Voivod - Target Earth

Chronique CD album (56:42)

chronique Voivod - Target Earth

Il y a encore peu, quand on partait en week-end prolongé du côté d’une planète gravitant autour d'un soleil clément, on croisait assez peu d'anciens. A peine une poignée de yodas ridés baragouinant un sabir incompréhensible ou, de temps à autre, un Spock vieillissant se téléportant une fois sur deux en double file. Les starways étaient alors réservées aux astronefs des jeunes loups au sabre laser bien dur, et les spatioports n’étaient que rarement aménagés pour recevoir les personnes à mobilité et espérance de vie réduites. Mais à présent la donne change, certains baroudeurs de l’espace commençant à tutoyer sérieusement le demi-siècle. Tiens, prenez le vaisseau Voivod: ça fait 32 ans qu’il parcourt les espaces intersidéraux des alentours de la planète Metal... Alors forcément, ça en fait des cheveux blancs derrière le tableau de bord! Pourtant l’équipage file toujours bon train, et c’est une fois de plus en empruntant des itinéraires d’elle seule connus que la navette pilotée par Snake, Chewy, Away et Blacky se lance dans une 13e mission longue durée… Objectif Terre!

 

Après tout ce temps passé à naviguer au milieu d’une flopée toujours plus dense de vaisseaux nouvelle génération, il est assez impressionnant de constater à quel point Voivod a su conserver intacte sa façon extrêmement personnelle de forger son metal – selon une méthode immédiatement reconnaissable, et à ma connaissance jamais imitée (...ni, a fortiori, égalée). Sur Target Earth, on retrouve donc avec plaisir cette basse vrombissante évoquant un réacteur à résonance sismique (… ce qui ne veut rien dire, mais qui décrit ma foi pas trop mal le son de l’engin). Autre constante indéboulonnable, la voix de cosmonaute désincarné de Snake continue de nous vanter les bienfaits des bains d’ammoniaque en hyper-gravité jupitérienne. Quant à la guitare de Chewy, elle rend brillamment hommage au défunt Piggy en oscillant entre riffs dissonants évoquant la décadence des Harkonnen (Dune) et accès thrash tantôt punky (« Resistance »), tantôt plus épico-spatiaux. Et les mêmes ingrédients produisent les mêmes sensations chez l'auditeur, parmi lesquelles la peur de l’incommensurable vide interstellaire à l’heure où les moteurs menacent de lâcher, la claustrophobie du scaphandrier voyant sa jauge d’oxygène sombrer dans le rouge, ou encore l’ivresse provoquée par le spectacle d’un coucher de lune sur de hauts massifs volcaniques observé à travers le hublot.

 

Quel que soit le Voivod que vous préférez – teigneux à ses débuts, planant sur Nothingface ou imposant sur Phobos – vous trouverez ici de quoi vous rassasier. Car en retournant sur la petite baballe bleue, les québécois ont ramené dans leurs bagages des souvenirs d’un peu tous leurs voyages. Cependant ce nouvel opus ne réussit pas à atteindre les sommets de ses plus hauts faits d’arme passés, ceci du fait de 2 problèmes majeurs: tout d’abord, Target Earth accuse une baisse de régime en 2e mi-temps, le groupe allant même jusqu’à nous abandonner sur une outro aussi anodine que frustrante, « Defiance ». Et même en considérant « Artefact » comme le vrai dernier morceau de l’album, on pourra trouver ce dernier un peu trop retors pour le rôle – malgré, il est vrai, un riff cosmique récurrent plein d’un merveilleux écho. Autre reproche: bien que globalement assez bien dosé, l’équilibre entre « passages in your face / mélodies grandioses » et « riffing tortueux / malaise rampant » penche trop souvent du côté discordant de la balance, gênant du coup l’émergence de gros tubes francs et indiscutables. On se repaîtra néanmoins de quelques belles pépites comme le morceau-titre, un « Kluskap O’Kom » plus old school et démarrant sur les élucubrations canines d’un shaman inuit, un « Resistance » énergique, limite punk, mais finissant sur un trip halluciné, et surtout « Mechanical Mind », saga voivodienne contenant tout ce qui fait qu’on aime ce groupe. On aurait voulu citer également « Corps Etranger » – LE titre en français de l’album –, d’autant qu’il met en œuvre un bon vieux thrash barbelé bien nerveux, mais tout cela est un peu dégonflé par des éléments plus bancals, moins directement juteux, qui nous empêchent d’en profiter pleinement, sans arrière-pensée.

 

A l’heure du bilan, Target Earth s’avère un bon album, fort de compos riches, variées, offrant l’ensemble des visages et des atmosphères auxquels le groupe nous a habitués, sans pour cela à aucun moment sembler vouloir faire un grand écart putassier destiné à plaire au plus grand nombre. Les fans qui savent apprécier jusqu’à ces moments où le groupe entortille ses guitares comme pour nous poncer les nerfs auditifs à la râpe à fromage seront ravis de cette nouvelle sortie qu’ils pourront arborer sans null hésitation tout en haut de leur Best Of 2013. Toutefois, pour ma délicate constitution de lapin qui choppe vite le mal de mer, l’enthousiasme provoqué par les grands moments de ce 12e album se trouve un peu – mais à peine, hein – tempéré par les nombreux passages de guingois disséminés un peu partout au long de cette petite heure de musique spatiale. Ce qui n’empêche que je ne regrette en rien l’achat de ce  superbe billet pour des ailleurs aussi inquiétants que captivants.

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: « Tout Voivod et rien que Voivod », voilà qui résume pas trop mal le contenu de Target Earth, 12e album sur lequel le groupe nous présente un mélange d’un peu tous ses visages (Killing Technology, Nothingface, Phobos…) sans jamais diluer son vin (vieilli depuis 32 en fût de chaîne HiFi) avec l’eau des tendances du moment. Voivod reste donc le phare qui guide le métalleux naviguant à vue dans le vide sans fin des espaces interstellaires…

photo de Cglaume
le 17/02/2014

4 COMMENTAIRES

Droom

Droom le 18/02/2014 à 09:48:39

Et une chouette chronique, une !

cglaume

cglaume le 18/02/2014 à 19:25:39

Merci ;)

vkng jzz

vkng jzz le 20/02/2014 à 13:13:39

la pire pochette de 2013

pidji

pidji le 20/02/2014 à 14:23:24

Pas faux

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