Black Royal - Earthbound

Black Royal, « masters du Death-Blues » !?! Lorsqu’une plateforme musicale du groupe contient une telle (auto-)proclamation, il y a de quoi rester coi. Mais d’ailleurs, c’est quoi au juste le « Death Blues » ? À l’issue de la chronique de leur précédent long-format, Firebride, j’en étais resté à un… Death’n’Sludge de bon aloi, à savoir un mix poilu, plutôt intéressant, entre Death Metal et Sludge, le tout contenant la facilité d’écoute du Heavy Metal, la « sensibilité » du Stoner et la lancinance du Doom. Compliqué n’est-ce pas de digérer, brasser et restituer un tel crossover ?

Le quartet finlandais, originaire de Tampere et actif depuis 2013, semble d’ailleurs creuser le même sillon, avec leur 3^e album Earthbound sorti en octobre dernier chez M-Theory Audio. Avec des références telles qu’Orange Goblin, Crowbar et Motörhead dans le viseur, on remarque la même teinte rétro, on entend les même riffs sudistes et marécageux, le même son robuste, à défaut d’être véritablement marquant. De ce point de vue, l’entame, avec le morceau éponyme, est plutôt rassurante. La section rythmique est passée au marteau-pilon, tellement les musicos n’oublient pas leur groove lourd et boueux ("Queen of the Underworld", "Barren Land").

Mais rapidement, quelque chose dénote, lorsqu’un refrain bien mélodique portée par un … clavier transperce le titre "Ghosts of the Dead" à sa 3^e minute. Et puis cela recommence, avec une touche légère et subtile – oui oui plus légère et subtile… – sur "Phoenix Ascending" ou l’outro "Rite Of Passage". Voilà donc une orientation assez franche complètement assumée ; d’ailleurs Toni, l’un des gratteux de Black Royal, reconnaissait dans une interview vouloir « mélanger Motörhead avec Mastodon ». D’où également les solos Heavy Rock, presque sucrés sur "Law of Nature", que l’on peut entendre ici et là ("13th Moon", "Bear Cult"). Il faut y voir la patte donnée par le producteur/mixeur Jussi Kulomaa, ce « gourou du clavier » déjà à l’œuvre sur les deux premiers albums. Ce choix est … étrange et à dire vrai un peu dérangeant. Comme si Lemmy et Kirk Windstein, le grogneur de Crowbar, bras d’ssus bras d’ssous s’étaient fait lisser et raser la face par un putain de filtre Insta. La place du Death Metal, qui ne faisait pas débat dans le précédent opus Firebride (réécoutez ou écoutez "The Reverend" ou le titre éponyme par exemple), est bien plus ténue ici. Le Death’n’Sludge ou le Death’n’Roll (au choix) laisse donc la place à un Sludge’n’Roll stonerisé qui a perdu une partie de son dispositif pileux.

Je serais malhonnête si je confisquais à cette plaque le talent vocal de son frontman Riku, aux rugissements maitrisés, de même que ses moments fort sympathiques, ses passages accrocheurs, certains poutrés par la basse ("Conjuration"). Mais, malheureusement, à vouloir bâtir des compositions plus variées et complexes, on obtient une construction alambiquée où une telle combinaison de styles et sous-genres devient un choix artistique risqué.  

Le mieux serait sans doute que je reprenne mot pour mot les réserves affichées par notre Crom-Cruach à l’écoute de Firebride, que je partage certes, mais cette fois-ci pour ce Earthbound : « Bon j’aime pas trop les combos le cul entre trois chaises perso. » Ben voilà … c’est dit, ma chro tient en ces quelques mots !

Seisachtheion

le 16/02/2023