Skyclad - The Silent Whales of Lunar Sea

Chronique CD album (50:50)

chronique Skyclad - The Silent Whales of Lunar Sea

Non non, ce ne sont pas les pagan beumeux à sandalettes et outre en peau de lapin qui ont initié le mariage metal / folk, ni les vikings hippies ayant abandonné leur drakkar pour les verts pâturages où gambadent des biquettes peu farouches. Les anglais de Skyclad avaient rodé l'accouplement des guitares abrasives et des celteries sautillantes bien avant que les homo retrogradus de Korpiklaani, Finntroll ou Ensiferum ne retrouvent le chemin du culte de Gaïa. Skyclad... Mais si voyons: le groupe que Martin Walkyier a fondé sur les cendres encore fumantes de Sabbat, groupe de thrash derrière le patronyme païen duquel le célèbre producteur Andy Sneap a fait ses armes avant de passer de l'autre côté des manettes. Si les débuts du groupe laissaient encore transpirer de façon assez claire leurs virulentes racines, et si les albums plus récents ont de quoi ravir les fest-noz maniacs, The Silent Whales of Lunar Sea se situe quant à lui au point d'équilibre parfait entre les 2 univers, les rugosités et excès de vitesse thrash y évoluant en parfaite symbiose avec un violon et un clavier constituant la partie émergée de l'iceberg folk.

 

Cinquième album sorti par le groupe au bout de sa 5e année d'existence (il faut beaucoup s'activer pour ne pas attrapper froid quand on n'est habillé que de ciel...), The Silent Whales of Lunar Sea est de ces disques dont l'homogénéité de ton n'est pas altérée pas l'exploration de nombreuses atmosphères différentes, et dont la tracklist recèle quelques nom-d'un-p'tit-bonhomme de moments d'anthologie. La marque des grands en somme. "Du concret" me demandez-vous? Tiens, un fait tout bête qui ne m'est devenu apparent que tout récemment: les morceaux avec et sans violon alternent avec une régularité quasi parfaite, empêchant - sans qu'on s'en rende compte - la lassitude de s'installer. De même pour les changements de vitesse et d'ambiance (douce mélancolie positive, gigues festives, ambiances dramatiquement sombres, excès de vitesse rugueux …). Ceux qui trouveront cet album linéaire ont une curieuse conception de la géométrie! Variété, innovation, tubes (on y vient) … Que manque-t-il donc encore à la panoplie usuelle des disques de légende...? Ah oui, je sais: la patte, le petit truc qui – au delà même du son global forgé par le groupe – identifie immédiatement ses géniteurs. Et dans ce rôle nous retrouvons Martin Walkyier, dont la voix inimitable imprègne profondément ces 12 morceaux: éraillée, légèrement étranglée, aboyée en mode thrash avec un je ne sais quoi du vieux sage bourru qui a roulé sa bosse, elle est comme une signature au bas de l'œuvre, d'autant qu'elle porte des textes aussi brillamment écrits sur la forme que sur le fond. Certains pourraient d'ailleurs bloquer sur les cordes vocales du monsieur tant son placement est particulier parfois, presque décalé. En même temps il est rare que singularité rime avec unanimité...

 

Une chronique courte exigerait qu'on s'en tienne à évoquer le style, le contexte (pour se la jouer « suivez le guide »), qu'on donne une appréciation, et hop, emballé c'est pesé: on aurait fait le tour de la bête. Sauf qu'un album comme ça, au-delà de ses atmosphères captivantes et de son style si particulier, ce qui fait sa saveur, c'est d'abord la ribambelle de putains de titres qu'il propose. Et ne pas les évoquer – ou le faire par dessus la jambe – serait criminel (...parfaitement!). Car le refrain grandiose et joyeusement mélancolique (un oxymore? Où donc?) de « Still Spinning Shrapnel » n'est rien de moins que du bonheur en microsillons. Et le légendaire cliquetis de batterie qui démarre « Just What Nobody Wanted » est d'ores et déjà aussi mythique que celui qui introduit le « Come Out And Play » de Offspring (...bien sûr que si!). Ok un « Art-Nazi », un « Halo of Flies » ou un « Turncoat Rebellion » sont sans doute plus faibles (quoique...), mais pour contrebalancer cela, combien de « Jeopardy » (son dark folk épique, son flutiau et sa démarche « left-right-left-right-left » militaire), combien de « Stranger In The Garden » (pause relaxante de heavy thrash mystico-ethno-zen), combien de « Brimstone Ballet » (...au leste mollet)? D'autant que l'album garde pour la fin une perle de thrash euro-sceptique aussi furieux que joyeusement rock'n'roll (« Desperanto »), ainsi qu'une petite merveille de speed country celtique totalement instrumentale.

 

OK, je serais malhonnête si je n'admettais pas qu'il y a beaucoup d'affectif dans cette chronique, The Silent Whales of Lunar Sea me rappelant ces tendres années où Youporn s'appelait encore 3615 ULLA. Cela me rend certainement indulgent envers le grain poussiéreux d'une prod' assez peu aérée et quelque peu datée. Néanmoins les séances de bain de jouvence auxquelles je me suis récemment adonné en ré-écoutant cette galette ont été l'occasion de véritables dissections en profondeur de l'œuvre, celles-ci me permettant d'affirmer que la nostalgie seule est loin d'expliquer mon enthousiasme. Car en effet, à l'exception de quelques morceaux un peu moins solides, The Silent Whales of Lunar Sea n'est rien de moins qu'un concentré de bonne came inventive et addictive qui nous emmène à travers le chaud et le froid d'un heavy thrash mélodique ayant poussé dans les vertes et légendaires contrées s'étendant de St-Brieuc à Glasgow. Un album superbe donc, qui, au passage, nous permet de mieux comprendre d'où ont décollé les fameuses baleines de la bande à Joe Duplantier...

 

 

 

 

La chronique, version courte: du fest-noz thrash en équilibre parfait entre rugueuse abrasivité et chaleureuses nuances celtiques.

photo de Cglaume
le 11/09/2011

4 COMMENTAIRES

Skaven

Skaven le 21/04/2020 à 18:41:28

Qu'ajouter de plus?...Un talent et une richesse incroyables; je ne peux qu'applaudir l'oeuvre (et la chronique qui lui rend hommage), cet album étant également pour moi le meilleur de Skyclad...Oserais-je même dire de tout le style Folk Metal?
Allez, j'ose...:)

cglaume

cglaume le 21/04/2020 à 20:51:54

Ose, oui :)

oldiscool

oldiscool le 16/08/2020 à 23:54:28

Merci pour ta chronique, je suis en train de me l'enchaîner juste après "The Prince Of The Poverty Line", Walkyer a un "flow" et une diction assez remarquables et rien qu'en lisant les paroles en écoutant les titres, on devine, même sans saisir toutes les nuances de la langue anglaise, qu'on s'approche de la poésie.

cglaume

cglaume le 17/08/2020 à 06:16:28

Rien que le nom du groupe déjà, est joliment troussé. "Habillé de ciel"... C'est loin du "La teub à l'air" qu'on serait en droit d'attendre du groupe de Thrash lambda :D

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