The Scalar Process - Coagulative Matter
Chronique CD album (49:55)

- Style
Prog Tech Death brumeux - Label(s)
Transcending Obscurity - Date de sortie
19 février 2021 - écouter via bandcamp
« … toi qui aimes les trucs techniques chiadés, vas-y, essaie : tu vas kiffer. En plus c’est français ! »
Je cite de mémoire, le fond est sans doute plus exact que la forme. En tous cas c’est dans cet esprit que The Scalar Process a été introduit dans mon vestibule chroniquatoire, tenue impeccable et lettre de recommandation en main. Une oreille jetée rapidement sur cette dernière (en fait de lettre il s’agissait du titre « Beyond The Veil of Consciousness ») m’apprit qu’en effet, il semblait bien qu’on ait là affaire à l’un de ces fiers représentants de l’Hexagone dans l’univers ô combien élitiste du Tech Death à gants blancs. Quand en plus il apparut que le premier album de ces Bisontins avait été adoubé par le label Transcending Obscurity, il était clair que le deal allait se conclure : on allait causer de ces habiles joaillers dans le webzine du Core, certes, mais aussi du Co – bref du reste, parmi lequel tout ce qui bleuargle brillamment dans la dentelle.
Dans quelle catégorie ce groupe au patronyme mixant joyeusement algèbre et ingénierie boxe-t-il donc ? Eh bien comme un certain nombre de ses camarades français, celui-ci pratique un Death technique qui tour à tour emprunte des détours progressifs, puis s’offre quelques volées de bois vert rappelant opportunément qu’on n’est pas en train de poireauter dans une salle d’attente d’ostéo. Pour apporter quelques touches différenciantes, nos amis colorent régulièrement leur blasteries de touches Black Metal, et surtout se plaisent à faire baigner leurs compos dans d’amples nappes nuageusement atmosphériques qui floutent un peu les contours et nimbent leur musique de mauve, de rose et de lumières clignotant faiblement. Comme si une partie de l’écoute de l’album se faisait depuis les cocons artificiels où les piles humaines que nous sommes devenus dans la dystopsie matrixienne dorment d’un sommeil faussement bienheureux.
Bon, pour être honnête le premier contact fut un peu rude. Il faut dire qu’« Elévation » éveille l’auditeur dans un halo grinçant, lancinant, strident… Bref un peu stressant pour qui n’est pas excité par des lames rouillées grattouillant un vieux tableau noir. Mais le propos du groupe se précise bien vite : on va se faire baffer, fortement mais proprement. Avec la tête qui part à 180°, mais sans les petits bouts de muqueuse qui tâchent la chemise ni les globes oculaires qui pendouillent des orbites. Petit à petit, alors qu’on se repaît de la richesse des décors, on se met à effectuer quelques rapprochements. Avec un Exocrine qui aurait troqué son bazooka pour un attaché-case – lors de ces moments où ça meule méchamment. Avec un Gorod légèrement désengroovifié – du fait de nombreux plans assez fortement typés. Et avec Fractal Universe – pour ces parenthèses plus sophistiquées (… d’ailleurs c’est le batteur de ces derniers qui joue du tamtam sur ce premier méfait). Et l’on pense également à Cynic sur certains interludes planants – notamment « Mirror Cognition » qui se déguste avec petits fours et lumière tamisée.
Les amateurs de violence intelligente et nuancée seront donc à la fête pendant ces presque 50 minutes. Ils apprécieront par exemple « Ink Shadow », son démarrage très gorodien, sa lead brumeuse stridulante, ses fulgurances et ses riches drapés. Bonnes vibes encore avec « Celestial Existence », qui continue de jouer les mêmes cartes : du Gorod ultra léché (à 0:51 par exemple), et de puissants accès de colère enveloppés d’une prod vaste mais cotonneuse. On accroche également à « Poisoned Fruit » et ses brillantes zébrures guitaristiques (vers 1:18), ainsi qu’à « Beyond The Veil of Consciousness », donc, qui se permet d’être un peu plus groovy (tiens, à 0:30, ça « swingue » ou pas ? Je ne vous dirais pas à qui ça me fait encore penser…).
Sur la durée par contre, notre enthousiasme se heurte à quelques cailloux malencontreusement abandonnés sur la route du plaisir auriculaire. Il trébuche par exemple sur certains gimmicks de composition qui reviennent un peu trop systématiquement, telles ces régulières pauses zen qui débarquent généralement ente la moitié et les deux tiers des morceaux. Mais aussi sur cette prod gavée d’échos lénifiants, qui finit par s’avérer trop envahissante, trop anesthésiante. Ainsi que sur ces sonorités exagérément synthétiques, qui s'avèrent parfois presque gênantes (à partir de 2:51 sur « Azimuth », la touche old Amorphis vers 6:14 sur le morceau-titre, sans parler de l’outro « Somnambulation »). N'empêche, le caillou le plus gênant, c'est sans doute le constat qu’au terme de son écoute, Coagulative Matter laisse une sensation diffuse d’homogénéité tiède, tout le brillant objectif dont fait preuve le groupe s’évanouissant dans l’impression d’un bloc de granit solide, expertement taillé, mais manquant de véritables accroches, et peinant à marquer durablement.
Au final les Bisontins se voient donc décerner un Tableau d’Honneur plutôt que les Félicitations du Jury. En effet, si le groupe a tout ce qu’il faut où il faut pour briller, il lui manque cependant ce petit plus qui permettrait de transformer une liste d’ingrédients nobles en un plat qui déchire vraiment. En même temps tout un tas de collègues se pourlèchent les babines en décrivant l'album : cela pourrait bien signifier que le problème vient en fait de mes papilles auriculaires. Puisque doute il y a, faites comme il convient de faire en de pareilles circonstances : allez tremper vos oreilles dans ce doux bain métallique afin de vérifier si sa température vous convient. On n'est jamais à l'abri d'une bonne surprise...
PS : pour ceux que ça intéresse, Scott Carstairs de Fallujah se fend d’un solo sur « Ink Shadow »
La chronique, version courte : Et hop, encore un groupe de Tech Death français signé sur un label d’envergure internationale : Cocoribleuargl ! Coagulative Matter est un brillant premier album sachant montrer les biscotos sans tomber dans le broudôôl bas du front, s’aventurant plus qu’occasionnellement dans les labyrinthes du Prog, et proposant une synthèse – simplifions à l’excès – des répertoires d’Exocrine, Gorod et Fractal Universe plongée dans d’épaisses nappes de synthé atmo-cotonneuses.
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