Voyager - Colours In The Sun

Chronique CD album (42:44)

chronique Voyager - Colours In The Sun

Alors, franchement, lorsque j'ai vu le dossier de presse de Voyager, j'avoue que je n'ai pas pu m'empêcher de sourire. Du rock prog mélangé à de la synthpop des 80's ? Soit... Lorsque j'ai prêté une oreille au truc, le sourire était d'autant plus grand. Non pas d'amusement cette fois mais bel et bien de satisfaction : cette voix ! Mais cette voix ! C'est le rejeton illégitime de Roland Orzabal de Tears For Fears ou quoi ? Il ne m'en fallait pas plus que ce simple petit aperçu pour me charger de ce Colours In The Sun, quand bien même je n'avais pas la moindre idée de la sauce à laquelle j'allais être cuisinée avec l'ensemble. Et puis, le cas m'amusait encore un peu. Allait-il être chroniqué par d'autres confrères ? Et surtout, si oui, combien allaient hurler au scandale, tout particulièrement chez ceux orientés spécifiquement vers le prog' ? Maintenant qu'il y a eu un peu de temps de passé, j'avoue que j'en serais presque déçue : oui, il y a eu des chroniqueurs eux aussi interpellés par le délire. Mais surtout, tous les retours que j'ai pu en lire étaient très positifs et enthousiastes. Incroyable ! Enfin bon, mon petit doigt me dit que certains auraient eu ça entre les oreilles il y a dix ou quinze ans n'auraient sans doute pas émis le même son de cloche. C'est que le petit effet de mode de la synthwave dans le monde metallique ou encore un Leprous qui lorgne de plus en plus vers ses influences les plus new wave 80's au fil de ses sorties dans le monde du prog' semblent avoir décrasser quelques paires d'oreilles. On les remerciera.

 

Pourtant, Voyager ne se montre nullement opportuniste pour le coup : c'est un groupe qui existe depuis vingt ans et ce Colours In The Sun s'avère être son septième album. Juste que c'est un groupe qui nous vient d'Australie et, comme l'on sait malheureusement, ce n'est pas toujours facile de sortir de ses frontières et traverser les océans. Il a donc fallu attendre ce petit septième pour que Season Of Mist se décide à nous le distribuer. Là encore, je réitère les remerciements. Quand bien même il aurait été intéressant de jeter une oreille sur la discographie passée – chose dont je n'ai pas eu le temps – pour voir d'où les mecs sont partis dans cette idée de métissage qui paraissait quand même aussi saugrenue que kitsch (dans son sens péjoratif) dans les débuts des années 2000, on pourra toutefois se consoler que l'on se retrouvera confronté, dans la théorie, à une recette plus rodée et maîtrisée de la part de ses géniteurs. Et lorsqu'on entend « Colours », on n'ira pas moufeter bien longtemps : oui, c'est kitsch, assurément. Du synthé eighties en veux-tu en voilà, un côté pop franchement prononcé, léché, aux arrangements propres qui ne laissent rien au hasard, avec quand même quelques triturations djentiennes balancées par là-bas avec une cohérence désarmante. Le plus enthousiasmant, c'est que ça marche du tonnerre, les oreilles gobent ça comme le paquet de Haribo qui tomberait dans les mains d'un gamin. Bref, le truc tubesque par excellence que tu aimes te farcir avec délice non sans plaisir coupable. Si on devait résumer vulgairement ce que pourrait représenter Voyager, ce serait imaginer un Kevin qui envoie sournoisement des paillettes du nom de A-ha, Duran Duran, Talk Talk (etc) dans la vie de TesseracT, Jolly, Devin Townsend ou encore Leprous. D'ailleurs, en parlant de ce dernier, on notera « Entropy » qui m'aura littéralement fait péter une durite dans sa découverte bien que je ne saurais pas dire ce que je trouvais le plus gonflé : arriver à nous pondre un hit digne d'un Tears For Fears dopé au prog djentien ou laisser Einar Solberg pousser la chansonnette sur le refrain dans un contexte tout plein de lumières et de couleurs pétantes, à mille lieux de ses frasques sombres et dépressives qu'on lui connaît ? C'est osé et le résultat est brillant tant l'on a tôt fait de lever les bras au ciel durant les refrains quasi-célestes en frétillant du fessier. Et qui, d'ailleurs, passe crème dans le cadre d'un petit apéro au sein d'une populace hostile au metal mais toujours encline à se replonger dans la spirale des années 80 dès lors que l'alcool rend les esprits festifs. Mention « testée et approuvée ».

