Arch Enemy - Deceivers

Chronique CD album (45:14)

chronique Arch Enemy - Deceivers

Si vous traînez en ces pages pour voir ce qu'il y a de neuf aujourd'hui sur le webzine plutôt que spécifiquement pour le groupe qui nous concerne, je serais presque prêt à prendre le pari qu'Arch Enemy, ça fait un bon bout de temps que vous avez lâché l'affaire et n'en avez plus spécialement entendu parler et que là, l'apparition de cette chronique a suscité un petit « ah tiens ! Ils existent encore ? Allez, voyons vite fait de quoi ça parle, on pourra les oublier dix ans de plus ensuite ».

Cet énoncé correspond tout à fait à mon cas (excepté le fait que la chronique, c'est moi qui l'écris) : comme Wages of Sin et surtout Anthems of Rebellion (et dans une moindre mesure Doomsday Machine) ont beaucoup tourné dans mon adolescence, je me suis surpris à donner un coup d'essai à leurs récents singles en les voyant apparaître, avec un peu de nostalgie peut-être. Avec toujours la période Gossow en tête, quoi.

Et comme ce nouvel album, finalement repoussé de deux semaines, sortait peu après, c'était l'occase.

 

Autant y aller tout de go sur les résultats : c'est pas foufou.

A l'écoute de Deceivers, et malgré toute ma bonne volonté et aussi peu de mauvaise foi que possible, on peine un peu à croire que ce groupe a pas loin de 30 ans de carrière (malgré les divers remaniements de line-up). Ou alors au contraire, on surprend Arch Enemy à se complaire et à se rouler dans sa recette un peu éculée, laissant son histoire et sa notoriété faire le boulot. Un peu comme la tarte aux pommes « maison » de mamie que gamin on adorait, mais qui une fois arrivés à l'âge adulte se révèle n'avoir été que la tarte précuite achetée chez Carrouf' et passée deux minutes au four pour se donner une contenance : c'est un peu décevant. Ou a minima totalement dépourvu d'originalité.

Et en cela, le nom de cet album est plutôt fidèle à son contenu.

 

D'ailleurs, pour ce qui est du contenu, et bien j'aurais envie de qualifier l'ensemble de « death mollo ». C'est-à-dire une contraction du plus ou moins death mélodique dans lequel évoluaient Arch Enemy, mais en se prenant les napperons en dentelle dans le tapis (poussiéreux, le tapis).

Globalement, Deceivers est ultra-majoritairement organisé autour des refrains, plutôt catchy dans l'ensemble, et parfois même assez bons (« One Last Time » par exemple). Mais ça ne suffit pas pour faire un album (sauf dans la pop, peut-être), notamment quand il y en a vraiment une surabondance et un étalage disproportionné, du genre à en tartiner la table en plus de la tranche de pain. Et même si la confiture est pas mal, on conviendra que c'est un peu excessif comme attitude. On a bien compris que c'est ce qui fait encore tenir le groupe, mais ça devient pénible dès le troisième morceau.

Pour le reste, on est généralement dans la classique intro mélodique suivie de la structure couplet-refrain-couplet-refrain-solo-refrain-refrain. J'exagère à peine.

 

Annoncé comme « violent » par les membres du groupe lors de leurs interview promo, Arch Enemy font effectivement le pari du rentre-dedans dans le premier morceau pour annoncer la couleur qu'ils voudraient dépeindre sur ce Deceivers. Et de fait, les premiers riffs ne sont pas mal, de même que quelques petites choses ici et là qui sont à piocher sur cet album : le morceau « Sunset Over the Empire » (le meilleur de l'album à mon sens), le riff d'entrée de « In the eye of the storm », le son de guitare en pré-break de « House of Mirrors », tout le morceau « Mourning Star » (mais pas de chance, c'est un interlude) qui ouvre sur « One Last Time », assez groovy pour être agréable à l'écoute. Et pourquoi pas le petit côté folk de « The Watcher ».

 

Mais d'énormes bémols viennent entacher (voire oindre) ce onzième album. On a déjà parlé de l'excès de refrains. Mais ce qui me frappe vraiment, c'est la batterie, que je trouve régulièrement absolument sans intérêt et assez pauvre dans le jeu (« Deceiver, deceiver » excepté une partie tendant au d-beat, « In the eye of the storm », « Poisoned Arrow », « Spreading black wings », …..), ne servant qu'a faire beat de fond pour poser la voix, de même que des solos assez convenus. On passera sur les divers « hey, hey » artificiels au possible et sur les rires 'diaboliques' ridicules à la fin de « Deceiver, Deceiver ».

