’Ordo Templi Orientis, notre Vittorio a fini par se dire que ce serait sans doute une bonne idée, en parallèle de ses activités au sein du groupe d’Avant-garde Black Metal Dawn of a Dark Age, de dédier une projet tout entier à son maître à penser. D’où la création d’A.M.E.N., et l’écriture de The Book of Lies - Liber I, premier d’une série d’albums voués à mettre en musique les textes du livre du même nom, écrit par qui-vous-savez. Vittorio étant multi-instrumentiste mais pas chanteur de charme, il a fait appel à Matteo Vitelli pour assurer growls et shrieks, ainsi qu’à Erba del Diavolo pour jouer les sirènes hallucinées déclamant des insanités. La Communauté de l’Anneau ainsi formée n'avait alors plus qu’à pousser jusqu’au Mordor afin de livrer ce premier album aussi facile à digérer qu’un étron de balrog.
La toute fin du paragraphe précédent – ainsi que la note là-haut, forcément – disent avec évidence combien l’entreprise n’est pas de celles qui font aisément consensus. Aleister est malsain, vicieux, clivant… Ainsi donc devait être cet album. Pas étonnant, donc, que certaines pistes ne soient rien d’autre que des « performances d’artistes » tout aussi peu séduisantes que ces pissotières posées dans des salles d’expos et bombardées œuvres d’art par des experts devant tremper leurs boudoirs dans de l’absinthe plutôt que dans de la verveine. Ainsi « Baphomet » semble-t-il être la bande-son d’un thriller expressionniste kosovar… Et « Waratah-Blossoms » ? Le slam abscons d’une Regan MacNeil à deux doigts de vomir sur un prêtre. « A.M.E.N. » ? De la musique concrète conçue pour faire plier les récalcitrants à Guantánamo. Faut-il vous dire explicitement si j’ai apprécié l’exercice, moi qui n'aime rien tant que les refrains bien troussés et la chaleur de la boule à facettes… ?
Heureusement, The Book of Lies - Liber I a quand même plus à offrir. Et la plupart du temps, ce « plus » prend la forme d’un mélange Death [ou Black] / Élucubrations à la clarinette – cette dernière pouvant également être accompagnée d’un piano. Faut-il parler de Jazz Metal ? Pas vraiment à mon sens, ou alors il s’agit d’un Jazz particulièrement « free », pour ne pas dire complètement secoué. On est plutôt ici à la confluence de – arf, qui va-t-on diantre pouvoir citer ? – Ebony Lake, Zorn (donc), Ved Buens Ende, Kekal, et disons Ephel Duath… Si certains morceaux font un peu trop exercices de style (« Samson » et ses alternances blastances / grincements cuivrés, « The Blind Webster » & « DewDrops » qui ont la cohérence et la douceur d’une zouaverie à la Clow Core…), d’autres réussissent à proposer des mariages pas si déconnants que cela au final (cf. « Dragons », « Windlestraws »…). Mais le top, c’est encore quand A.M.E.N. fricote avec le Nawak Metal, le pompon étant atteint sur la deuxième moitié de « Dinosaur », quand Vittorio finit par se décontracter complètement le sphincter et s’autorise une approche plus « cabaret », ainsi que des passages de konnakol limite burlesques, qui m’ont donné envie de réécouter un morceau pas si éloigné dans l’esprit : « Bububu Bad Beuys », tube hallucinant de Solefald. Et les accès de folie grimaçante ne se limitent pas à ce titre : vous pourrez également en trouver de grosses traces de pneu sur « The Smoking Dog », ou encore sur un « Pilgrim-Talk » pétulant, qui s’offre une large tranche de valse à 2 temps.
Alors, The Book of Lies - Liber I est-il de ces albums vers lesquels on revient de temps à autres, quand un paysage automnale ou un horizon maritime invite à la rêverie ? Mouais… Peut-être si l’on mate ledit paysage à travers la fenêtre condamnée d’un centre de repos pour pauvres hères souffrant de sérieux pets à la couscoussière… Pour ma part il y a peu de chance que j’y revienne, ou que je tente sérieusement d’écouter la suite. Quoique, allez savoir : si d’aventure A.M.E.N. ouvrait plus grand les vannes de la Nawak attitude, on pourrait sans doute se retrouver à fourrer à nouveau notre museau dans cet inconfortable cabinet des curiosités…
La chronique, version courte: un grinçant exercice de style Avant-Garde [Jazz] Metal extrême, tout dédié à la gloire d’Aleister Cromwey : voilà ce qu’est The Book of Lies - Liber I. Une clarinette excitée y lance ses stridences par-dessus des excès Grind / Death / Black. Une narratrice hallucinée nous y maudit sur des patterns rythmiques décalés. Des nawakeries improbables y provoquent des sourires gênés pour mieux préparer les chairs aux excès suivants. C’est irritant au toucher, intriguant, retors et jamais vraiment accueillant. Nul doute que, ce faisant, A.M.E.N. atteigne le but qu’il s’était fixé… Mais alors celui-ci n’était clairement pas de faire de nous des fans hardcore !
2 COMMENTAIRES
Xuaterc le 05/07/2023 à 16:37:35
Le « C’est trop Zorn pour moi » n'était pas une insulte, au contraire. Mais ce premier album est trop jazzy-grind pour moi et trop scolaire à mon goût
cglaume le 05/07/2023 à 16:56:09
Comme tu le vois, j’ai pas vraiment adoré moi non plus 😅
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