Barishi - Old Smoke

Chronique CD album (49:39)

chronique Barishi - Old Smoke

Attention, joyau finement ciselé appelé à faire de l’année 2020, sur le plan musical, tout du moins, un mémorable millésime. Barishi n’en est pas à son 1e coup d’essai, puisque le trio du Vermont existe depuis plus de 10 ans. Old smoke signe son grand retour dans le vaste monde du metal inclassable. On me glisse dans l’oreillette que sa musique fait penser à des groupes comme Gorguts ou Death by the Sun, voire Mastodon. Peut-être. Personnellement, je ne connais pas les 2 premiers groupes cités, j’entends davantage du Yakuza sur certains passages, et les influences mastodoniennes, on en entend sur un titre en particulier : « Entombed in gold forever », l’un des plus courts de l’album, soit 6 minutes. Car oui, « Old smoke » prend son temps. Avec 2 chansons de 10 minutes et une de 13, notamment, c’est peu d’affirmer que Barishi épuise le riff, le fait tourner à l’envi, le rend hypnotique, jusqu’à l’étouffement.


D’ailleurs, le début de l’album se compose de 2 plages de 10 minutes chacune qui s’écoutent d’une traite, sans transition, soit, 20 minutes de jouissance cauchemardesque, histoire de plonger sans avoir retenu son souffle au préalable, dans l’univers de l’opus. Adonc, ces 2 titres d’une durée totale de 20 minutes, qu’on pourrait presque considérer comme un seul morceau monolithique, obéissent à la sainte règle des 3 L du sludge : lourd, long, lent. Mais il serait réducteur d’en rester à cette étiquette. Si la lourdeur se montre bel et bien au rendez-vous de « The silent circle » suivi de « Blood aurora », la voix chasse davantage sur les terres du death metal que celles du sludge. On remarquera d’ailleurs un travail à la batterie des plus complexes, usant des contretemps avec bonheur. Si l’ensemble se montre hypnotique à souhait, avec ce groove insensé qui habite les 2 titres, voire tout l’album, lui insufflant une sensualité folle, en prêtant l’oreille, on décèle les infimes variations et arrangements, l’introduction de mélodies qui viennent enrichir et égayer la transe dans laquelle on se laisse entraîner. D’ailleurs, lorsqu’on passe du 1e au second titre, sans s’en rendre compte, la voix se nuance, naviguant entre le death metal et le black metal sans jamais choisir son camp. La batterie s’autorise des blasts discrets alors que le riff principal, diablement entêtant, confère à l’ensemble une progression chaloupée des plus sexy.


Les 6 minutes de « The Longhunter » passent alors comme la continuité logique des 2 premiers titres. Car  Old smoke affiche une fluidité redoutable d’un morceau à l’autre. Il faut bien attendre pas loin de 30 minutes sans pause pour enfin bénéficier d’une respiration salutaire et providentielle, avec « Cursus ablaze » et ses 2 courtes minutes acoustiques, calmes mais inquiétantes. Cet interlude sert de rampe de lancement au titre mastodonien, « Entombed in gold forever ». Mais là encore, ce serait faire preuve de raccourci que de limiter ce titre à ses influences. Sa rage rentrée, sa violence confinée dans ces boucles de riffs aguicheurs en font un vortex dans lequel il est de bon ton de se laisser happer. Lorsque la batterie s’emballe un tantinet, notamment  après le solo dément, l’ensemble du titre garde néanmoins sa chaude vitesse de croisière pleine de rotondités.


Il y a quelque chose de sale et à la fois classieux dans la musique de Barishi qui fait de Old smoke un objet de désir. En cela, les 13 minutes du magnifique final qui donne son nom à l’album, plus apaisé, avec intervention de chant clair et nonchalant, mais tout aussi sensuel que le reste de l’album, sonne comme une invitation aux ébats moites dans un lieu interlope. Même le chant, lorsqu’il redevient guttural, reste un tantinet mélodique, tandis que derrière, la guitare fait tourner une ritournelle à en faire perdre la tête et à en exacerber les sens. 13 minutes : la durée moyenne d’un coït réussi. Coïncidence ? Je n’crois pas ! Car si on devait résumer la musique de Barishi en 2 mots, ce serait beau et sauvage, comme une éprouvante mais inoubliable partie de jambes en l’air.

 

photo de Moland Fengkov
le 16/12/2020

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