Heiden - Andzjel

La République tchèque n’a jamais été une nation fort pourvoyeuse de formations de Metal Extrême. Alors quand Heiden, originaire de Brno, avec son Black Metal progressif taillé pour les fans de Solefald, Hail Spirit Noir ou Enslaved, et qui s'exprime dans sa langue maternelle, débarque dans ma boîte courriels, je ne tergiverse pas longtemps. Pour moi, comme dirait l'autre, un vrai name-dropping de catin de luxe, mais cela n'a pas toujours été le cas puisque les internets m'informent que les Tchèques n'ont pas oeuvré dans ce style depuis leurs débuts il y a vingt ans et neuf albums. Si les premiers étaient marqués par un Black Metal païen, la suite les a vus évoluer vers des terres plus Rock, teintées de Doom, tout en conservant un côté expérimental, avant de revenir sur Andzjel (Ange) à des considérations plus radicales, plus métalliques pour illustrer et rendre hommage aux paysages inhospitaliers des Carpates blanches, massif ancien de l'Est du pays, mais aussi à la déesse de l'ère pré-communiste Žítková. Une évolution stylistique raccord avec les thématiques abordées, mais aussi le fruit d'une volonté des musiciens de revenir à un son plus raw.

La mise en son (enregistrement, mix et mastering), locaux et en circuit court, est au top et permet au groupe d'idéalement développer et mettre en place ses nombreuses idées et ambiances mises en place pour illustrer ces considérations païennes, même si j'aurais apprécié que le clavier soit un peu plus présent en mise en avant. Une attitude hautement professionnelle qui mériterait le support d'un label conséquent. Le groupe propose ici un Black Metal, fin, racé, intelligent et personnel. Ce dernier point est lié en parti au chant, arraché mais compréhensible, dans la langue de Zátopek, mais aussi grâce au talent d'écriture de Kverd, chanteur guitariste de la formation, qui a composé l'intégralité des sept titres, à l'exception de « Musim ti tolik rict ». Ce dernier est l'adaptation d'un chant traditionnel moravien qui se démarque par ses aspects plus posé et mélodique.

Sa musique prend souvent des atours Folk, un peu à la manière dont Solefald peut le faire sur « Sagateller » ou Norrøn Livskunst. En se faisant Arty, le Black Metal gagne en profondeur, tout en restant d'une noirceur implacable. Les surprises sont nombreuses, en particulier le passé Post-rock du groupe qui fait de temps à autres surface (le riffing de « Musim ti tolik rict » par exemple), ou certaines lignes de chant clair (la fin de « Svit, mesicku, jasno »).

Voilà donc un groupe des plus intelligents, qui n’hésite pas à se questionner, à interroger son style de prédilection et à se remettre profondément en cause. Malgré ces changements, il a su conserver une certaine cohérence qui lui permettra de ne pas  perdre en chemin la majorité des fans qui avaient apprécié ses anciens albums. Gageons que Andzjel permettra à Heiden à en gagner de nouveaux. C'est tout le mal que l'on peut lui souhaiter.

Xuaterc

le 12/04/2023