Temple Of Dread - Beyond Acheron
Chronique CD album (45:39)

- Style
Death Metal - Label(s)
Testimony Records - Date de sortie
11 août 2023 - Lieu d'enregistrement Soundlodge Studio
- écouter via bandcamp
Sur le terrain de la prodigalité et du manque d’originalité, Rogga Johansson reste intouchable : dans ce domaine, il évolue à des années-lumière du tout-venant death-métallique. Cependant, si l’on va dans le détail et que l'on zoome quelques brassées à l’avant du peloton qui s’agite dans son sillage, on y distingue clairement une formation allemande dont la constance et le classicisme sont de ceux qui permettent de rafler les médailles d’argent. Car de 2019 à aujourd’hui – en l’espace de 6 ans, donc, à l’heure où je vous écris – Temple of Dread a sorti pas moins de 5 albums. À ce rythme, on peut presque parler d’incontinence créative… Avec ses petits bras musclés, la CoreAndCo team a essayé de vous relater l’abnégation et la foi de ces templiers partis en croisade pour la défense du Death Metal originel, celui jadis façonné dans les forges floridiennes et nord-européennes. D’où des chroniques de Blood Craving Mantras et World Sacrifice, les deux premiers chapitres de l’aventure, qui vous attendent à quelques clics d’ici. Mais las, devant l’ampleur de la tâche et face à une concurrence souvent plus sexy, il s’est révélé compliqué de maintenir la cadence. D’où l’impasse sur la sortie d’Hades Unleashed, en 2021. Et un gros retard à l’allumage sur la chronique de Beyond Acheron, qui fait que l’on se retrouve aujourd’hui dépassé par l’actualité d’un 5e album, God of the Godless, prévu pour le début octobre…
Mais il nous en faut plus pour baisser les bras.
Alors hardi petit : rendons-nous au-delà de l’Achéron, afin de voir si l’herbe infernale y est plus verte !
...Eh bien non. En même temps, en ces contrées sous-terraines, il fallait s’y attendre : ce n’est pas le vert qui domine, mais bien le noir. Car si, sur ses deux premiers albums, Temple of Dread s’était révélé être l’un de ces vaillants petits soldats du Death qui bataille sans se poser de grandes questions existentielles, ce 4e épisode le voit devenir plus sombre, voire plus pesant. Ce qui se traduit par un périple à la durée plus importante – trois quarts d’heure cette fois – et des morceaux plus longuement développés – jusqu’à 6, voire 7 minutes. Ainsi que, de-ci de-là, par quelques intonations Black Metal – ce supplément d’acidité charbonneuse étant plus particulièrement sensible sur « World Below » et « Asebeia ».
… Alors, qui a dit qu’il n’y avait rien de neuf à attendre de ces tâcherons teutons ?
Mais regardons-y de plus près, afin de déterminer qui, du bon vieux Death classique typé 90s, ou des aspirations naturelles à un peu plus de variété, a fini par gagner la bataille de 2023.
Quand les clapotis lugubres de « Charon’s Call » viennent léchouiller nos tympans, face à cette intro mélodico-funeste tout ce qu’il y a de plus formattée, on se dit que les dés sont jetés : on va rempiler pour du pur jus de déjà vu, en partie cuisiné dans des marmites suédoises. Mais les prémices fortement typés Death/Black du morceau-titre nous font douter un instant : serait-ce la Suède de Dissection, et non celle d’Entombed, qui nous attend, finalement ? Non, rassurez le fan de Brutality qui grommelle en vous : Temple of Dread revient vite à un Death à la fois mélodique et franc du collier, à l’européenne (on pense à Morgoth, et au Pestilence d’avant les dentelles), qui aurait mariné dans un jus schuldinerien. Ce qui, néanmoins, n’exclut pas quelques retours bien sentis aux blasts glacés des corbeaux corpse-paintés. D’ailleurs, puisqu’on barbote dans les décibels de « Beyond Acheron », profitons-en pour dire à quel point le morceau est réjouissant, à la fois fougueux et varié, très typé 90s il est vrai, mais dans ce que la décennie avait de plus ambitieux.
