Exocrine - Legend
Chronique CD album (43:29)

- Style
Brutal Tech-Death progressif - Label(s)
Season of Mist - Date de sortie
26 janvier 2024 - Lieu d'enregistrement Triceraprod Studio
- écouter via bandcamp
« L'excellence à la française »
Voilà le genre d'expression qui sent la cocarde fiérote, le clocher triomphant, le patriotisme de sous-préfecture. Quand on l'entend, on imagine un Arnaud Montebourg en béret, marcel et écharpe tricolore nous vantant les mérites de l'apiculture hexagonale. Ou un René Coty, des trémolos dans la voix, apportant aux foules ignorantes la bonne parole du diesel et de la 403, fleuron de chez Peugeot et gloire des routes de France.
… Tout le monde au garde-à-vous pendant qu'on hisse le drapeau !
Mouais, pas très CoreAndCo tout ça...
Pourtant il arrive que ce genre d'expression en vienne à s'imposer d'elle-même. Y compris sous la plume des zigotos gesticulant du verbe dans le présent web-canard (bien qu'ils se targuent de n'être pas les plus fervents souverainistes des hôtes de ces bois). Car bordel, quand on a à l'intérieur de ses frontières un talent aussi éclatant et constant qu'Exocrine, on aurait comme des envies de Cocorico ! Alors certes, je me suis levé trop tard pour goûter à Unreal Existence, leur premier album sorti en 2015, mais par la suite, jugez plutôt :
- 2017 : Ascension, 8,75/10
- 2018 : Molten Giant, 9/10
- 2020 : Maelstrom, 9/10
- 2022 : The Hybrid Suns, 8,25/10
- 2023 : Legend, 8,5/10
C'est pas un bulletin de notes de premier de la classe, ça ? Mais attention hein, pas le genre binoclard boutonneux qui fait ses déclinaisons – « Rosa Rosa Rosam... » – sur fond d'Emo-Post Rock fragile. Non, nos Bordelais sont plutôt de grosses brutes à tête bien pleine, qui résolvent des équations guitaristiques à multiples variables tout en tartinant un Brutal Death virtuose au feu suffisamment nourri pour dégommer un King Kong en pleine montée de sève.
Legend repose sur les mêmes piliers que les opus précédents. Tout d'abord une violence abyssale, terrassante, growl-de-grizzli-et-rythmique-d'auroch – toutefois plus typée Archspire que Devourment, plus Robocop que Leatherface. Deuxième élément fondamental : une technique acérée, phalanges de cyborg sur le manche et I.A.-pieuvre derrière les fûts, option chirurgiens-snipers. Troisième constante, qui fait toute la différence avec les robots-riffeurs diplômés de la Guitar Wizards Academy : des fils d'Ariane mélodiques nombreux, tissés serrés tout le long des trois quarts d'heure que dure Legend. Et depuis Maelstrom il faut également compter avec une quatrième composante : des développements progressifs, carrément osés parfois, qui voient le groupe incorporer à ses impitoyables assauts tantôt des éléments d'ambiance électroïdes (en intro souvent), tantôt de la trompette (une seul occurrence cette fois, sur le morceau-titre), tantôt des orchestrations fastueuses (cf. « By the Light of the Pyre »), tantôt des pointes d'audace inattendues (le final typé Depeche Mode de « Dust in the Naught »).
Quand les ingrédients sont de premier choix et que les cuistots sont étoilés, pas de surprise : c’est à un véritable festin que l’on est convié. Alors je sais : vous n’êtes pas ici pour lire l’intégralité du menu. Mais laissez-moi quand même aider vos glandes salivaires à vous inonder les babines en évoquant le morceau-titre, dont les formidables déferlantes de brutalité harmonieuse poussent naturellement notre imaginaire vers le gigantisme (mon cerveau traduit cet afflux de notes en images d’un processus colossal de terraformation transformant une planète aride en un éden avatarien). Les twins qui riffent de concert en ouverture de « Life » ? L’incarnation musicale de ces symétriques robinets – eau chaude / eau froide – qui tempèrent le liquide vital jaillissant de la légendaire Source de Vie. Et comme l’abus de superlatifs est mauvais pour le cœur, on se contentera d’affirmer que l’on pourrait continuer ainsi piste après piste, mais qu’on n’en fera rien. Finissons juste ce coup d’œil en diagonale à la carte en vous donnant un rapide aperçu des deux extrémités du spectre couvert par les Bordelais : à ma gauche, les épices les plus brûlantes vous attendent à la fin de « Warlock », lors d’une séance de sulfatage extrême au cours de laquelle le groupe se livre à une démonstration aussi inhumaine que kiffante, qu’on aurait à tort pensé cantonnée aux disques de Beneath The Massacre et Braindrill. À ma droite, ex-aequo avec la fin de « Dust in the Naught » évoquée quelques lignes plus haut, on récompensera du prix du passage le plus délicat de l’opus l’extinction des feux acoustique qui pousse les derniers clients hors du troquet « Dragon » – il faut sortir Messieurs maintenant : on ferme !
Encore un album sans heurts et sans reproche, donc ?
Oui. Mais si vous me poussez dans mes derniers retranchements afin que je justifie l'infériorité de cette note par rapport à celles attribuées à certaines sorties précédentes, je finirais par lâcher que « Presage », l'intro de « Legend », est peut-être un peu trop cliché. J'ajouterais qu'il est dommage que les parties orchestrales de « By the Light of the Pyre » ne soient qu'accolées artificiellement au morceau plutôt que réellement incorporées au sein de celui-ci. Rien de bien consistant, donc, en termes de langue-de-puterie. Car Legend est un autre pavé rutilant dans la mare du Death Metal de très haute qualité, et les raisons d'en dire du mal sont aussi peu nombreuses que les épis parsemant la toison de Kojak. Pas étonnant donc, que Season of Mist ait fini par mettre son grappin sur ce joyau hexagonal – pas trop tôt, d'ailleurs, aurait-on envie de dire. On espère qu'ainsi épaulé, Exocrine ira enfin rejoindre les Archspire, Beyond Creation et autres Atheist (désormais des compagnons de labels) au panthéon des Death-techniciens de légende – ou au moins sur les planches, pour commencer, lors de tournées d'envergure, afin que la bonne parole se répande le plus largement possible !
La chronique, version courte : « Do it to me one more time, Babe » demandait Lionel Richie. Et ce que Lionel veut, Exocrine le fait. C’est donc la 6e fois que les Bordelais nous inondent les terminaisons nerveuses de leur Death metal aussi expertement technique que délicieusement mélodique, impitoyablement brutal, et superbement arrangé. On y retrouve cataclysmes cosmiques, émerveillements sensoriels et feux d’artifice virtuoses à foison, toujours quelque-part à la croisée des mondes d’Archspire, Gorod… et Xoth (pour les astres lointains qui brillent à travers le feu brûlant des réacteurs – sacrebleu, j’aurais dû mentionner ces derniers dans le corps principal de la chronique !)
2 COMMENTAIRES
noideaforid le 26/01/2024 à 10:57:49
J'apprécie de plus en plus ce style. Cette sorte de désolation contemplative musical. C'est brutal mais une brutalité différente dune chair brûlée avec des intestins et du sang partout.
les raisons d'en dire du mal sont aussi peu nombreuses que les épis parsemant la toison de Kojak. 😂 👍
cglaume le 26/01/2024 à 12:29:36
Homme de goût ! (rapport à Exocrine, pas à Kojak 😁)
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