Manimal - Multiplicity

Chronique CD album (37:39)

chronique Manimal - Multiplicity

Pour beaucoup de monde, « Manimal » reste une série dont le héros se transforme en animal selon les circonstances – en morpion quand il passe devant le stand de Clara Morgane au Salon de l’Erotisme, en éléphant quand il se rend rue de Solférino, en requin quand c'est au siège de l'UMP… Bref. Mais dans notre microcosme musical, Manimal c’est avant tout un pionnier de la scène modern death à la française. Et on peut le dire: apprécié, le pionnier. Pour ma part, et jusqu’à il y a peu, c’était surtout le souvenir d’une mauvaise 1ere impression. C’est qu’à la sortie de Succube – 2e et dorénavant avant-dernier album du groupe –, on a assisté à un véritable concert de louanges unanimes. En plus, vous pensez: les toulousains prétendaient jouer de l’« open death ». T’imagines? « death » = grosse tarte dans la tronche accompagnée de rugissements vomitifs et des flammes de l’enfer. « open » = promesses de métissages osés, pincée de salsa, souffle de violons et beats jungle. Et le pompon: Ju de Psykup au chant. Je te raconte pas les heures à éponger la bave à la serpillère…!

 

Sauf que ces attentes étaient trop hautes, et qui plus est pas franchement orientées dans la bonne direction. Parce que leur « open death », c’était surtout un modern death tortillonnesque – pratique pas hyper fréquente à l’époque – pas franchement dévastateur ni même terriblement barré. Ou du moins pas barré comme je l’entendais et l’attendais. Non, décidément, c’était pas ça, et j’étais déception…

 

Et tout à coup, alors qu’on commençait à avoir fait notre trou bien confortablement dans cette fin de trimestre 2012, qu’est-ce qui débarque? Manimal – c’est bien petit scarabée, tu suis –, avec tout plein de news: 1) un nouvel album, Multiplicity 2) un nouveau guitariste, Julian de Dwail 3) une nouvelle tournée, française 4) un nouveau… Split? Eh oui: c’est que Vidda, le guitariste fondateur du combo toulousain, semblerait en avoir sa claque. D’où ces derniers tours de piste en forme d’adieux live avant extinction définitive des feux.

 

Avouez que comme contexte de sortie d’album, on fait plus motivant!

 

Mais finalement, alors que les pronostics lui laissaient peu de chances de franchir la ligne d'arrivée en vainqueur, Multiplicity frappe un grand coup. Et sans pour autant changer sa formule de base. On retrouve donc la voix caractéristique de Ju – insupportable ou incontournable selon les sensibilités – qui oscille entre les registres « petite teigne qui pique sa crise », « confessions émo-mélodiques » et « vénère-coreries mâles ». On retrouve également cette composante death qui nous garantit quelques bonnes petites séances de soufflage dans les bronches et de blastage du fessier (et pan le début de « Franck »!), bien que ces accès de sauvagerie – s'ils peuvent parfois rappeler la pratique du culte Morbid Angelien (cf. la première partie de « Michael » et ses harmoniques sifflées) – empruntent souvent une voie plus moderne... à la Gojira, oui c'est ça. D'ailleurs ce bon vieux « riffing ouragan » – toujours sur « Michael », à 2:50 – ne ment pas. Et cet aspect constitue la 3e constante du style Manimal: ce côté moshcore, jumpy, plein de groove saccadé et de plans pas toujours francs du collier – qui caractérise d'ailleurs une grosse frange de la faune métallique actuelle, du modern death Klonospherien au « no life djent » à la Periphery. Autre (j'hésite à écrire « dernière ») constante: l'aptitude géniale de Vidda à nous pondre de petites pépites riffées dont l'inventivité rappelle un certain Tom Morello. Tiens, prenez « Christian »: cette explosion de groove en pointillés à partir de 1:07, puis plus loin, à 3:11, ce bûcheronnage dansant alternant avec d'excellents zboïng-zboïng nawak, ça ne vous rappelle pas un peu la liberté de ton du guitariste vénère-contre-la-Machine?

 

Bon, on est d'accord, Manimal se perd en quelques occasions dans des tortillons pas toujours indispensables. Certes, certaines pointes dans les aigus, certaines suppliques émo-friendly – ainsi que cette collaboration avec mam'zelle Lussi sur « Laura » – sentent parfois la carence caractérisée en vocaux gras.

 

M'enfin l'impression globale n'en reste pas moins excellente. Le groupe donne en effet en pâture aux amateurs de lignes vocales accrocheuses de biens beaux morceaux – genre le « Nothing can take my integrity » sur « Nicholas », et surtout le « The bottle is haaaaaalf fuuuull. The bottle is haaaaaalf emp-ty » sur « Ben ». Bordel, ça ça vous colle aux synapses pendant des plombes! Côté tubes d'ailleurs, ce même « Ben » se pose là. Ainsi que « Scottie », dont le riff récurrent rappelle un peu l'esprit orientalisant de celui du « Come Out & Play » d'Offspring. Et putain quelle claque que cette lame de fond thrash/death qui nous fauche les pattes à 2:30!! Bon, je pourrais vous en tartiner encore des lignes sur les bienfaits des autres morceaux, mais point trop n'en faut. Mentionnons juste la superbe surprise finale que constitue « Edmond ». Manimal y rengaine les gros calibres, et pourtant réussit à signer là l'un des tout meilleurs morceaux de l'album. Frais bien que déterminé, léger bien qu'emprunt de gravité, ces aurevoirs sereins au subtil parfum d'orient auraient quasiment – au chant près – pu figurer sur la tracklist d'un Orphaned Land dernière mouture. La classe.

 

Vous l'aurez compris, Multiplicity est une excellente pièce de metal puissant, bondissant, moderne, personnel et inventif. Vivant quoi. Quelle ironie quand on connait le funeste destin qui attend le groupe dans les semaines qui viennent...

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: Multiplicity est un superbe chant du cygne à conseiller aux fans de Gojira, Psykup – et plus généralement de la branche la plus inventive des groupes Klonosphériens. 

photo de Cglaume
le 30/01/2013

2 COMMENTAIRES

Tookie

Tookie le 30/01/2013 à 09:12:57

*Clara MorganE !
Je te trouve dur sur l concept de l'open-death. Peut-être ne suis-je pas assez "trve", mais Eros et Thanatos m'avait bien enchanté !
" certaines suppliques émo-friendly ? ainsi que cette collaboration avec mam'zelle Lussi sur « Laura » ? sentent parfois la carence caractérisée en vocaux gras."
Rha c'est bouffeur de voix couenneuses, dès que c'est clair ils sont débordés :p

Bon, sans ça, j'te rejoins sur le positif, cet album laissera un très bon souvenir !

cglaume

cglaume le 30/01/2013 à 09:47:00

GloupsE... Corrigé !
C'est pas une histoire d'être dur ou pas: à l'époque de "Succube", je m'étais monté la tête, et j'avais été déçu parce que j'avais cru que j'allais écouter A et à la place on m'a servi B. Et un B que j'avais jugé un peu bof... Par contre je n'ai pas écoute "E & T". 'faudra réparer cette lacune!

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