Karpathian Relict - Never Be After
Chronique CD album (46:16)

- Style
Metal extrême technico-progressif - Label(s)
Musiko Eye / Metal Exhumator - Date de sortie
9 septembre 2023 - Lieu d'enregistrement Stodoła Studio
- écouter via bandcamp
Vous participez à l’émission Pyramide (ne protestez pas : soit vous rêvez, soit vous êtes avec votre Mamie à un goûter du 3e âge, soit vous avez fait un tour en DeLorean… on s’en fout).
Votre partenaire de jeu vous dit : « En deux mots : Karpathian Relict ! »
Deux mots ? Voyons voir… « Karpathian Relict », ça sonne un peu comme « Transylvanian Hunger », non ? Il doit s’agir d’un truc de trve… Allez, tentons « Black Metal ! »
Les yeux pleins de confiance, Laurent Broomhead (c’est lui, votre partenaire) vous lance : « Opeth ! ».
Vos yeux s’illuminent : « Je sais : un mélange de Death progressif, de Black/Death mélodique et de Bourrinos Death ».
… Putain, vous avez de ces fulgurances parfois !!
Mais c’est la tuile : Laurent évite votre regard, se mordille les lèvres tout en marmonnant « Trois mots, j’aurais dû dire Trois mots… ».
Eh oui, c’est ballot. La bonne réponse c’était « Un mélange de Death progressif, de TECH-DEATH, de Black/Death mélodique et de Bourrinos Death ».
Vous y étiez presque, morbleu ! Même Pépita est déconfite…
En effet, Never Be After est comparable à vos tablettes pour lave-vaisselle : c’est du 4 en 1. Tantôt vous y trouvez du Opeth old school qui chasse les papillons multicolores dans des décors bucoliques sophistiqués. Tantôt vous vous faites bousculer par un troufion deathmetalleux à growl prognathe et rythmique charolaise. Tantôt vous vous faites congeler les noix par un blizzard vous rappelant que c’est le black friday cette semaine chez Picard. Tantôt – quasi tout le temps en fait, c’est pour ça qu’on ne pouvait oublier cette dimension – vous vous exposez à des déferlantes de riffs biscornus joués au scalpel. Par ailleurs, on aurait même presque pu parler de « 5 en 1 » (ou de « 4,25 sur 1 », allez, pour être plus juste) en évoquant ces moments où le Metal extrême de Karpathian Relict se pose quelques instants à l’ombre des dattiers, histoire de s’aérer les percus (vers 1:52 sur « Closed Book ») ou d’aller pique-niquer avec Orphaned Land (à partir de 2:53 sur « The Masochist »).
« Mais kicéti Karpathian Relict ? », se demande à raison Jean-Brad. Parce que si on sait à présent ce qu’il fait, on ne vous a toujours pas dit que Never Be After est son troisième album, et qu’il s’agit d’un groupe né en Ukraine, mais relocalisé en Pologne. Bien avant que le crétin du Kremlin ne se lance dans des querelles de voisinage sans fin…
Et hop, comme disait Achille : voilà une biographie rondement menée, vite-faite-plus-ou-moins-bien-faite.
Et comme vous avez un œil de lynx, une mémoire d’éléphant, et que vous êtes rusé comme un renard, vous vous dites « 6/10 ? Dans un webzine habituellement aussi généreux du bulletin ? ‘y aurait pas anguille sous roche par zazard ? ». Anguille il y a, en effet. Car certes, nous parlons bien ici de 8 morceaux ambitieux, aristocratiques presque, avec les moult ronds de jambe guitaristiques et structures alambiquées que cela implique. Sauf que trop régulièrement, au lieu de la Galerie des Glaces versaillaise attendue par les amateurs de telles démonstrations, on réalise que le groupe nous a en fait conduits dans une salle à manger de banlieue, affublée de chandeliers. Et qu’entre deux vins fins on nous fait déguster de la vulgaire Villageoise.
« Arrête tes formules de bobo, Lapin, et dis-nous plutôt ce qui cloche ! »
Plusieurs choses à vrai dire. Pour commencer la poussière n’a pas été correctement faite sur la prod’. C’est qu’on a en général l’habitude de voir l’argenterie étinceler sur les albums technico-progo-petit-doigt-en-l’air. Alors qu’ici, la luminosité n’est pas toujours au top, et la propreté est limite-limite dans les coins. Sans compter quelques maladresses (… ça fait pas très pro ce changement soudain de volume sonore à 0:23 !).
On pourra également regretter des gimmicks un peu trop convenus : le retour régulier du chant clair murmuré, l’incontournable violon sur le premier titre, ainsi que ces chapelets d’arpèges destinés à souligner au marqueur les transitions du velu vers le ténu.
Enfin, bien que le niveau technique soit indiscutablement élevé et que les compos aient été manifestement travaillées avec l’aide d’un décorateur d’intérieur, on ressent par moments comme une certaine naïveté poindre sous la dentelle. Comme s’il s’agissait d’un première album. Voire d’une excellente démo, si l'on intègre dans l'équation la touche son-pas-toujours-au-top. Tiens, ces confessions répétitives et peu audibles qui alternent avec du matraquage à courte nuque, à 1:28 sur « The Masochist ». Ou le relais sans vaseline passé de l’intro aux saccades rustaudes du début de « The Moth ». Sans parler du manque de profondeur et de sex-appeal du growl d’Andian qui fait plus dans la rugosité du père Matthieu dans ses labours que dans la sophistication du Marquis de la Bagatelle.
Mais il ne s’agit pas ici de casser bêtement Never Be After. D’autant que j’ai vraiment apprécié dans leur quasi-intégralité des compos comme « Closed Book » et « My Anthem ». Sans compter les nombreuses autres subtilités distillées au cours de ces trois riches quarts d’heure. Cependant, quand on a en tête les œuvres d’Opeth, Disillusion et leurs amis, on tolère un niveau inférieur d’excellence, mais on pardonne plus difficilement des approximations. D’autant plus en 2023, où les joyaux les plus étincelants peuvent surgir des recoins les plus reculés de l’underground. L’album coche donc pas mal de cases, mais pas suffisamment pour récolter plus que la mention "Peut mieux faire"…
La chronique, version courte : ne voulant pas faire de choix entre Death progressif, Tech-Death, Black/Death mélodique et Death in-your-face, Karpathian Relict a balancé l’ensemble au sein d’un 3e album aux ambitions élevées et à la technique acérée. Problème : dans un monde ou Opeth, Disillusion et Beyond Creation sont rois, le moindre faux pas peut vous coûter cher. Et à de nombreux points de vue (prod, finitions, chant), Never Be After n’est malheureusement pas complètement irréprochable.
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