Sovereign (nor) - Altered Realities
Chronique CD album (41:33)

- Style
Old school SF Techno-Death - Label(s)
Dark Descent Records - Date de sortie
19 janvier 2024 - écouter via bandcamp
Ces derniers temps, suite aux cicatrices profondes laissées sur nos tympans par les derniers Xoth et Venus, l’association des termes « Metal technique » et « visions cosmiques » a tendance à évoquer le Thrash expert de Vektor, voire, au-delà, celui de son aïeul Voivod. Il n’y a pourtant pas si longtemps, ce cocktail aurait aussitôt fait jaillir dans les esprits les pochettes de Thresholds, Spheres, voire Unquestionable Presence. Et d’ailleurs cela pourrait bien redevenir le cas sous peu, Nocturnus et Pestilence prévoyant de mettre de nouveaux CD dans les bacs (…c’t’expression de brontosaure, mazette !) durant le premier semestre 2024. Mais un autre événement s’inscrit également dans cette dynamique du retour en force du Techno-Death : la sortie, en janvier, d’Altered Realities, le premier album de Sovereign.
C’est qu’en effet, cette formation apprécie, elle aussi, de tortiller de la guitare au milieu des nuages de comètes. Elle aime les contorsions progressives, les changements fréquents de cap, les challenges techniques… Ainsi que ces vieilles prod’ qui sentent la colonie spatiale désaffectée et les œufs de xénomorphes fraîchement éclos – ce type d'écrin sonore permettant sans doute de mieux faire croire à l’auditeur distrait qu’il est en présence d’un titre de Pestilence échappé des sessions studio de Testimony of the Ancients, ou de son successeur. Voire d’une compo oubliée qui n’aurait pas trouvé sa place ni sur Human, ni sur Spiritual Healing. D’ailleurs, puisqu’on évoque ce dernier, le mimétisme entre cette offrande des Norvégiens et le 3e album du grand Chuck s’imprime jusque dans les titres des compos, « Altered Reality » renvoyant à « Altering the Future », « Synthetic Life » à « Low Life », tandis que « The Enigma of Intelligence » pourrait équivaloir à « Within the Mind ».
Mais peut-être n’est-ce que dans ma tête... Il y a tellement de bordel là-haut !
Ce qui n’est pas dans ma tête en revanche, c’est la proximité du Techno-Death ici proposé avec celui pratiqué par les Grands Anciens floridiens et néerlandais ci-avant évoqués. Sans compter l’accent régulièrement mis sur les atmosphères par l'entremise de nappes de clavier qui peuvent également évoquer Nocturnus – quoique le synthé ne soit ici qu’un accessoire annexe. Quant à la basse, elle pourra occasionnellement rappeler Sadus – et donc Steve DiGorgio, et donc Human à nouveau. Et puisqu’on en est à namedropper comme des sagouins, continuons en évoquant cette fois le line-up de cette jeune formation norvégienne, qui ne l’est pas tant que ça, jeune, car elle abrite en son sein des musiciens confirmés, issus entre autres de Nocturnal Breed et d’Execration.
Tant de talent et d’influences raffinées : on s’attend à ce que soit déversés sur nous dentelle, soie, or, encens et myrrhe. Et c’est en partie le cas sur « The Enigma of Intelligence », « Synthetic Life » (quel final !!) et « Nebular Waves » (quel démarrage !!). Malheureusement tout n’est pas que bonheur et félicité au cours de ces 41 minutes. Du moins pour ceux qui attendent d’un tel album qu’il soit plus qu’une grosse pelote de riffs mal peignée, autre chose qu’un festival du plein-la-vue-mais-rien-retenu. Parce qu’on a la nette impression que, tout fins virtuoses qu’ils sont, nos amis manquent de cette maturité qui permet 1) de bâtir grand et solide à partir des matières premières mises à disposition 2) de se souvenir qu’il y a des êtres humains à l’autre bout de l’enceinte, et que ceux-ci pourraient vouloir faire leurs ces 7 compos, plutôt que de n’être que des spectateurs passivement impressionnés.
« Futile Dreams » est un bon exemple de ce travers : tressautant, piqué de leads stridentes, flou, agité mais non focalisé, le morceau décline une esthétique proche de celle de Spheres, mais sans que son vaisseau n’atterrisse jamais sur aucune planète, tel ces nuages de moucherons qui volètent follement, fatiguent l’œil et l’esprit, et dont la logique cinétique – sans doute avérée et très complexe – échappe complètement à l’entendement humain. Dur de ne pas décrocher face à de tels assauts. Surtout quand vous ajoutez à cela de nombreux solos affirmant clairement leur indépendance vis-à-vis de la ligne directrice musicale – à la limite de l’autisme parfois. Plus des durées un peu excessives (dix minutes pour « Absence of Unity »). Plus cette prod’ qui a tendance à gommer les contours et flouter un peu les leads...
Alors oui, objectivement c’est de la belle œuvre qui nous est ici proposée. Il n’empêche qu’on a trop souvent l’impression que les loustics gâchent leur talent dans un manque patent de direction. Ce qui explique que, plutôt que d'associer à nouveau la thématique "Spock & Tech" à Pestilence & co, on préfère pour le moment rester sur nos références vektoriennes de l’année dernière (… mais aussi, pour planter enfin le pied dans cette bissextile année, sur les derniers Exocrine et Dissimulator, autrement plus goûtus).
La chronique, version courte : rien de mal à vouloir être le calife à la place de Pestilence (période Testimony of the Ancients et Spheres) ou de Death (cuvées Spiritual Healing et Human)… Dans l’espace intergalactico-technico-progressif, il y a de la place pour toutes les formations brillantes et de bonne volonté ! Problème : pour remporter la mise, il ne suffit pas de déclencher, à intervalles réguliers, des Hooo et des Haaa. Il faut que tout ce savant tricot serve à confectionner de belles fresques qui flattent l’oreille quand on les observe avec du recul. Or, sur Altered Realities, c’est trop rarement le cas.
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