Cross Bringer - Healismus Aeternus
Chronique CD album (27:27)

- Style
Black metal of Ra / Dark hardcore - Label(s)
Consouling Sounds (Europe), Silent Pendulum (US) - Date de sortie
21 February 2025 - écouter via bandcamp
Formé en 2019, Cross Bringer avaient fait une forte impression et une belle (presque) unanimité en nos pages avec leur précédent opus The Signs of Spiritual Delusion, back in 2020 quand Castex était encore premier sinistre, ce qui ne nous rajeunit pas.
Depuis, bien de l'eau contaminée a coulé sous les ponts, bien que sur Healismus Aeternus, c'est toujours la croix de la confusion de l'esprit et de ses méandres incertains qui est portée par le groupe, écartelé entre plusieurs pays (Belgique, US, Russie et Chypre).
Difficile donc de se retrouver pour pratiquer en concert, mais la plupart des membres du line-up peuvent se retrouver dans d'autres formations, dont les noms pourront faire lever un sourcil intéressé et déjà donner une bonne idée de ce qu'on trouvera dans l'album :
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Au mic, on retrouve une Lina R. (que l'on a pu voir chez Predatory Void notamment) toujours aussi venimeuse et tranchante
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Aux guitare et basse, Sanya de chez Hoari (chaotic hardcore) ou Reka (post-hxc), et Artemy de chez Ясность (lucidity) et Улыбайся Ветру (tout deux screamo/emoviolence chaudement recommandés)
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Le petit dernier derrière les fûts, avec Michael Kadnar de Downfall of Gaia qui a rejoint l'orchestre.
Premier constat matériel : là où The Signs of Spiritual Delusion frappait d'entrée dès sa pochette, je trouve celle-ci bien moins réussie et marquante.
Dans le vif du sujet cependant, à savoir ce que l'on prend sur le tarin en pressant le bouton play, Healismus Aeternus poursuit la voie de son prédécesseur en n'offrant que peu de prise à la rigolade dans sa formule de black metal teinté de dark hardcore.
Avec des compositions qui vont généralement chercher les six minutes (bien qu'on ait intro et outro plus ambiant aux extrémités de l'album, ainsi qu'à sa moitié), ce millésime 2025 de Cross Bringer donne la part belle à la densité et à l'intensité, souvent marqué par la performance endiablée de Kadnar à grands renforts de blasts et roulements déchaînés, y compris lorsque les cordes ralentissent, elles, parfois la cadence, et un riffing régulièrement attiré par la dissonance et un jeu grinçant (on notera par exemple « The Vessel », morceau le plus court et véritablement sans pitié).
A l'écoute, on pensera forcément à Oathbreaker, dans le chant de Lina notamment (qui d'ailleurs chante chez Predatory Void aux côtés de membres de Oathbreaker et Amenra), qui évoque immanquablement celui de Caro Tanghe (« Structural Imbalance » mais un peu partout en fait), tout en ayant sa propre patte vipérine, qui fonctionnait très bien chez Predatory Void et qui fait mouche encore une fois ici.
Et pourtant, le propos est ici bien plus virulent que celui de la bande de Tanghe, avec moins de place donnée aux respirations, les passages mid-tempos servant plus à alimenter la dynamique marche/arrêt (et peut-être à laisser souffler un peu le batteur) qu'à construire des ambiances pesantes, malgré une fin peut-être plus orientée BM atmo sur « Desolation Hypnosis » ou les quelques spoken word et rares occurrences de chant clair disséminés ici et là.
L'autre nom qui me vient en tête en écoutant Healismus Aeternus, du fait de l'orientation dark hardcore blackenisée qui imprègne aussi l'album, est celui des Danois de Telos (que ce soit sur « Metamorphosis » ou « Perpetual Servantship », entre autres) et de leur très bon Delude.
Pour autant, cette intensité et cette densité de tous les instants crée une sensation de presque trop d'homogénéité d'ensemble, de véritable bloc de blasts dont une écoute attentive peut donner l'impression d'en sortir véritablement rincé physiquement. Certes pas autant que le batteur, cependant, impressionnant la tenue du bonhomme.
En bref, on retrouve ici un très bon album qui pourrait être estampillé Church of Ra & Co. (et d'ailleurs en partie enregistré et mixé par Tim de Gieter), fidèle à ce son assez particulier qui se développe entre la Belgique, les Pays-bas et le Danemark.
Bien plus sombre que nombre de groupes de black qui jouent avec leur poupée de Satan-trop-méchant kitschouille, l'obscurité ici est englobante et vient de dedans, du réel tourment de l'esprit, plus occupé à découper des tranches de ses propres pensées qu'à caresser le bouc dans le sens du poil.
Il est bien dommage que l'on n'ait probablement jamais (ou alors fort rarement) l'opportunité d'assister à un concert du groupe car cela aurait assurément été une sacrée expérience.
Sauvage et immersif, dense et allant chercher la barre du 0 pointé sur l'échelle de la bonne ambiance (à croire que les premiers barreaux en ont été pétés et servent de baguettes au batteur), on en attendait pas mal du retour de Cross Bringer, et Healismus Aeternus relève le défi, pour un des albums les plus virulents du style pour ce début d'année.
A écouter si on pense parfois que le concept de lumière est un peu surfait.
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