Et plutôt que de dérouler la tracklist comme Ariane son fil, focalisons-nous sur les réussites les plus franches de l’album en passant directement à « Damnation », dont l’emphase majestueuse et quelques coquetteries orientalisantes renvoient à un Nile quelque peu assagi. Quoique les sept minutes trente que dure le titre ne sont pas juste consacrées à errer dans les catacombes : on passe en effet un bon tiers du temps en compagnie de guitares leads assez généreuses, voire carrément joviales (à 4:35, on aurait même presque envie d’écrire « guillerettes »), ce qui contribue à créer un effet de contraste pas désagréable. Dans la foulée, « Dance of Decay » revient à un format plus ramassé, plus direct, mais aussi plus groovy, histoire de rappeler quels sont les fondamentaux du groupe. Chaussé de nos bottes de sept lieues, on se rendra enfin directement à la piste n°9, afin de profiter du titre le plus court du lot, « Asebeia », dont les deux minutes treize sont uniquement consacrées à rappeler à l’auditeur que le groupe brûle toujours de la même ferveur brutale.
Le reste de l’album, s’il ne démérite jamais vraiment, se révèle plus ou moins notable selon la piste et les plans, le menu étant largement consacré au Death-qui-n’en-veut, cuit au chaudron, pas exempt de belles mélodies, avec derrière le micro un méli-mélo de postillons évoquant Death, Pestilence et Obituary. Tantôt le recours à quelques orchestrations prétend élever le débat. Tantôt l’affirmation d’un certain classicisme en passe par des guests ciblés (Marc Grew de Morgoth sur le poussif « The Plague », Henri Sattler de God Dethroned sur le morceau-titre). Tantôt la noirceur reprend le dessus, et on frôle alors la dépression (cf. « Hades », qui conclut sur une spirale instrumentale sinistre, dans la continuité de « Charon’s Call »). Mais jamais l’on ne s’extrait complètement d’une certain vision du Metal de la mort, rugueux mais goûtu, ciblant majoritairement un public plus attaché aux traditions qu’à l’innovation.
À l’heure du bilan, contrairement au plus sanguin de mes collègues – qui soigne ses nerfs avec des infusions à base de Crust et de Pagan Black, ce qui prouve que la musique n’adoucit pas forcément les mœurs – je sors plutôt satisfait de ce Beyond Acheron, qui n’est pas que du rebut de 3e division, ô non. Certes, je n’irai pas me battre torse nu dans le blizzard pour défendre corps et âme ses mérites face aux légions vomissantes de la critique déchaînée. Mais il serait mal venu de le bouder, tant il recèle de ces belles tranches de kiff qui caractérisent ces nobles tables musicales où nos oreilles aiment à se repaitre. On vous le conseille donc, pour peu que vous soyez plus jambon beurre préparé avec amour que flûte de champ’ et petits fours.
La chronique, version courte : Beyond Acheron continue d’affirmer l’amour immodéré que Temple of Dread porte au Death Metal de tradition. Mais cette fois, plutôt que de continuer à tambouriner sans discontinuer aux portes des chapelles floridienne et européenne, les Allemands ajoutent un soupçon de noirceur et de majesté à leur propos, leur palette s’enrichissant tantôt de nuances Death/Black, tantôt de noblesse Nilesque, faisant de ce 4e album un fier représentant d’une 2nd division méritant toute notre attention.
2 COMMENTAIRES
Crom-Cruach le 16/09/2024 à 18:40:00
Je me suis particulièrement emmerdé.
Très rapidement.
cglaume le 16/09/2024 à 21:06:36
Comme le dit la chronique “… contrairement au plus sanguin de mes collègues…” 😁
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