 

Et en ce qui concerne le chant, Alissa White-Gluz fait le boulot, c'est très propre, suffisamment puissant pour fonctionner, mais sans plus, malgré les qualités vocales qu'on peut lui connaître depuis son passé chez The Agonist (depuis remplacée par Vicky Psarakis). Et surtout, il lui manque le venin et le fiel qui coulait des lèvres de Gossow. Le groupe joue autour de son image, jusque dans ses fringues, elle fait le taf, est très centrale, et voilà. A noter cependant, et il me semble que c'est une première dans l'histoire d'Arch Enemy, l'usage de voix claires (« Handshake with hell », début de « House of Mirrors »). C'est « osé » pour AE, mais cela les renvoie de fait un peu plus dans les cordes d'un peu tout ce qui se fait en ce moment par de multiples formations, et sans vraiment venir se placer au-dessus de la mêlée. Car la concurrence est rude dans le domaine, notamment depuis l'avènement de groupes tels que Jinjer, bien plus inventifs et créatifs tant du point de vue vocal que musical.

 

Pour le dire en gros et de façon imagée : on voit bien toutes les ficelles, au point de pouvoir s'en faire des hamacs.

 

Bref, Arch Enemy est aujourd'hui plus une machine de com' qu'une machine de guerre. Pour se donner une idée, une bonne moitié de l'album avait déjà été utilisée en tant que clip promo. A peu de choses près, il ne restait que la triplette de morceaux de fin d'album à découvrir (et pour le coup ils sont à mon sens plus consistants que la plupart des autres).

Oui, j'ai tout écouté plusieurs fois. Et oui, plus j'ai écouté, plus j'ai trouvé ça ennuyant, exceptés quelques passages que je n'ai pas manqué de signaler plus haut.

 

Au final, du fait de leur surexposition médiatique (toutes proportions gardées dans notre niche musicale), Arch Enemy continueront probablement de pouvoir servir de porte d'entrée à de nouvelles générations en quête de choses un poil plus tournées vers l'extrême.

Et ça, ce n'est pas forcément une mauvaise chose, même si celles et ceux qui traînent leurs guêtres depuis un certain temps à présent dans le petit monde des musiques énervées risquent de se contenter d'un « mouais bof » avant de continuer leur journée en n'y pensant plus.

 

Bref. Arch Enemy ont eu une place importante dans l'histoire du metal : Angela Gossow a ouvert des portes, des imaginaires et des possibilités à de nombreuses femmes (dont Alissa White-Gluz et Tatiana Shmaylyuk, entre autres). Et si la découverte d'Alissa White-Gluz peut elle aussi déclencher des vocations chez des gamines (ou des adultes, d'ailleurs), comme l'ont fait Angela Gossow ou Otep Shamaya auparavant, alors je pense aussi que c'est une très bonne chose.

Ce n'est pas la même chose si cette image n'a pour résultat que la satisfaction de vieux mâles. Et j'ai peur que la réalité soit un peu entre les deux.

Cet héritage est aujourd'hui un peu perdu, et AE est devenu un groupe parmi d'autres, qui roule sur sa com' car jouissant de plus de visibilité, sans faire plus d'efforts que ça, tentant de moderniser leur recette de death mélo à l'ancienne, sans vraiment être convaincants dans l'exercice, ne finissant au bout du compte que par s'enfermer un peu dans leur formule.

Jusqu'au prochain album.

Faut bien gagner sa croûte.

 

A écouter comme pour prendre des nouvelles d'un vieux pote qu'on ne voit plus depuis des années, mais sans savoir trop quoi se dire. Et ouais, « la vie nous éparpille », comme dirait La Canaille.

photo de Pingouins
le 05/09/2022

15 COMMENTAIRES

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 05/09/2022 à 07:12:46

Il y des braves dans notre rédaction. Ou des masochistes !

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 05/09/2022 à 07:28:25

OTEP : purée la référence oldschool !!

cglaume

cglaume le 05/09/2022 à 07:58:25

« Death mollo » haha. Rien que pour le jeu de mot ça valait le coup de faire la chronique haha

Seisachtheion

Seisachtheion le 05/09/2022 à 08:09:53

Une purge

Xuaterc

Xuaterc le 05/09/2022 à 08:36:35

"Death Mollo" ça va me faire la journée!

