La Dispute - Rooms of the House

Chronique CD album (41:45)

chronique La Dispute - Rooms of the House

Connaissez vous Phineas Gage ? 

 

En 1848, ce cheminot s'est mangé une grosse barre d'acier. Elle a traversé sa mâchoire pour ressortir par son crâne arrachant par la même occasion un petit morceau de cerveau.

Phineas a survécu. Miraculeusement, avec une cicatrice dégueulasse, certes, mais aucune séquelle physique.
Il avait par contre perdu tout sentiment. Il demeurait insensible, imperturbable...quelques soient les circonstances heureuses ou dramatiques.

 

Je suis parfois comme Phineas. La barre en métal dans la tronche en moins. Pour me faire pleurer il faut se lever tôt. Eventuellement en me diffusant "L'ours" de J.J. Annaud ou un film avec R. Duris en vedette (2h avec son air d'éternel étudiant attardé pour savoir où il va poser sa quequette, avec des sentiments contradictoires de bourgeois qui n'a, dans le fond, aucun vrai problème : j'vous jure c'est à pleurer).

 

Puis La Dispute a sorti "Rooms of the house" le 18 Mars 2014.

Jusque là, j'avais "survolé" la discographie du groupe. Il y a toujours eu quelque chose de différent chez les américains, je le savais, mais je n'y étais pas particulièrement sensible. 

Conscient, mais pas touché.

 

Puis il y a eu "Hudsonville MI 1956" et dix titres derrière. 

 

"Rooms of the house" a tourné sans arrêt. Il fallait se délecter de chaque seconde, à chaque écoute, de peur de ne plus les entendre.
Il fallait que je comprenne pourquoi ce groupe me touchait. 

Pourquoi des frissons me parcouraient à chaque mot. 

Pourquoi je n'arrivais pas à écouter d'autres albums.

 

Peut-être était-ce à cause de ces deux guitares dont la complémentarité n'a jamais été aussi parfaite.

Peut-être était-ce à cause de ce chanteur qui n'est pas un simple parolier, mais un poète dont les histoires touchent, se matérialisent en trois mots posés fragilement sur une ligne de chant instable, sur la corde.


Peut-être était-ce à cause de ces titres contant des histoires (parfois dramatiques) dans chaque pièce d'une maison.

Peut-être était-ce à cause de ce tout, cet ensemble d'artistes : le premier avec les mots, les autres avec des instruments.

 

A vrai dire, le rythme de cet album est bien plus lent, et malgré de réels sursauts énergiques, on est loin des albums précédents.

Les 11 titres n'en sont pas moins intenses, puissants. 

Avec un départ tonitruant, le rythme ralentit sans que l'ambiance ne s'éclaircisse. Les mots comptent énormément, mais la musique est extrêmement parlante.

 

Il semble impossible de décrire l'alchimie qui s'est produite entre ces cinq hommes sur cet album.

Qui a fait naître la dynamique ? Qui tient l'album à bout de bras ? 
 

Le travail semble collectif.

La base rythmique est impressionnante, tant elle est variée entre et au sein des morceaux. La basse bien ronde résonne alors que le jeu plus "mid-tempo" du batteur qu'à l'accoutumé, laisse à l'auditeur le plaisir d'apprécier les guitares.

Et rares sont les couples de guitaristes aussi fusionnels. 

Il ne s'agit pas simplement d'une guitare rythmique associée à une autre lead. Il s'agit d'un équilibre, d'une entente, une complémentarité...et une personnalité propre à chacun.
Il s'agit aussi d'inattendu.
Il s'agit aussi de simplicité.
Rien de technique, bien au contraire.

 

Pour De Vinci "La simplicité est la sophistication ultime". Pour un écrivain dont le nom m'échappe, "la simplicité est l'habit de la perfection". 

11 preuves de ces citations sont à découvrir sur "Rooms of the house".

11 histoires à lire, à écouter.

 

On pourrait s'arrêter sur chaque morceau, les décortiquer, les décrire en 500 mots.
On pourrait étoffer son vocabulaire, parcourir un Larousse l'index collé sur chaque terme, aucun mot ne conviendrait pour définir ce que l'on ressent à l'écoute de cet album.
Un album fluide, parfait, lui qui aborde pourtant un nouveau virage dans la créativité d'un groupe qui a déjà tant fait en 7 petites années.

 

Après deux journées entières à n'écouter que cet album, dans les dernières secondes d'"Objects in space", j'ai repensé à Phineas qui aurait dû naître et avoir son accident 160 ans plus tard. Il aurait pu ressentir à nouveau.

photo de Tookie
le 08/04/2014

8 COMMENTAIRES

pidji

pidji le 08/04/2014 à 10:08:11

C'est vrai qu'il est très bon ce disque ; je l'a nettement + apprécié que son prédécesseur !!!

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 08/04/2014 à 12:23:14

Superbe conclusion de chronique qui me pousse à être curieux sur ce coup.

daminoux

daminoux le 08/04/2014 à 13:04:25

magnifique Kronik....

el gep

el gep le 08/04/2014 à 22:25:05

Ça éveille ma curiosité aussi... Et mon insensibilité aléatoire de flancher... Belle chronique, oui.

el gep

el gep le 09/04/2014 à 10:42:13

Humpf en fait je ne suis pas client... Trop d'emo tue mon emo.

PogoTiM

PogoTiM le 09/04/2014 à 14:42:42

Conquis ! C'est cohérent, et cela rend l'album... très reposant en fin de compte

pidji

pidji le 09/04/2014 à 15:05:18

Oui c'est pas faux pour le côté reposant.

pidji

pidji le 14/09/2014 à 20:57:11

Je me le suis refait 4-5 fois depuis 3 jours... Je l'aime de plus en plus ce disque

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