Bestial Invasion - Divine Comedy: Inferno
Chronique CD album (46:32)

- Style
Tech-Heavy/Thrash progressif - Label(s)
Autoproduction - Date de sortie
14 novembre 2021 - Lieu d'enregistrement Navaho Studio Records
- écouter via bandcamp
Oui, je sais, pas besoin d’en arriver là pour manifester un soutien qui, a priori, va de soi. N’empêche : j’avais envie de chroniquer en ces pages un groupe ukrainien, histoire de. Et pas Jinjer, parce que ça aurait été ballot de transformer l’exercice en 50 nuances de « Mouais boâârf… ». Non, il fallait un groupe qui me chatouille au creux de l’estomac, un groupe qui aurait passionné les foules pour peu qu’il ait émergé à Chicago ou Malmö plutôt qu’en ses contrées lointaines. Et nom d’un p’tit drone de combat : il ne pouvait y avoir meilleur candidat que Bestial Invasion ! Parce que non seulement les gugusses viennent de Jytomyr (à 140 bornes à l’ouest de Kiev), non seulement (bis) Divine Comedy: Inferno est un album foutrement impressionnant… Mais putain, ce nom : impossible de faire plus approprié au vu de la situation actuelle, à moins d’avoir carrément opté pour un patronyme du genre Poutine, tu vas t’la prendre sans margarine ! Bon, dans les faits l’origine de ce nom est moins à chercher dans les gros titres des JT que du côté de Destruction (cf. Infernal Overkill), puisqu’à l’origine – en 2014 – nos amis s’étaient mis en tête de pratiquer un bon vieux Thrash old school... Comme quoi les choses peuvent évoluer avec le temps !
Vous aurez compris en découvrant l’étiquette accolée à l'album que dorénavant le groupe n’a plus grand-chose à voir avec les débuts mugissants de la bande à Schmier. À la limite on pourrait faire un parallèle avec la période Release From Agony / Crack Brain des tontons teutons – d’ailleurs, qui retrouve-t-on en guest sur « Treachery », je vous le donne Emile ? André Grieder, chanteur de Poltergeist, mais surtout de Destruction sur le fameux Crack Brain ! Mais arrêtons de mettre le char russe avant les bœufs, et revenons-en au style de nos Ukrainiens. Ceux-ci, donc, pratiquent désormais un mélange de Thrash technique et de Heavy progressif (… allez : progressivo-symphonique même) qui risque de parler autant aux fans de Nevermore et Mekong Delta qu’à ceux de Blind Guardian et Queensrÿche. Et l'on ajoutera également Into Eternity et Biomechanical dans l'équation afin de mettre en évidence le pont que le groupe a jeté vers des registres plus « extrêmes », Denys Fursov réussissant à placer des blast beats sur pas moins de trois morceaux.
C’est donc à un classique de chez classique – L’Enfer, première partie de la Divine Comédie de Dante Alighieri – que Bestial Invasion s’attaque sur son quatrième album. Et si le sujet ne mérite pas un 10/10 en matière d’originalité (il a été abordé par presque autant de groupes de Metal que les œuvres complètes de Tolkien, Lovecraft et José de Nazareth réunis), il faut reconnaître que, musicalement, nos amis ont mis le paquet pour être à la hauteur de l’œuvre. Compos tout en arabesques marbre et or, chœurs à l’anis mentholé, leads néoclassiques, basse à l’allure de pur-sang (mmmh, le début de « Fraud »), production finie à la peau de chamois, plus quelques orchestrations pour mieux éclairer la voûte de l’édifice : on se croirait parfois dans les improbables palais de Messire Hansi Kürsch. Mais rengainez cette esquisse de moue, elle n’est pas nécessaire : le groupe évite à peu près tous les travers classiques de ce genre d’albums. Ni trop prétentieuse, ni trop violemment proche de ses influences, ni trop indigeste (malgré une tendance au Over the Top parfois proche de Devin Townsend), la formation réussit à laisser couler la narration de manière parfaitement fluide le long de ses neuf titres, ceci en distribuant généreusement les mélodies enjôleuses et les écarts croustillants (un peu de pédale wha wha sur « Lust » – il faut bien tendre l’oreille –, un peu de sable blanc sur « Anger » – vers 3:06 –, un pur break Jazz au bout de 2 minutes sur « Fraud »…).
Pour se confronter aux preuves les plus flagrantes de l’excellence de ces infortunés voisins européens, laissez-vous tenter par la superbe ouverture « Limbo », par l’aussi grandiose qu’alambiqué « Violence » dont les recoins fourmillants pourraient presque rappeler Unexpect parfois (enfin, quand les cavalcades Power héroïques ne sont pas de la partie), ou par la fresque grandiose « Anger ». Ces arguments de poids devraient faire tomber les dernières réticences. Et pour le coup, à l'aune de ces échantillons, on n'est pas étonné que Josh Christian (Toxik), John Gallagher (Raven) et Jason Gobel (Cynic) aient adoubé le groupe en participant tous au titre « Gluttony ».
Alors il pourrait sembler que la note attribuée à l’album n’est pas 100% raccord avec les éloges dégoulinant en abondance des lignes de cette chronique. La raison en est simple : sans y être hermétique, je ne suis pas un fan absolu des chevrotements heavy théatralico-emphatiques qui caractérisent le chant des Brice Dickinson et autres V. Zadiev – puisque c’est de ce dernier dont il s’agit ici. C’est d’ailleurs en partie pour cette même raison que j’accroche moins à Mekong Delta depuis que Matin LeMar lui a prêté ses cordes vocales (et pourtant le bougre n’en fait pas des caisses). Et vu que la note doit refléter le ressenti du chroniqueur, crac, je rabote. Mais si vous n’êtes pas gênés par les frontmen qui, rien qu’à l’oreille, donnent l’impression de porter une chemise à jabot, foncez : ce Divine Comedy: Inferno est à ce point époustouflant que, quand celui-ci nous passe entre les feuilles, on a tout simplement l’impression d’écouter un classique – et ce n’est pas qu’une image, vous verrez.
PS : non, la nationalité du groupe n’a pas contribué à ajouter le moindre demi-point à la note attribuée à cet album, qui mérite amplement tous vos « Whouaowh ! » et autres « Ouh pitain ! ». Eh, oh : ‘y a pas marqué "Eurovision" ici !
La chronique, version courte: si Nevermore, Bruce Dickinson, Mekong Delta et Biomechanical décidaient de se sacrifier en sautant la tête la première dans un blender ukrainien afin de produire un concentré d’intelligence et de justesse Tech-Heavy/Thrash progressif, c’est la bouille de Bestial Invasion qu’on verrait sortir du shaker. Alors si vos oreilles palpitent à la simple évocation d’un tel mélange, Divine Comedy: Inferno risque de leur faire ce que Jack le Lapin fait à votre [grande-sœur / compagne esseulée / soirée Adopte Un Mec avortée] (rayez les mentions inutiles)…
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