Malatesta - Unter Tage

Alors déjà, pour commencer, je dois tout de suite dire que non, je vous vois venir, ce n'est pas Malalatesta, bande de petits rigolos toujours en quête du bon mot.

En plus, le nom est déjà pris par un crew DJ à Marseille (à ne pas confondre avec celui qui se trouve à la croisée des chemins : DJ Malatesta, qui officie aux côtés de la rappeuse Drowning Dog).

Malatesta donc, empruntant comme d'autres formations le patronyme de l'anarchiste italien Errico Malatesta, adepte de la propagande par le fait, fondateur en 1920 du journal l'Umanità Nova (qui existe encore de nos jours, édité depuis 1945 par la Fédération Anarchiste Italienne), insurrectionnaliste et internationaliste.

Vous l'aurez probablement deviné, les thèmes abordés dans les morceaux ne seront pas une chasse au dragon armés d'épées magiques +2 contre les démons tels Thorfin le Pourfendeur. Loin de là. Si les paroles sont en allemand, le groupe propose sympathiquement une traduction des textes sur leur bandcamp, et ne serait-ce que les mots de clôture de l'album, à propos de l'histoire allemande et de la banalisation du retour de l'extrême-droite dans le champ politique, devraient déjà donner une idée un peu plus claire de ce qui anime les quatre membres, si doute il y avait (rappelons que Unter Tage sort sur une flopée de labels DIY, pour en rajouter une couche sur la tendance politique) :

« ‘Those who talk about forgetting, Those who talk about forgiving, Should have smashed their ugly faces And crushed them with an iron maul’ »

Ici, sur ce premier album du quatuor munichois, le monde est crust.

L'horizon, de drapeaux noirs de notre peine et rouges de notre sang constellé, est d-beat.

Les fringues ont une couleur à l'image de l'avenir : noir. Et sur les t-shirts se distinguent les noms d'autres brigades internationales du crust-punk, donnant une idée de ce dans quoi on s'aventure musicalement : Vlaar, Madame Germen, Morrow...

Avec un son juste assez raw pour être sincère dans le genre, juste assez propre pour bien distinguer tout ce qu'il faut, Unter Tage est un album de très bonne facture dans le style et passe tout seul pour peu que l'on apprécie le crust influencé par l'école plutôt neo, mais résolument ancré dans le d-beat tout de même : bref, un neocrust plutôt axé sur les origines de cette sous-branche.

Avec quelques incartades low/mid-tempo pour varier les plaisirs, Malatesta gèrent bien la dynamique de leur album, avec plusieurs guests au chant qui alimentent aussi les morceaux et évitent trop de redondance : Hannah de Cora Line, Julie de Nörgel et Ya/Nel, Manuela de Finisterre et Crevasse, ainsi que Lea de Todeskommando Atomsturm et Furiosa.

Et malgré les origines plutôt nordiques du combo, qui pourraient les orienter vers une certaine sous-catégorie du crust, j'ai retrouvé dans Unter Tage des éléments qui me faisaient plus penser à des combos méditerranéens : Khmer ou Svdestada sur « Artegerecht », ou le récent effort des Grecs de Kafka sur « Leerlauf » par exemple.

En bref, Malatesta proposent ici un album qui vient piocher dans un peu tout le répertoire européen du crust DIY, qui ne réinvente pas la veste à clous et le pavé dans la vitrine de banque, mais qui le fait de façon assez sincère pour en faire un bon disque, même si c'est probablement en concert dans votre centre social occupé de proximité que la musique du combo munichois sera à apprécier à sa juste valeur.

Personnellement, j'irai les voir sans aucun doute si on a la chance de les voir passer dans le coin.

Parce s'il y a quelque chose dont la vie manque cruellement en ces temps difficiles, c'est bien de d-beat.

A écouter parce que « tout ce qui tend à détruire l'oppression économique et politique, tout ce qui sert à élever le niveau moral et intellectuel des hommes, à leur donner conscience de leurs droits et de leurs forces et à les persuader d'en faire usage eux-mêmes, tout ce qui provoque la haine contre l'oppression et suscite l'amour entre les hommes, nous approche de notre but ». (1902)

Pingouins

le 21/10/2022