 

Mais Colours In The Sun, ce n'est pas qu'une question de faire pencher la balance vers le côté synthpop pour nous faire danser joyeusement, quand bien même j'aurais tendance à penser que c'est dans ce registre qu'il excelle, Voyager peut aussi inverser son dosage et à mettre davantage le côté prog à profit. L'autre composante venant adoucir le propos en toile de fond, le rendant autrement plus accessible que s'il était présenté dans son joyau brut. Le rendant même parfois hyper catchy comme sur « Reconnected », le clavier galopant amenant un côté très dansant à ce gros moment de djent frénétique et épique. De la même qu'il n'est pas qu'une question de joie et de bonne humeur au pays des Bisounours, le propos pouvant se montrer autrement plus mélancolique – sans jamais tomber dans le dépressif non plus – à la manière là encore d'un Tears For Fears (qui n'est pas si positif qu'il n'y paraît, les gens ayant vu Donnie Darko ont dû s'en rendre compte) comme sur un « Water Over The Bridge » qui nous donne une curieuse impression de vivre un coup de blues dans notre petite promenade au sein des arcs-en-ciel et autres lueurs d'espoir.

 

Au final, Colours In The Sun surprend. Bien entendu que les esprits obtus et totalement allergiques aux eighties vont détester. Tandis que d'autres iront s'en délecter avec un plaisir coupable tant ce nouvel opus de Voyager s'avère jouissif. Et lorsqu'on a gratté la surface, on remarquera également que par-delà du délire, il y a moult choses intéressantes dans ce que nous propose le groupe. Qui aime jouer sur les délires très trompe-l'œil : ça paraît simpl(ist)e mais il y demeure quand même pas mal de complexité lorsqu'on y fait un peu plus attention, c'est un trip lumineux mais pas dans l'éblouissement le plus total, ça donne envie de danser dans les moments sucrés mais aussi de secouer frénétiquement la tignasse quand la musique vogue vers des délires de marteau-piqueur convulsif. Même si j'aurais tendance à penser que les Australiens peuvent encore affiner la formule, histoire de la rendre d'autant plus imparable. Quitte à pousser le bouchon encore plus loin et à hérisser quelques chevelures de plus. Il n'empêche que cette première fournée chez nous se révèle hyper alléchante et mérite amplement qu'on ose y prêter une oreille.

photo de Margoth
le 25/02/2020

4 COMMENTAIRES

Tookie

Tookie le 25/02/2020 à 09:05:44

Ben j'aime pas du tout les 80's mais j'ai vraiment accroché ! Le chant, le riffing et les rythmiques djent-friendly, puis la touche poppy, y'a tout pour que ça m'botte ! J'dis pas que je me l'enverrai tous les jours, j'pense même qu'il va sacrément mal vieillir, mais en attendant, j'aime bien !

cglaume

cglaume le 25/02/2020 à 09:31:01

Ça sent le gros plaisir honteusement juteux tout ça :)

Alias

Alias le 26/02/2020 à 11:57:19

J'avais préféré le précédent, plus équilibré. Celui-ci démarre en trombe, mais la fin de tient pas ses promesses. Ça reste très bon, mais j'ai été un peu déçu.

nipalvek

nipalvek le 16/07/2020 à 17:32:03

Après moulte écoute, j'en reviens vraiment à la même conclusion que toi : affiner la formule. Il manque ce petit truc pour s'élever encore plus loin que le soleil pour rendre leur musique plus aérienne

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anonyme


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