KAZEA - I. Ancestral

Chronique CD album (37:14)

chronique KAZEA - I. Ancestral

Et si on était bienveillant ?

 

La question - que posait fort pertinemment Patrick Sébastien en 2018 en couverture de l’une de ses nombreuses purges philosophico-problématiques – ne m’a que rarement quitté au moment d’écrire sur ce premier album des suédois de KAZEA.

 

Cet excellent premier album, devrais-je dire. Mais j’ai encore du mal à l’écrire. Parce que je trouve tout cela bien gentil, bien sage, bien propret, et qu’en tant que trve metalhead, je suis censé regarder ce genre d’œuvre avec un mépris amusé teinté d’arrogance, façon « c’est bien gamin, on a compris, t’es en colère, on en reparle quand t’auras du poil au museau et/ou des soucis de remboursement par ta mutuelle ».

 

Parce que ça fait partie de l’habitus du truc : on est censé partager un capital social et des pratiques qui vont du headbanging devant des formations Death-Thrash pas accordées dans des squats qui puent la pisse à la dissertation sur les qualités artistiques d’A Serbian Film, en passant par le ressassement sans fin de phrases du type « ah attention moi ce qui m’intéresse c’est la musique, je fais pas de politique ».

 

Du coup si ce que t’aimes c’est prendre des douches, mater l’intégrale de Scrubs une fois par an, et refuser de filer du pognon à des néonazis quel que soit leur niveau de talent à l’accordéon, tu découvres assez vite le concept d’inhibition.

 

Et t’en viens à penser du mal d’un album comme I. Ancestral. Alors que dans le genre convaincant, le premier album des gars de Göteborg se pose là.

 

Le trio est censé proposer un mélange de post-rock, de neo-folk et de sludge. Pour être juste, on n’y est pas. Post-rock, je veux bien, ça lorgne du côté de ce que proposait encore récemment Crippled Black Phoenix (« Whispering Hand »), avec même quelques instants de grâce (« Seamlessly Woven »). Neo-folk, non. Ou alors vraiment pour quelques mélodies, de loin, à contre-jour (« Trenches » et son habillage « nature » sur sa première partie). Sludge…mouais mais non. C’est vrai qu’on a une belle basse bien profonde (la fin du très beau « Pale City Skin »), bien ancrée au sol, que Jonas Mattsson peut parfois aller chercher un grain intéressant quand il accompagne les voix hurlées de ses invités  (Gina Wiklund de Black Birch sur « Trenches », Oskar Tornborg de Wormwood sur « The North Passage »), mais on reste même alors bien plus proche d’Isis que de Thou ou d’Eyehategod. Avec un mastering confié à Magnus Lindberg (Cult of Luna), on est d'ailleurs plutôt sur de la cohérence.

 

Jusqu’ici on pourrait croire qu’on est face à un truc relativement médiocre (au sens de moyen), entre post-rock et post-metal, facile à digérer, plus facile à oublier encore. Et pourtant non.

 

Parce que si je suis honnête, j’ai enchainé les écoutes, et je les enchaine encore. Parce que les gars savent écrire des chansons, avec une immédiateté pas loin de ce que pouvait proposer les rock indé des 2000’s (impression renforcée par la proximité vocale avec les Silversun Pickups de l’époque Carnavas sur le chant clair). Parce que le jeu de batterie tout en simplicité de Daniel Olsson permet d’imprimer une dynamique loin de toute léthargie, même sur les moments les plus « radio-friendly » (« Wailing Blood », « Whispering Hand »). Parce que les atmosphères intelligemment amenées par l’introductif « With a Knife » et l’interlude « A Strange Burial » apportent un peu de profondeur sans s’éterniser. Parce que le propos a le mérite, en particulier pour un premier album, d’être ramassé (37 minutes, 8 titres). Parce que c’est un bon album, avec des bonnes chansons.

 

J’en ai passé du temps, à chercher à comprendre ce que j’avais à reprocher à cet album que j’écoutais tant. J’ai fini par trouver. Tout cela est « bien gentil, bien sage, bien propret ». Et je suis censé aimer le méchant, le bête, le sale. Et franchement ça fait chier. J’ai rien contre mater Terrifier avec un kebab et des drogues. Mais l’intégrale de Scrubs avec un chat et un bol de céréales, parfois ça le fait aussi.

 

Peut-être pas la même journée, quoi.

 

« Et si on oubliait de se mettre en colère

Si on foutait la paix à nos envies de guerre

Pour faire une caresse ou pour tendre une main

Il faut bien moins d'effort que pour serrer le poing »

 

Patrick Sébastien, Et si

photo de Thedukilla
le 18/04/2025

3 COMMENTAIRES

Vincent Bouvier

Vincent Bouvier le 18/04/2025 à 07:59:36

Existe-t-il un album de post metal qui ne soit pas masterisé par Magnus Lindberg? 😂

Thedukilla

Thedukilla le 18/04/2025 à 18:59:24

🤣 la réponse est « oui sûrement, mais ça reste à prouver » 🤣

Moland Fengkov

Moland Fengkov le 22/04/2025 à 14:56:06

La chronique qui fait plez ! J'adeure cet album 

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