Moland

Moland le 05/09/2022 à 09:48:18

J'aime quand il y a des arguments et du développement dans la démonstration de son propos. Et je rejoins le Club des fans du jeu de mots. Bien ouej. En revanche, je vais aller les voir en concert. Mon frère est fan et m'y emmène. Pas taper ! 

Vincent Bouvier

Vincent Bouvier le 05/09/2022 à 11:58:50

Aaah! Très heureux de voir La Canaille dans ces pages!☺️

8oris

8oris le 05/09/2022 à 14:16:19

Pas surprenant, j'ai toujours trouvé qu'AE tournait en rond depuis pas mal de temps. C'est à mon avis plus une entreprise qu'un véritable groupe (à la Slayer, Slipknot et consort).
Le seul intérêt de cet album, c'est cette chronique car comme souvent les ratés musicaux sont plus qu'inspirant! ;)

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 05/09/2022 à 15:52:46

Slipknot est un vrai groupe ? Ah ben crotte alors !!! 8oris : matte le Live au Japon avec la Gossow...

8oris

8oris le 05/09/2022 à 19:07:49

Cromy, je me suis mal fait comprendre, je disais justement que les groupes comme Slipknot, Slayer sont de véritables petites entreprises où les mecs ont des contrats lourds d'engagement et une feuille de salaire. Il n'était pas question de qualité musicale, c'est juste que cette réalité a tendance à leur faire perdre un peu de fraîcheur

Gojiiira

Gojiiira le 06/09/2022 à 17:33:23

Chro un peu sévère, les chiens ne faisant pas des chats on ne pas exiger d'un groupe qu'il soit novateur à chaque album

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 06/09/2022 à 18:36:22

On ne parle pas d'être novateur mais ne pas faire juste de la soupe qui remue son boule. Tu réécoutes le live de Tokyo de 2008 ou juste  l'intro du Live Apocalypse de 2006 avec l'entrée surpuissante de la Gorgone sur scène..; Y'a pas photo. 

Pingouins

Pingouins le 07/09/2022 à 09:38:01

Content que le comité de rédaction valide le jeu de mots :D. Et merci pour les petits mots.
@ Crom : ben ouais, à un moment faut rendre à Otep ce qui lui appartient. C'est quand même important historiquement. On aurait pu citer Cadaveria d'Opera IX aussi mais bon.
@ Vincent : et oui, c'est La Canaille, et bien j'en suis ;)
@ Gojiiira : j'admets volontiers ne pas avoir brossé dans le sens du poil, mais en relisant la chronique je suis encore d'accord avec tput ce que j'y ai écrit. Et je crois avoir tout de même relevé certains points d'intérêt. Ensuite sur l'originalité, c'est sûr qu'on ne peut pas toujourd innover, je suis bien d'accord. Mais là je trouve qu'AE se complaisent un peu dans leur routine de "groupe à tubes" metal : une approche pop des musiques extrêmes, en fait. Mais merci pour ton retour :)

Tookie

Tookie le 01/11/2022 à 14:25:19

Bon, j'ai laissé passer quelques mois, mais j'vais donner mon sentiment : je l'aime bien.
Alors ouais, on est d'accord, jamais AE ne réatteindra le niveau qu'il a eu avec Angela, mais ça ne m'emmerde pas cette approche pop, leurs facilités d’écriture. Là où ils en sont, il n'y a plus aucun effort si ce n'est faire de l'efficace pour fan de metal mononeuroné (et non ce n'est pas nécessairement un pléonasme), J'aime bien cet album parce que c'est vraiment du repos pour le cerveau : on peut prendre ça comme une insulte mais, occasionnellement, ça ne (me) fait pas de mal de ne pas avoir un album marquant pour son intensité. Parfois ça fait du bien de ne pas se sentir déprimé ou vénère, après un disque. Là, j'suis content sur le coup de l'écoute, je suis bien conscient que ça ne vole pas haut, que c'est une version simplette de ce qu'ils ont déjà fait mais on ne passe ni un excellent ni un mauvais moment. Juste un bon, sympathique moment. Rien de mémorable ça c'est certain.
Arch enemy est en fait devenu un groupe de loisir (mais j'le répète, j'aime bien quand même).

Et 8oris:  si ce n'est pas déjà fait, mate le live à Tokyo.

cglaume

cglaume le 01/11/2022 à 16:32:28

On sent que ça te démange : reprends la plume Tookie !

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