Oxbow - Love's Holiday

Chronique CD album (40:51)

chronique Oxbow - Love's Holiday

« Salut l’ami !

 

Tu te souviens de la réouverture il y a six ans ? Juste après une décennie sans nouvelle, nada, que dalle, peau de zob’. ‘Fin oui, on a eu des “ouï-dire” ; les cancans ont volé dans le patelin mais rien de vraiment sérieux à se mettre sous la dent. Et là, après dix année lettre morte, v’là que la gargote réouvre avec une toute nouvelle gueule clinquante à t’aveugler les mirettes. Paraît même qu’ils ont désamiantés le bousin, t’imagines ?

 

Bref, tu conserves sans doute dans un coin de ta tiesse la dernière fois que t’y as posé ta vieille mine déconfite à ce bar, à t’épuiser le coude à honorer la sainte pinte. Ah, il s’en est passé des choses en six années, ça tu peux me faire confiance. Alors évidemment, on ne dirait pas comme ça, mais regarde par toi-même : rien que le tabouret sur lequel tu poses à l’instant tes fesses a été changé. Même modèle c'est sûr ; mais une vilaine griffe a condamné son prédécesseur à la décharge. Ah, ça ne rigole plus ici, et on met les p’tits plats dans les grands : on veut que ça en jette, que ça brille, que ça te lustre le fiac sans demander l’avis de Dieu le père. On paye le standing, monsieur.

 

Tu n’me crois pas ? Alors colle ta gueule au comptoir et dis-moi ce que t’en penses. Et oui l’ami : pas une rayure, pas une dénivelée, nickel chrome, de la vraie peau de bébé ; on sortirait la ponceuse chaque soir le dernier client sorti que ça ne m’étonnerait pas. Et tant qu’à parler de la clientèle, j’imagine que ça a dû te sauter aux yeux. Je me trompe ? Oh, les vieilles carcasses qui titubaient le soir désarçonnées par les fins de cuve ne sont plus trop du goût de la maison ; on apprécie davantage la discrétion des cols blancs, - qu’ils expriment leur régurgitation artistique sur la banquette du taxi si tu vois ce que je veux dire. Les éclaboussures, ça fait tache.

 

Alors d’accord, sur ce point-là, je te donne raison : le public n’a pas beaucoup changé depuis la dernière fois, il est vrai. Comme tout le reste d’ailleurs, si on chipote un peu. Mais on ne va nén se mentir, il restait malgré tout quelques tichs excentriques qui déambulaient dans les parages : le genre un peu classieux dépravé, poète maudit, Tom Waits sous amphètes et tutti quanti. Il n’y en avait plus des masses, mais ça faisait plaisir : on sentait les gars repassés par l’été, qui tenaient le coup en griffonnant des vi’ poèmes avortés. Effectivement, les huluberlus amoureux d’acousmatique ont déserté les lieux depuis belle lurette. Mais soyons honnêtes : ceux-là étaient aussi rapidement partis se pignoler sur Schaeffer et Co. L’étiquette était chouette à se donner au début ; mais on sentait que sur la fin, on se la collait pour la frime et rien de plus.

 

Et malgré tout, il y avait todi des gars avec qui s’effondrer de sa chaise passé le quart de fût ; des types qui transpiraient l’ouvrage et pour qui la glissade ici avait valeur de réconfort après l’effort. Et de fait, ils étaient bien contents lors de la réouverture il y a six ans ; tu aurais dit qu’ils retrouvaient un vieux copain, et ce, en dépit d’un édifice qui arrondissait déjà les angles de son passé. Mais le frisson de la nouveauté, tu connais ça hein ? Et en même temps, ils n’allaient pas faire la fine bouche car ça faisait si longtemps ; et ne tortillions pas du cul : ça faisait le taf. T’avais même quelques fois l’un ou l’autre qui déversait sa bile sans crier garde avec élégance et à vomir sa verve avec passion, - on n’est pas des bêtes -, et ça te rappelait par la même occasion où on posait nos fichus pieds. Le souci depuis lors, c’est que rien n’a changé ; et paradoxalement, rien n’est pareil. Les événements impromptus et rocambolesques ont foutu le camp. On s'emmerde parfois à devenir neurasthénique, pas une seule incartade dérobée à l’urgence de la nuit. Ah oui, je ne dis pas : il y a bien une fois ou l’autre une invitée qui remet un peu de folie et de fracas, un peu de peps dans ce funérarium. Mais finalement à quoi bon ? La déprime pour la déprime, on a déjà le travail pour ça. Pas de quoi perdre son slip au final.

 

Voilà, comme tu le constates par toi-même, c’est fini cette époque. Le temps a changé, et qui sait : c’est peut-être nous qui ne sommes plus à la page. Que veux-tu, on se fait vieux l’ami. Et puis bon, même si mes mots peuvent sembler rugueux, ça fait todi’ plaisir de se coulisser un verre ici, parce que voilà : il restera toujours les souvenirs. Je te remets un verre ? Allez, c’est pour moi ; et on retrouve dans la carte encore quelques joyeusetés qu’on ne sert qu’ici. C’est toujours ça de pris. »

photo de Arrache coeur
le 04/09/2023

5 COMMENTAIRES

Marc

Marc le 04/09/2023 à 11:55:58

Wow ! Quelle chronique !
Et entièrement d'accord sur le fond, vite écouté, mais sans plaisir particulier, trop lisse...

cglaume

cglaume le 04/09/2023 à 12:34:12

Se coulisser un verre, carrément ! 🤣

el gep

el gep le 04/09/2023 à 12:48:16

C'est un peu l'impression que ça me fait, oui. Le précédent aussi, d'ailleurs, même s'il m'avait plu, à l'usure et aux points, avec son côté, "les mauvais garçons s'incrustent chez les bourges".
Vais creuser çui-ci quand j'aurai un moment c'pendant...

Arrache coeur

Arrache coeur le 15/09/2023 à 07:54:17

Oui, on s'ennuie rapidement. C'est toujours pro et bien exécuté ; mais aucun frisson, aucune altération vient t'exciter un minimum. Peu inspirant finalement, ce qui est triste pour Oxbow, alors que le dernier m'avait malgré tout de même fait plaisir pour les raisons que tu évoques @el gep.

@cglaume : j'ai énormément d'expressions pour désigner l'acte de boire haha. 😇 

Arrache coeur

Arrache coeur le 15/09/2023 à 07:55:07

@Marc : Merci pour le compliment ! 😄

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