Eretia - Quietud

Chronique CD album (26:14)

chronique Eretia - Quietud

Il est probable que le nom de Torrelavega ne vous dise rien.

Si vous le connaissez, c'est a priori soit que vous êtes déjà passé·e par la Cantabrie, dans le nord de l'Espagne, soit que vous savez que des groupes comme Drei Affen, ou OsoLuna avant eux, en sont originaires. C'est aussi le cas d'Eretia, qui partagent d'ailleurs un membre avec ces derniers (mais aussi avec Témpano, La Tumba de Nicolas Cage et Fürio si on veut être exhaustif).

 

Après quatre ans d'existence, le quartet ibérique propose ici son premier disque avec Quietud, organisé en six « parties » + intro / outro.

C'est donc comme dans un récit, ou plutôt une poésie en prose, qu'il faut progresser dans ce court album, accompagnés par un Charon, sur la pochette, qui aurait abandonné son Styx de lieu de travail pour aller s'abandonner en haute mer, plus raccord avec les horizons de Cantabrie, et surtout sans un quelconque rivage en vue. En cela, les paroles, très sombres (« Briser les chaînes, penser et juger par toi-même ne te libérera pas du domaine de l'obscurité... », par exemple, sur « Part III ») et désabusées, chargées de frustrations et d'angoisses, ce qui découle des difficultés de la vie, en fait, sont à l'exact inverse du nom de cet album... quiétude.

A moins que ce ne soit justement cela qui est recherché ? La quiétude ? Imagé à la fois par le personnage porté par ce Charon océanique, qui recherche quelque chose d'inaccessible au-delà des flots, et par les membres du groupe à travers leur musique ?

 

Car ces « chapitres » de Quietud, si on veut les nommer ainsi, résonnent comme une succession de paysages, souvent dessinés par les instruments, car le chant (en espagnol) se fait souvent assez discret, bien intégré, sans pourtant qu'il soit rare : parfois désolés, tantôt contemplatifs, toujours mouvants, Eretia dressent leur carte de la route à suivre en empruntant des sillages tracés par Isis (« Part I », le début de « Part VI ») et ce type de groupes à mi-chemin entre post-metal et post-hardcore, avec quelque chose dans la démarche et les émotions transmises qui me rapporte aux excellents Tourangeaux de Rosa et leur fantastique EP, ou aux non moins excellents Barcelonais d'Ánteros, assumant une inclinaison screamo donc, tout en étant un poil moins tournés sur la mélodie et en étant plus agressifs que ces deux dernières formations.

On trouvera par exemple des incartades qui sentent fort les influences d'Amenra ou les penchants les plus 'post' des différents groupes d'Alex CF (Fall Of Efrafa, Morrow... "Part III", mais exit les côtés crust) pour venir aiguiser le tout. Et rassurez-vous, aucun chant clair ne surgira au détour d'une vague ou d'un croisement (youpi !). Vous pourrez laisser ces quelques pistes vous envelopper sans réveils trop brutaux de pop mal digérée.

Ou alors, pour les laisser parler mieux que moi et comme ils le disent eux-mêmes dans une interview : « Nous pensons que nous sommes un amalgame de tous les genres musicaux avec un préfixe en 'post-'. La catégorie par défaut serait peut-être Post-metal, mais nos racines dans des groupes post-hardcore/screamo sont évidentes dans les textures et les mélodies que nous combinons avec des arrangements post-rock ».

En termes de BPM, vous aurez donc compris qu'on sera plus proche de l'électrocardiogramme que de la moissonneuse-batteuse.

 

D'accord, cela pourrait correspondre à pas mal de descriptions d'autres groupes, mais il y a chez Eretia ce petit quelque chose qui fait que le résultat est solide et appréciable. Leur éthique et leur engagement DIY touche toujours une corde sensible chez moi, et Quietud est sorti par une coalition de 19 labels DIY de 10 pays différents (Araki Records et Bus Stop Press en ce qui concerne l'Hexagone), le reste de la liste en bas de la page bandcamp.

Car souvent, cette démarche rime avec 'sincérité' dans la musique et dans ses intentions. Et là, je trouve que c'est tout à fait réussi, que ça se sent, qu'il est facile de se plonger et de se laisser guider dans les morceaux, qui doivent cartonner en concert, s'ils décidaient un jour de franchir les Pyrénées pour venir arpenter les petites salles du côté de chez nous. On ne peut que le souhaiter.

 

Bref, avec une très bonne sortie dans le style pour ce premier album, dont l'écoute est tout à fait recommandée, Eretia laissent espérer de belles choses pour les années et les temps à venir. Et comme on n'a pas beaucoup de raisons de se réjouir ces derniers temps, c'est déjà pas mal de se raccrocher à ce qui pourra nous accompagner au jour le jour, passé dans les écouteurs ou blasté à travers une sono.

 

A écouter comme quand on avance sans trop savoir où aller : mine de rien, on arrive toujours quelque part.

photo de Pingouins
le 15/05/2023

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