Grave Pleasures - Plagueboys

Pour les présentations, Grave Pleasures est le fils batard de Beastmilk et In Solitude, deux groupes - pour qui (en 2014) l’avenir était radieux – qui ont tournés, nous ont allumé sévère*, puis se sont éteints, trop rapidement, ensemble.

*La preuve :

(Merci Garmonbozia, Twiggy, la Ferraille')

Des membres des deux formations, accompagnés de renforts, ont voulu continuer l’aventure et se regrouper en Grave Pleasures.

Pour « l’environnement », ou « la sphère » Grave Pleasures, c’est pour moi un nombre impressionnant d’excellents albums. Déjà Climax de Beastmilk qui reste quand même l’album #1 de 2013, tout en restant en 2023 toujours pertinent. Les deux albums de Henrik Palm, ancien guitariste de In Solitude (et ancien membre de Ghost) sont vraiment excellents. Le dernier album du groupe Maggot Heart de Linnéa Olsson (avec Uno Bruniusson de In Solitude et ex Grave Pleasures tout comme elle) qui elle était en deuxième guitare sur la tournée de Beastmilk, est tout simplement mortel. Le guitariste et compositeur de Grave Pleasures n’est autre que Juho Vanhanen de Oranssi Pazuzu aux albums qu’il n’est plus besoin de présenter, et tous à écouter. Et pour le chanteur de Grave Pleasures, Mat McNerney, également parfois identifié sous le pseudo « Kvohst », on peut lister de superbes prestations de sa part sur de superbes albums, le Beastmilk bien évidemment, mais également When We Are Death avec Hexvessel, Nouveau Gloaming avec Code, et Supervillain Outcast de Dødheimsgard. Mais pour ce dernier, c’est Xuaterc qui le dit, donc ça colle avec mon propos.

Avec tout ça, toutes ces personnes qui savent composer ce qu’elles veulent (car tous les albums ci-avant listés sont bien différents les uns des autres) avec qualité on se dit que l’on est bien entouré, que la Suède c’est vraiment incroyable (même quand on vient d’Uppsala) et que la Finlande ça a l'air plutôt top également. Si ces noms ne vous disent rien, voici la preuve en images (avec liens sur les pochettes) :

Et Grave Pleasures au milieu de tout ça. Le Beastmilk était tellement excellent que le premier Grave Pleasures qui lui a fait suite était forcément décevant. « Ecoutable » mais pas passionnant. Avec le temps, il le reste. Son titre, Dreamcrash, était prémonitoire. Idem pour le deuxième, Motherblood, même s’il est meilleur (et lui, vaut l’écoute). A l’inverse du premier, il s’améliore dans le temps. Mais tout cela est bien moins percutant, moins efficace, moins incisif, en bref, moins bien composé pour ce que j’en attends. Et de tous les albums de tous les groupes précédemment cités, ceux de Grave Pleasures sont pour moi les moins bons, les moins intéressants sur leur longueur. Ça en fait de la déception… De même en concert, les meilleurs morceaux sont selon moi ceux de Beastmilk qui font partie de la setlist (sans dénigrer certains de Motherblood, comme "Doomsday Rainbow", qui passent nickel).

Alors forcément, l’affaire Grave Pleasures était pour moi pliée. Je n’avais plus qu’à creuser les sillons du Climax jusqu’à épuisement. Et me rendre compte qu’au final je n’avais pas placé mes espoirs entre les bonnes mains. Toute la musique de Beastmilk était composée par le guitariste « Goatspeed » Johan Snell, le premier a avoir quitté l’aventure (avec ces doux mots « It was quite traumatizing to see my band being hijacked and raped », extrait d’une interview sur terrarelicta.com). La magie d’internet et du streaming nous permet de retrouver son chemin, au moins jusqu’en 2017, dans les groupes Hello Black Hole et Rainbowlicker (ce dernier, étant, hum très surprenant). Bingo et Amen. (Ça m’apprendra à m’être désinscrit de la mailing list du label Svart Records, qui est un peu derrière tout ça, et qui m’aurait fait gagner du temps).

L’histoire aurait pu s’arrêter là, car, mais où est passé Goatspeed ? Je dois le retrouver. La quête continue. Outre Grave Pleasures c’est un peu une manie chez - la plupart - des musiciens cités dans cette page, ne pas jouer le jeu de la promotion, ne pas vouloir se mettre individuellement en avant, jouer cachés sous des pseudo ou derrière des masques. En bref, « pour bien jouer, jouons cachés » semble être leur devise. Et ça tient la route. Alors j’espère pour ceux pour qui les groupes et albums précédemment cités étaient inconnus que ce trop long texte pourra néanmoins apporter de nouvelles – bonnes - choses à écouter.

Et puis comme les musiciens de Grave Pleasures font de bons albums de leurs côtés, que sur un webzine il n’y a pas de nombre de signes limités, que les nuits sont encore longues, et que si vous avez cliqué sur cette page c’était aussi pour en savoir un peu plus de ce Plagueboys à venir, je vais quand même y porter une oreille et le chroniquer. Avec tout l’amour qu’apporte le rédac’ chef Pidji à ses rédacteurs, c’est bien le minimum (ceci est une phrase test pour voir s’il lit nos chroniques en entier).

