The Omnific - The Law Of Augmenting Returns

« Qu'est-ce qui vit en Australie, est muet, et amputé d'un manche ?

- Je 'sais pas, moi : Crocodile Dundee ? A 85 ans, côté manche, il ne doit plus être bien vaillant...

- Attends, je t'aide : son anagramme, c'est MC Fiion.

- ... Non, vraiment, je ne vois pas. »

Forcément, pour vous c'est plus facile : c'est écrit en gros là-haut.

En effet, The Omnific est basé à Melbourne, et a pour particularité de n'avoir ni chanteur, ni guitariste.

Ce genre de recette peut sembler un peu effrayante, voire repoussante. Car qui fait le show, hein, d'habitude, si ce n'est le/la chanteur/se, et le/la soliste ? Eh bien pas de ça chez les Fific, qui se composent en tout et pour tout de deux bassistes, et d'un batteur. Plus des pistes de clavier, car quelques mélodies additionnelles ne sont parfois pas de trop. Plus des copains également, dont certains apportent ponctuellement quelques couleurs autres, à coups de violoncelle, de trombone et de trompette. Car ça peut être un peu aride, la basse, sans contrepoids harmonique.

... Bigre : bien que cette bruyante brigade soit bizarrement bâtie, votre bouche ne bée pas (cette allitération en explosives vous est offert par iBanez) !

C'est que vous en avez vu d'autres ! Comme les débuts de Bangladeafy, par exemple. Ou, plus loin dans le temps, mais plus proche de nous géographiquement, les EP de Zvoyn. Certes. Mais rien de véritablement comparable avec The Omnific. Car je vous le répète : ici les bassistes sont au nombre de deux. Ce qui veut dire qu'ils peuvent, en parallèle, d'un côté tartiner des couches onctueuses, et de l'autre racler les chairs en mode barbelé. Car c'est l'un des avantages de cet instrument explorant les fréquences les moins hautes du spectre sonore : il peut être aussi bien caressant qu'urticant, selon la façon dont on le gratouille. Autre différence majeure : c'est dans le créneau djento-progressif (… et instrumental, donc) que notre brillant trio a choisi de déployer son talent. Dans le même vestiaire qu'Animals As Leaders, Polyphia, Plini et Syncatto, voilà, c'est ça. Mais sans guitare. D'ailleurs il a tout fait pour que ses compos sonnent avec la même clarté geek que ses comparses (on entend la moindre attaque de corde, comme si le médiator s'en prenait directement à nos oreilles) en faisant appel à Ermin Hamidovic pour le mastering, artisan ayant déjà mis son talent au service de Devin Townsend et Periphery.

Allez, quitte à finir de vous ensevelir sous les infos, sachez que – au cas où vous penseriez encore qu'il s'agit là de petits jeunes n'ayant pour expérience que quelques tutos sur TikTok – The Omnific a déjà 3 EP et un album à son actif. Sans compter des dates et/ou tournées en compagnie de Between The Buried And Me, Intervals, Twelve Foot Ninja et Osaka Punch. Plus une tournée américaine. Et une participation au ArcTanGent 2024. Bref : pas des bleu-bites, les bass boyz.

« OK. Mais ce The Law Of Augmenting Returns alors : il est à la hauteur de sa chouette pochette ? »

Si vous aimez les œuvres des références citées quelques lignes plus haut, oui, clairement. L'album est constitué de huit pistes, parfois un petit poil plus longues que nécessaires (PAF, une pique d'entrée de jeu), mais globalement tout aussi intéressantes que celles concoctées par les formations régnant sur cette scène au niveau d'exigence extrêmement haut. Vous y admirerez les mêmes paysages magnifiques, y ressentirez les mêmes frissons exaltants (« The Omnific ≈ Bass », par exemple, vous procurera les deux)... et profiterez en bonus d'un humour pince-sans-rire, léger mais affirmé, qui trouve un écho bienvenu de ce côté-ci de l'écran. Parce que les binoclards concentrés sur leurs instruments, ça va un moment ! Une attitude un peu relax, un beau sourire, c'est comme la fève dans la galette : sans, le goût est le même, mais avec, c'est quand même plus fun ! On accueille donc avec plaisir les chœurs à la mode Barbershop qui ouvrent l'album (pas mal pour un opus instrumental!), le final redneck du morceau-titre, qui tranche joyeusement avec le majestueux thème principal qui y est longuement développé, ainsi que les diverses zouaveries qui parsèment « Double Malt Ditty » – un Ooops par-ci, un peu de chiptune par-là...

Si l'on n'avait le droit de ne ramener à la maison qu'un petit échantillon extrait de la tracklist, les heureux élus seraient « The Omnific ≈ Bass » (buterie de bout en bout), « The Law Of Augmenting Returns » (notamment pour son fil conducteur mélodique, particulièrement épique), et « Will-O'-The-Wisp » (qui sait, lui aussi, parler au palpitant). Ainsi que « Double Malt Ditty », parce qu'il est trépident, multiple et rond, et qu'il réserve, à 1:27, une superbe séquence funky, à s'en choper une bonne grosse fièvre du samedi soir !

« Because you know I'm all about that bass, 'bout that bass, no treble.

I'm all about that bass, 'bout that bass, no treble... »

C'est qu'on va finir par assurer les chœurs derrière Meghan Trainor si ça continue ! Car nous aussi on se sent tout chose au terme de The Law Of Augmenting Returns. Pas qu'on n'aimait pas l'instrument auparavant – slappé, dans un bon gros morceau de Funk Metal, quoi de mieux, franchement ? Mais on n'était pas forcément sûr de pouvoir tenir trois quarts d'heure uniquement en sa compagnie. Or c'est chose faite, et validée : de la baboule, ce bombardement bouillonnant de basse ! Ou plutôt, comme dirait les Ricains en de telles circonstance : Ba[da]ss !

La chronique, version courte : vous êtes bouche bée et muqueuses affolées quand retentissent sur vos enceintes les exploits d'Animals As Leaders, Polyphia, Plini et compagnie ? Votre parfum préféré c'est celui de la basse – d'ailleurs vous en mettriez bien une deuxième boule dans votre cône, plutôt que l'habituelle boule de guitare à la pistache ! Eh bien vous pouvez d'ores et déjà inscrire le nom de The Omnific sur votre liste pour le Père Noël, car il semblerait que The Law Of Augmenting Returns, leur deuxième album, ait été conçu en parfaite adéquation avec vos attentes !

Cglaume

le 01/08/2024