The Last Of Lucy - Godform

Chronique CD album (32:26)

chronique The Last Of Lucy - Godform

En 2023, l’étroite niche du Cyborg Tech Death avec-du-poil-autour – mais si, vous savez, ce bataillon de mechas dirigé par Archspire et Beneath The Massacre, qui ratatine tout ce qui dépasse à la tronçonneuse thermonucléaire – la niche du Tech Cyborg Death, disais-je, nous a régalés en laissant échapper non pas un, mais deux albums particulièrement délectables : Instrumentality (de Chaos Sanctuary) ainsi que Datalysium (de The Zenith Passage). Ce qui fait déjà beaucoup pour un genre aussi exigeant, et donc aussi peu prolifique. Cette année, alors qu’on arrive déjà à mi-course calendaire, il n’y a guère pour le moment que Legend, le dernier Exocrine, qui mérite d’être rattaché au genre. En revanche, à moins que mes indics ne fassent mal leur taf, rien d’autre à l’horizon...

 

Sauf qu’avec l’arrivée du moi de mai, une silhouette a commencé à se dessiner sur ledit horizon…

« Lucy, c’est toi ? Lucy, Lucy dépêche-toi, on vit, on ne meurt qu'une fois… »

Rhaaa, sortez-moi ce fâcheux d’ici !!

 

À cent mille lieues du registre d’Obispo, c’est The Last of Lucy qui s’en revient avec, sous le bras, de quoi permettre à 2024 d’atteindre son quota syndical de Bionic Tech Death. Et ce Godform, Maman : pas une goutte d’eau n’a été mise dans le vin apocalyptico-mécanique dont le genre est coutumier. Car si les trois autres formations dont on a mentionné les récents millésimes ont tendance à diluer plus ou moins leurs déflagrations de violence dans un jus progressivo-expérimental, pas de ça chez les Californiens ! Le programme de ceux-ci est sans ambiguïté : il s’agit d’atomisation décibellique canal historique, et donc tempêtes riffées force 11, rythmiques marteaux-piqueurs, changements de pieds aussi fréquents que chez les kazatchokeurs de l’extrême, et rafales de parpaings en pleine poire avec finition assurée par une escouade de rhinos. En sus, histoire d’ajouter quelques touches perso à la tourmente, la formation alterne growls bourrus et shrieks pointus, opte parfois pour le mode de cuisson « Black Metal », et trahit de nettes influences « -core » (Deathcore principalement, quoiqu’on nous souffle à l’oreille que le groupe aurait démarré sa carrière avec un pied fermement planté dans le Mathcore).

 

Allez, c’est vrai : pendant quelques rares poignées de secondes, on entend de délicats arpèges aériens par-ci, une once de chant clair par-là, voir même un timide saxo sur « Twin Flame ». Comme chez Exocrine, c’est ça. Sauf que c’est pour mieux te tromper mon enfant, pour que Mamie puisse mieux te croquer un bon gros steak de joue quand tu auras baissé la garde !

 

L’effet immédiat de ce troisième album – d’un groupe dont Margoth vous a déjà parlé en 2017 (ici), et qui a depuis accueilli derrière ses toms le batteur live d’Ominous Ruin, je referme cette « parenthèse » indûment ouverte dans le seul but d’y glisser quelques infos supplémentaires – l’effet immédiat de ce troisième album, donc, c’est une excitation émerveillée. Du moins chez l’amateur du genre. Parce que tout ce qui nous fait bicher est réuni, juste là, en un paquet bien dense, et ce pendant une demi-heure. Une puissance phénoménale. Une précision chirurgicale. Une furie inarrêtable. Et un niveau technique de malade. Testez les premières secondes de « Twin Flames », vous allez voir… Conséquence logique de cet effet Whaou violent, le lapin qui vous cause (Alice ? Non : Lucy. Ah, désolé) a sauté sur la précommande du skeud après avoir entendu tout juste quelques fragments d’extraits, excité comme une puce lors de son premier saut sans élastique.

 

Mais Impatience est mère de Déconvenue, comme aurait pu le dire un dicton. Vous avez vu la note : on est loin des Félicitations du Jury. Pourquoi donc ? Eh bien parce que si la forme est travaillée de manière phénoménale, le fond nous échappe. Le blindage est en titane, mais on finit par se demander si celui-ci abrite vraiment quelque-chose. Notre CPU cérébral mouline à fond la caisse, mais peine à décoder le message, et n’a donc rien de concret à balancer en direction du cœur. Bref : c’est tout sec. En plus, comme le disait déjà Margoth à l’époque, c’est extrêmement redondant. La même formule est appliquée, encore et encore. Un exemple ? Un parmi cent autres : tous les morceaux (hormis « Angelic Gateway ») démarrent sur quelques secondes d’atmosphères diffuses aussi indistinctes qu’inutiles…

 

Mais tant de talents réunis et d’énergie si expertement déchaînée ne pouvaient ne produire que de l’étron de zébu. Et en effet, on a moult occasions de se régaler au cours de ces dix pistes. Sur un « Sanguinary Solace » légèrement plus lisible que la moyenne, par exemple. Le problème principal étant qu’on kiffe par-ci, on kiffe par-là, mais à partir de miettes, aussi nombreuses soient-elles, on ne fait jamais une belle brioche…

 

Alors voilà, on est un peu déçu. Parce qu’au lieu de la jouer immersif, quand il souffle sur les braises à s’en exploser les poumons, Godform nous laisse sur le bas-côté. Du coup on constate la géhenne sans vraiment la vivre, en dehors de quelques épisodes ciblés – saccades monstrueusement moshy, exploits mélodiques ponctuels – trop dispersés dans la trame. Et si l’on ne peut s’empêcher de rester impressionné devant un tel déchaînement, on se dit qu’on aurait quand même préféré être passionné…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte : dans la famille Cyborg Tech Death avec-du-poil-autour, j’ai déjà le papa Beneath The Massacre, la maman Archspire, ainsi que tout un tas de rejetons brillants. Mais plus on est de fous, plus on rit : alors laissons donc entrer The Last of Lucy, cousine dont le 3e album, Godform, ne rigole clairement pas. Et offre à l’auditeur la possibilité de sentir ce que cela fait de mourir écrasé sous un porte-avions qui – mais qu’est-ce qu’il foutait là ? – semble tombé du ciel droit sur sa caboche. Puissance phénoménale, précision chirurgicale, furie inarrêtable, niveau technique de malade : tous les ingrédients de la réussite sont rassemblés. Malheureusement, si l’on s’en mange effectivement plein la tronche, on n’arrive jamais vraiment à digérer cette masse étouffante d’informations manquant clairement d’émotions, voire de direction.

photo de Cglaume
le 28/06/2024

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