J’avoue, je me suis trémoussé sur "When The Shooting’s Done" (sans être certain de la qualité du morceau qui n’est au final « qu’ »un refrain) ou "Imminent Collapse" (une témoin peut en attester). J’adhère, le groupe a évolué et ne vous fait pas le coup de l’album copier-coller. J’avoue avec le clavier à plusieurs moments sur "Society Of Spectres" j’ai l’impression d’être dans les années 80 de Bruce tout puissant version Born In The U.S.A. Oups, j’ai peut-être spoilé nos avis. C’est peut-être le morceau qui m’attire le moins, et ce n’est sûrement pas celui que j’aurais choisi en single de l’album comme ils l’ont fait. Ce synthé mis en avant en intro et avant les couplets gâche la dynamique du morceau. Alors que les refrains sont très bons...

Alors s’ils ont su cadrer certains morceaux vers une certaine efficacité, pour arriver à de très bons "Desintegration Girl", "Tears On The Camera Lens", "Conspiracy Of Love", ou justement "Imminent Collapse", mes moments forts de l’album, sur d’autres, ils se sont peut-être perdus sur de nouveaux essais, composition ou production, ou parfois les deux. Tuons la bête dans la poule, ils nous ont fait le coup de la pop 80’s que l’on ne trouve pas forcément cool. Quand on est sobre. Ou qu'on est con. (oups).

Attention, la pop c’est bien, voir c’est déjà ce qu’ils faisaient, qu’elle soit « cold », « new-wave », « psyché », « en veux-tu, en-voilà », la forme ne cachait pas le fond. Et puis c’est ce que font – ou aimeraient réussir à faire correctement - 87% des groupes ici chroniqués. Disto à fond, ou vitesse idem, Dark Funeral fait de la pop (il me fallait un nom qui colle, mais ça aurait pu être n’importe quel groupe préféré de chaque rédacteur, sauf pour El Gep, parce que pour les Melvins c’est évident). Ils veulent tous de « gros refrains ».

Mais ici, le ton à légèrement changé. Du punk direct du début, au rock plus complexe du milieu, on se retrouve aujourd’hui avec parfois du grave voir nostalgique (le très bon "Lead Ballons" qui rappelle de très près l’autre groupe du chanteur, Hexvessel), ou du slow pour dance floor de nightclub (le refrain de "High On Annihilation"). Ceux qui apprécient l’ambiance « cold-goth/new-vave 80’s » apprécieront, à part pour le morceau éponyme (je n’apprécie pas le refrain, musique et phrasé), ça reste bien fait. Ils développent une nouvelle forme – pour eux – d’efficacité. Ce n’est plus « frontal » comme du temps Beastmilk, ce n’est plus perché comme du temps Motherblood, c’est de la musique « légère », simple et carré. Et un peu trop sur certains morceaux, ce qui empêche l’album d’atteindre la qualité que pourtant il pourrait apporter. Car oui ce changement de braquet était une bonne idée. Mais, par exemple, "High On Annihilation" ultra rétro nostalgique, avec la voix qui en fait un peu trop, idem les chœurs ouh ouh oooh, par exemple ne passe pas chez moi (chant mélodique à la Arcade Fire, et, je vous ai déjà cité la référence M83 dans une autre chronique ?). Ils ont quand même réussis à réutiliser de bonnes dynamiques de leur passé premier, essayé de nouvelles choses dont certaines très réussies, et surtout, la/les guitares, n'en font plus des caisses à base de lignes mélodiques  omniprésentes asphyxiantes, étouffant les morceaux, comme c'était devenu le cas. C'est assez évident quand on écoute les live du groupe, et encore plus quand ils réinterpretent les titres de Beastmilk. En bref, un peu d'air, frais, ça fait du bien.

Pour la voix, toujours dans la volonté de faire évoluer le son du groupe, elle alterne entre moments vraiment excellents comme il a déjà su faire avec Grave Pleasures, avec même une très grosse prestation sur cet album, d'autres nouveaux qui rappellent d'autres groupes du chanteur comme évoqué, certains qui ramènent directement à la simplicité, l'immédiateté, l'efficacité des débuts, et, malheureusement, d'autres un peu maladroits, où il tire un peu trop sur le grave et le posé, pas très musicalement réussis.

Si malheureusement je ne suis pas entièrement convaincu par l’album dans son intégralité, c’est pour moi le premier qui permet à Grave Pleasures de réellement exister, avec une identité. Au regard de cette discographie, au final, variée, il y a – enfin – moyen d’aller au-delà du lourd passé Beastmilk à porter et de faire une chouette setlist en concerts. S'ils n'en font pas trop niveau voix grave forcée et 10000 notes de guitares, comme précédemment évoqué. En plus il est fort possible que ce Plagueboys se bonifie au fil des écoutes grace à "légèreté". Alors ça ne me pose aujourd’hui plus aucun problème de laisser une seconde chance à Grave Pleasures malgré tout ce que j’ai pu en dire.

P.S : au même moment, deux groupes fortement attachés aux sonorités "new/cold wave", avec la réveb' 80's, à savoir Grave Pleasures et Not Scientists, utilisent les mêmes références visuelles :

De mon côté ça me fait penser à Slint :

Vous auriez la référence ? Merci !

R.Savary

le 18/04/2023